Le jeudi 12 novembre 2015, l’Union of Concerned Scientists a rendu public un nouveau rapport. Selon un groupe de scientifiques, au Brésil, en Indonésie et en Inde, les objectifs de réduction des émissions liées à l’utilisation des terres sont moins bien exprimés que ceux de la République démocratique du Congo (RDC).
Ce document met en évidence que l’engagement climatique soumis aux Nations Unies par la République démocratique du Congo, qui abrite la plus vaste étendue de forêt tropicale du bassin du Congo, est solide et ambitieux en ce qui concerne les forêts, contrairement aux engagements climatiques plus faibles de deux autres pays forestiers majeurs, le Brésil et l’Indonésie.
Le rapport note les contributions prévues déterminées au niveau national (CPDN) de la RDC, de l’Inde, du Brésil et de l’Indonésie, sur base de la transparence, l’ambition, les normes comptables et les actions proposées. Par rapport à ces indicateurs, la RDC se positionne devant les trois autres pays.
Des études précédentes de l’UCS montrent que ce résultat s’inscrit dans une tendance voyant des pays en développement produire des engagements plus solides dans le domaine de l’utilisation des terres que les pays développés. Des rapports antérieurs saluent, par exemple, les engagements climatiques de l’Éthiopie et du Maroc.
Des plans « décevants »
Selon l’étude de l’UCS (Union of Concerned Scientists), les plans du Brésil, de l’Inde et de l’Indonésie pour la limitation des émissions responsables du réchauffement de la planète produites par l’agriculture, la foresterie et autres utilisations des terres (AFOLU) sont décevants, malgré le statut de points chauds de la déforestation de ces pays.
En revanche, le plan de la République démocratique du Congo (RDC) est solide et conforme à une tendance identifiée et démontrée par l’étude de l’UCS : les pays plus petits font plus pour réduire leurs émissions causées par l’utilisation des terres que les pays plus peuplés.
Le secteur terrestre dans les contributions prévues déterminées au niveau national du Brésil, de l’Indonésie, de l’Inde et de la République démocratique du Congo) est le dernier livre blanc d’une série de trois publiée par l’UCS.
Il analyse ce qu’on appelle les contributions prévues déterminées au niveau national (CPDN) des pays, à savoir leurs plans d’action spécifiques soumis aux Nations Unies et décrivant comment ils comptent réduire leurs émissions responsables du réchauffement de la planète au cours des années 2020.
Elles sont examinées sur base de la transparence, l’ambition, les normes comptables et les actions proposées. Environ 122 pays ont soumis leurs CPDN, qui devraient orienter les négociations de la future conférence sur le climat de Paris.
« Le secteur de l’utilisation des terres, qui produit environ un quart du total des émissions responsables du réchauffement de la planète, ne peut être ignoré si nous voulons résoudre le problème du changement climatique », explique Doug Boucher, directeur de l’Initiative forêt tropicale et climat de l’UCS et auteur du rapport.
« Le potentiel d’atténuation du risque climatique est élevé dans l’agriculture et les forêts et doit être entièrement réalisé pour prévenir les pires conséquences du changement climatique, qui se produiront si les températures mondiales augmentent de plus de 2° Celsius. »
Le Brésil, qui abrite la plus vaste étendue de forêt tropicale du monