Matata maintient le cap de la croissance malgré les turbulences systémiques

Mercredi 15 juillet 2015 - 13:35
L’histoire et ses contradictions, assorties des défis aussi atterrants, sont révélatrices tant de la fêlure que de la solidité des hommes politiques en fonction. Sur cette toile, après ses 4 ans de fonction, on peut affirmer que le Premier Ministre Matata a indubitablement démontré non seulement son encrage dans l’arène politique, mais surtout sa consistance en gouvernance économique. Et cela dans un contexte systémique aux défis exogènes et endogènes singulièrement déstabilisants. Une configuration dans laquelle l’économie continentale connait une tendance baissière et l’arène nationale demeure dans d’intenses trépidations politiques et sécuritaires. Très peu de chefs de Gouvernement réussissent à maintenir les indicateurs macro-économiques au vert dans une atmosphère aussi contraignante. Indubitablement, Joseph Kabila avait opéré un choix qui aujourd’hui s’avère bénéfique pour le pays et pour son régime. Pourtant, lorsqu’il fut désigné formateur du gouvernement, puis confirmé Premier Ministre en 2012, l’ancien Ministre des Finances Matata Ponyo était perçu – très malencontreusement du reste – comme un technocrate politiquement vulnérable. Après 4 ans à la Primature, Matata Ponyo est remarquablement serein. Il garde toujours l’esprit et les mains bien fermes sur le volant du navire de la croissance qui vogue vers le bon port, en dépits des vagues intenses. Il est adéquat de déplorer, à cet égard, que le fixisme Congolais sur les stratagèmes politiques et l’égotisme intellectuel ambiant, empêchent un regard cartésien sur cette sereine navigation « matatienne ». Comme quoi les Congolais ont toujours du mal à capter les accomplissements de leurs compatriotes. Le négationnisme plat, qui refuse de connaitre et de reconnaitre les avancées réalisées sur le plan économique sous le régime de Joseph Kabila (malgré les indéniables contradictions), trahit à la fois une distorsion cognitive et un égocentrisme politique aveuglant. Les négationnistes font croire qu’eux seuls détiennent la formule exclusive du progrès économique. Une telle posture est de toute évidence fallacieuse, donc immorale. C’est un nombrilisme intellectuel étalant une épistémologie arriérée. En plus, c’est un mythe de faire croire qu’être un excellent acteur politique c’est se distinguer par la verbosité populiste et le machiavélisme politicien. Homme d’Etat polito-technocrate, Matata Ponyo démontre qu’il ne porte pas ces tares politiciennes à la Congolaise. Dans cette cogitation, je propose d’explorer le maintien d’une meilleure posture économique de la RDC par rapport à la projection économique de l’Afrique en 2015, sous la direction du Premier Ministre Matata. Puis, je vais procéder à la déconstruction de la thèse d’une imminente tombée de la RDC en cessation de paiement. Face à cette thèse, je démontre qu’en réalité le problème majeur auquel le Congo fait face aujourd’hui n’est pas celui de la gouvernance macro-économique, mais des périls inhérents au management stratégico-politique. Enfin, je vais formuler les éléments d’une proposition de réorientation tactique et programmatique, susceptibles de permettre à la R.D Congo d’améliorer son impulsion de croissance et donc, son élan vers l’horizon d’émergence. J’argumente qu’il est impérieux de créer un équilibre tactique entre les stratagèmes politiques et les impératifs économiques, afin d’accélérer la création des richesses nouvelles. 5.1 LA MATATA TEAM ET LA STABILITE ECONOMIQUE DU CONGO DANS LA PERSPECTIVE CONTINENTALE Dans son rapport sur l’Afrique intitulé Africa Pulse (Avril 2015, Volume II), la Banque Mondiale note que le continent enregistrera cette année une croissance en contraction au tour de 4 %. Mais, les perspectives sont plutôt bonnes pour la R.D Congo. Selon les analystes du respectable organe de media Américain Bloomberg, le taux de croissance du Congo est placé à 9,1 % en 2015 (Malcom Beith and Paul Richardson, Bloomberg, Février 2015). Même, si on revoyait ce taux à la baisse autour de 8 %, la perspective demeure deux fois supérieure à la moyenne continentale et mondiale. Le meilleur horizon économique de la RDC, et sa réalisation concomitante au premier trimestre de 2015, sont remarquables et appréciables, étant donné que ce pays fait face aux périls politiques et sécuritaires complexes, qui, normalement, devraient provoquer un ébranlement macro-économique. Dans le contexte de cette réflexion, on peut cerner la condition économique plus progressive du Congo sur deux toiles : celle du ratio séquentiel de croissance et du niveau de la production des richesses nouvelles malgré les secousses économiques mondiales ayant affecté les économies Africaines, mais aussi en parallélisme avec les tribulations économiques des puissances économiques continentales notamment le Nigeria et l’Afrique du Sud. 5.1.1 Le ratio séquentiel de la création de richesses nouvelles en RDC par rapport à certains pays Africains Come je l’ai épinglé dans d’autres réflexions, pour mieux saisir les avancées de la RD Congo dans le contexte africain, il est impératif de noter que ce pays fait face aux contraintes historiques et contextuelles autrement plus complexes que celles que la plupart de pays Africains ont devant eux. Avant le retour du Congo sur les rails de la démocratisation et de la reconstruction avec l’arrivée de Joseph Kabila au pouvoir en 2001, aucun autre pays Africain n’avait été dévasté par une « guerre mondiale Africaine ». Les effets gargantuesques de cette dévastation se sont accumulés avec les conséquences apocalyptiques antérieures d’un Etat en faillite ruiné par 32 ans de dictature. Malgré ce désavantage tectonique, la RDC a connu une remarquable restauration économique. Ce pays a fait preuve d’une remarquable résilience de croissance qui lui a permis de rebondir après la crise financière mondiale de 2008. Le tableau ci-dessous que j’ai composé le démontre très clairement. Ce tableau indique que la RDC, malgré le retard accumulé avant la démocratisation, en dépit des turbulences politiques et sécuritaires, est plus performante que beaucoup de pays Africains en termes de résilience et en essor de création de richesses nouvelles. Comme les ratios séquentiels de croissance (2008-2014) le démontrent, si on considère la période qui suit la crise économique mondiale en 2008, la RDC dépasse presque tous les pays repris ci-haut, à l’exception du Nigeria (dont d’ailleurs le PIB a été redressé en 2013-2014). Par ailleurs, il convient de noter que la destruction de la RDC de 1972 à 2001 a causé un retard économique astronomique par le ruine infrastructurel. Paradoxalement, pendant que le pays était en train de connaitre une destruction abyssale, son problème s’est amplifié suite à une véritable implosion démographique avec une augmentation de plus de 40 millions d’âmes des années 1990 à 2014 (Comme quoi la période tragique a été plutôt d’une intense fécondité). Ce gigantesque retard doit d’abord être comblé, pendant que beaucoup d’autres pays construisent sur les acquis des années 1980-1990 (période pendant laquelle le Zaïre était en train d’être cannibalisé) avant d’atteindre une vitesse de croisière. C’est pourquoi il convient d’insister sur le fait que la RDC commence à prendre un plus bel élan (que nous chantons dans l’hymne national), malgré quelques battements des ailes. Cette impulsion doit absolument être préservée, en évitant l’excès des stratagèmes politiques économiquement contreproductifs. 5.1.2 Le Ralentissement Economique Africain incarné par le Nigeria et l’Afrique du Sud La situation du Congo peut être cernée avec plus des nuances (et moins d’affirmations diabolisantes) si on considère, par exemple, les cas des puissances économiques Africaines, le Nigeria et de l’Afrique du Sud. Le Nigeria, qui est la première puissance économique en Afrique, avec plus de $ 560 milliards de PIB, a vu sa gouvernance ébranlée et son économie fortement secouée. Son taux de croissance est passé de 6,77 % en 2014 à 3,36 % dans le premier semestre de 2015 (http://www.tradingeconomics.com/nigeria, 05/15/2015). La monnaie Nigériane, le Naira, a été dévaluée à plus de 20 % par rapport au dollar Américain. Plus de $ 20 milliards escomptés par la banque centrale de la vente du pétrole avaient été portés disparus, laissant un vide béant dans les coffres de l’Etat. L’inflation a galopé de 5,90 % en Mars 2003 pour atteindre 8,5 % en Mars 2015 (Banque Centrale du Nigeria, http://www.cenbank.org/rates/inflrates.asp, 18 Mai, 2015). L’une des conséquences de cette grave déficience en gouvernance est que le gouvernement nigérian avait commencé cette année à emprunter de l’argent pour payer les fonctionnaires (Reuters, 6 Mai, 2015). Cette situation a aussi aggravé la mauvaise posture militaire de l’armée Nigériane qui, étonnamment (avec tout son arsenal et l’argent du pétrole), semble incapable de neutraliser les islamistes de Boko Haram. A telle enseigne que les Américains ont même refusé d’apporter une quelconque assistance militaire au Nigeria à cause, entre autres facteurs, de la scandaleuse déficience en gestion des finances publiques. Bien que l’Afrique du Sud possède l’économie la plus sophistiquée et la plus diversifiée du continent (ce qui lui a épargné les effets néfastes de la chute du prix du pétrole), la contraction de sa croissance est préoccupante. Depuis 2002, la croissance économique oscille autour de 3 à 4 % avec un PIB de $366 milliards (http://data.worldbank.org/country/south-africa, 18 Mai, 2015). La projection de la croissance pour 2015 a été révisée à 1.5 % (David Lipton, IMF, 5 Mars 2015). Ce qui signifie que la création des richesses nouvelles est fortement en régression. Dans la dernière décennie la monnaie de ce pays, le Rand, a connu une dépréciation de 20 %. L’inflation, flotte autour de 4,43 %. Bien que l’Afrique du Sud ne connaisse pas une guerre civile systématisée, comme au Nigeria et en RDC, l’ampleur vertigineuse de la criminalité structurale dans ce pays est d’une proportion véritablement insurrectionnelle (vols à mains armées par une diversité de corporations professionnelles du crime avec armes et techniques militaires avec ramification dans les hautes sphères de la police). Cette situation a aussi une incidence sur l’attraction de nouveaux investissements. Force est de souligner que le Nigeria et l’Afrique du Sud ont en commun une immense carence en énergie électrique. Ces deux pays comptent sur la RDC pour la fournir de l’énergie électrique, grâce au projet Inga III et Grand Inga. Une opportunité que la RDC doit exploiter agressivement pour sa croissance par l’exportation de l’énergie électrique afin de donner un rayon de plus à sa diversification économique. La précarité de la situation du Nigeria et la dramatique contraction de la croissance en RSA ne peuvent pas servir à justifier certaines incohérences de la R.D Congo. Cependant, ce regard en parallèle permet de mieux saisir et apprécier la stabilité macro-économique et la continuation de l’élan de croissance en RDC. Au cœur de cette meilleure posture économique, il y a certes l’effort général de la restauration étatique sous le régime de Joseph Kabila, mais aussi le ressort de constance dans la bonne gouvernance macro-économique sous le leadership du Premier Ministre Matata. Ainsi, malgré les conséquences de la catastrophe financière mondiale (le fameux financial meltdown) de 2008, et en dépit du ralentissement économique continental et des problèmes sécuritaires épineux (que l’on cerne au Nigeria et en Afrique du Sud) l’économie Congolaise est remarquablement ascendante avec une projection de croissance aux alentour de 10 % fin 2015. Le Franc Congolais a même enregistré une légère appréciation de 0,1 % en 2014 (BCC Rapport 2014) et garde sa stabilité (avec des variations minimales) contre le dollar américain. L’inflation est maitrisée en deçà de 2 % selon l’IMF. La Banque Centrale du Congo la prévoit à 1,03 % fin 2015. Les paramètres porteurs de validité scientifique universelle indiquent donc que le Congo est loin d’être une catastrophe économique comme on le présente dans l’imagerie populiste politicienne. Bien au contraire, malgré ses défis politiques et sécuritaires, et en dépit de l’héritage de sa destruction abyssale sous la dictature kleptocratique Mobutienne, le Lion Congo se met progressivement debout. 5.2 LES TOURBILLONS POLITIQUES ET LE DEFI DE MAINTENIR LA STABILITE MACRO-ECONOMIQUE Le Gouvernement du Premier Ministre Matata est né dans le tourbillon postélectoral de Novembre 2011. Il continue à opérer dans un autre tourbillon d’une arène politique extrêmement visqueuse. Ceci est d’autant plus vrai qu’en dehors des défis économiques titanesques, Matata Ponyo doit encore fournir des efforts pour parer aux multiples assailles politiciennes tant de sa famille politique que de l’opposition. Pourtant, et on ne le réalise pas, ce gouvernement est un vrai pilier du régime, car il lui fournit la légitimité de performance. Celle-ci compense l’érosion de la légitimité politique découlant des élections à polémiques de Novembre 2011. En effet, on peut tirer à boulets rouges imbibés de sulfure sur le régime de Kabila sur les autres pans. Mais ce régime Kabiliste jouit d’une certaine solidité sur le plan de la gestion macro-économique. Donc, contrairement à la lecture sur feuille bananière, l’impulsion gouvernementale du Premier Ministre Matata est un ressort du régime. Il lui procure une certaine cohérence étatique par l’amélioration de la capacité extractive et distributive de l’Etat. Les recettes propres de l’Etat Congolais ont atteint une hauteur jamais réalisée dans l’histoire, passant de $2 milliards en 2008 à $6 milliards en 2014 (sous Mobutu avec une population de 30 millions, le Zaïre ne dépassait pas le $1 milliard de budget). Le Premier Ministre Honoraire Muzito, qui est aussi un artisan de ce nouvel ordre de gouvernance étatique, le souligne dans un article dont la pertinence force l’admiration analytique. Il tire la sonnette d’alarme en soulignant que les dépenses de restauration étatique absorbent les ressources qui auraient pu servir à impulser une plus rapide reconstruction infrastructurelle. Tout en étant d’accord avec lui sur la projection conséquentielle de son argumentaire, je voudrais souligner ici la nécessité d’une nuance axée sur la causalité inhérente aux défis politiques singulièrement visqueux auxquels le Gouvernement de Matata fait ce. D’abord, il faut relever que le Congo n’est pas sur une trajectoire de cessation de paiement. Il ne faut pas être fataliste. En 1996, les experts Belges avaient prédit qu’en 2014, l’ex-Zaïre allait être en liquidation. Bien au contraire, aujourd’hui, ce pays s’est forgé une indéniable robustesse économique – bien que la redistribution des richesses soit encore lente. La projection des recettes par rapport aux dépenses causées par les stratagèmes politiques indique une forte éventualité des déficits budgétaires, certes. Mais, il ne s’agit là que d’un exercice extrapolatif. Par ailleurs, la prise en compte de la totalité des paramètres économiques et de ses dynamismes (on garde les yeux sur le cuivre, alors que la production de l’or du Congo prend de l’ampleur remarquable avec plus de $20 milliards de potentiel de production), n’autorise pas d’envisager une faillite financière de l’Etat. Ce qu’il convient de reconnaitre, et de garder constamment à l’esprit lors que l’on explore la situation de la RD Congo par rapport au Gouvernement de Matata, c’est le fait remarquable (du moins aux esprits lucides) de sa capacité de préserver le cap de la croissance, dans un environnement national en permanentes secousses des tourbillons politiques. Ces tourbillons politiques sont amplifiés par les menaces sécuritaires constantes, elles-mêmes porteuses des répercussions déstabilisatrices. Dans un tel environnement, lorsqu’un compatriote fait preuve de consistance en maintenant les fondamentaux macro-économiques au vert, c’est une fierté nationale pour tout patriote quelque soit sa persuasion politique. Sans chercher nécessairement à justifier le Premier Ministre Matata (encore moins à sublimer son action), il me parait impératif de poser avec perspicacité et objectivité le problème des défis et contraintes politiques auxquels il fait face. A ce sujet, l’excellent article du Premier Ministre Honoraire Muzito est très révélateur. Malheureusement, certains acteurs politiques se sont livrés à une interprétation biaisée de cet article. Pourtant un décryptage plus limpide ne manque pas de réaliser que cet article ne pose aucunement un problème de déficience en gouvernance macro-économique ou budgétaire à charge du Gouvernement en place. Bien au contraire, cet article démontre les périlleuses conséquences budgétaires des options politiques que « les politiciens » du régime lèvent. La vérité implacable est qu’il y a une tension, si pas une contradiction, entre les stratagèmes politiques du régime et ses ambitions économiques. A telle enseigne que la consistante gouvernance macro-économique est constamment contrariée par les stratagèmes politiciens. Malgré leur finalité de protection du régime, ces schèmes politiciens mettent en péril les acquis de croissance qui, aujourd’hui, donnent audit régime sa solide légitimité de performance tant sur le plan interne qu’aux yeux des financiers et investisseurs internationaux. Sous cet angle, il convient de relever que le schéma d’une batterie de 6 élections et le découpage des provinces ne sont pas nécessairement des initiatives diaboliques en elles-mêmes (avec le dialogue qui s’y ajoute présageant un nouveau gouvernement, des perturbations budgétaires avec les indemnités de sortie et les frais d’installation). Mais, il semble que certaines élites de la majorité portent un fixisme sur les stratagèmes politiques et la mécanique de la construction étatique effrénée, voire hypertrophiée, sans perspicacité sur leurs implications budgétaires et leur impact sur la bonne gouvernance macro-économique. Pourtant cette dernière, comme souligné plus haut, est un pilier de l’acceptabilité du régime. Il faut avoir le courage d’affirmer que la Majorité Présidentielle a besoin de produire et de former un nouveau type de politicien armé d’une vertu stratégique et programmatique modernes, équilibrant les stratagèmes politiques et les impératifs économiques. Comme disent les anglo-saxons, les politiciens poursuivent le pouvoir en lui-même ; les hommes d’Etat contribuent à la création de la Richesse des Nations comme le démontre si bien Adam Smith dans son magnum opus intitulé The Wealth of Nations. 5.3 CONCLUSION : NECESSITE D’UN REORIENTATION TACTIQUE POUR EQUILIBRER LES STRATAGEMES POLITIQUES ET LES AVANCEES SOCIO-ECONOMIQUES Les élites de la Majorité Présidentielle devaient réaliser (et cela de toute urgence) que l’efficacité de la gouvernance macro-économique et la dynamique concomitante de la croissance économique, contribuent solidement à l’acceptation du régime grâce à la légitimité de performance. De même, les Congolais en général devraient se délester de l’aveuglement partisan égotiste et du nombrilisme intellectuel, afin d’apprécier le fait que la R.D.C maintient le cap de la croissance, en dépit des perspectives baissières du continent. Nous sommes appelés à souscrire à une épistémologie cartésienne grâce à laquelle nos esprits peuvent capter les choses objectivement, en dehors des caprices et subjectivités perturbant notre intellect. Mais la réalité objective de la constance de la stabilité macro-économique et du maintient du cap de la croissance en RDC, en dépit de graves tribulations politico-sécuritaires, ne signifient pas du tout que le Premier Ministre Matata a atteint le nirvana infranchissable de sa fonction. Bien au contraire, face aux défis épinglés ci-haut, le Premier Ministre Matata fait face à l’impératif de faire preuve de plus d’ambition et d’innovation. Il ne devrait pas se contenter de maintenir le cap de la croissance. Au-delà de sa performance actuelle, il devrait opérer une réorientation tactique permettant au régime Kabiliste d’équilibrer ses stratagèmes politiques et ses poussées économiques. La réorientation tactique suppose que sur le plan stratégique, les objectifs repris dans le programme du Gouvernement, sur le plan politique pour la reconstruction institutionnel de l’Etat et la croissance économique demeurent. Mais, il convient, au regard de la marche réalisée jusque là et des défis ayant fait surface, de revoir le déploiement des ressources. Il me semble très logique (et tout stratège politique moderne et lucide devrait s’en rendre compte) que dans un contexte où les stratagèmes politiques présentent les contraintes opérationnelles à la navigation économique, il est indispensable d’imaginer des actions économiques de grande envergure afin d’établir un équilibré systémique. Dans le contexte actuel, par exemple, on constate que les questions d’une batterie de 6 élections, du découpage et du dialogue éclipsent tant en attention de la nation qu’en implications financières, les projets d’infrastructures et de la reconstruction. Les élites de la majorité, comme celles de l’opposition et de la société civile, sont plus préoccupées par toutes ces questions politiques, plus que par la cohésion d’esprits et des pensées sur les questions économiques. Face à ce déséquilibre, le Premier Ministre Matata peut considérer un programme économique spécial d’urgence, à court terme, pour l’agriculture et l’industrialisation dans 11 zones correspondant aux 11 anciennes provinces. Bien entendu cette réorientation devrait s’opérer avec l’accord du Chef de l’Etat. Il serait intéressant de voir le Président Joseph Kabila organiser une session spéciale de Kingakati sur les questions économiques et les épineux défis sociaux. Les alternatives économiques de l’opposition méritent aussi d’être connues. Au lieu de s’appesantir sur les mégaprojets du type Bukangalonzo, le Gouvernement peut envisager des micro-parcs industriels dans chacune des anciennes provinces, à court terme. Au minima, et en moins de 12 mois, si $ 200 à 500 millions sont attribués à ces micro-parcs, le régime peut se donner un éclat socioéconomique à la mesure de la satisfaction que la population obtiendra de tels projets. Les $ 1 milliards que la RDC va recevoir de l’IMF (Malcolm Beith et Paul Richardson, Bloomberg, 18 Février 2015) pourraient être affectés à ces projets. Il faut équilibrer les priorités car en définitive les élections, les provincettes, et les institutions ont besoin des ressources financiers que seule l’économie peut générer. Ces parcs peuvent avoir des micro-industries (agro-alimentaires, pharmaceutiques, chimiques, limonadières, minoteries, etc.). La création de tels micro-parcs simultanément dans toutes les provinces, en conjonction avec l’accélération de la reconstruction infrastructurelle, aura un énorme bénéfice politique (découlant de la perception du sens de justice distributive) et enclenchera une dynamique d’industrialisation par composition progressive à partir des provinces jusque là dénuées d’éclat développemental. Autant on veut octroyer des milliards à la politique et à la reconstruction institutionnelle, autant on devrait allouer des ressources équitables à la reconstruction économique. Celle-ci porte des bénéfices sociaux à la population, qui sont consolidateurs de la légitimité de performance. Cette dernière constitue aujourd’hui le principal rempart du régime de Joseph Kabila. Hubert Kabasu Babu Katulondi Libre Penseur (Watauga, Texas, USA)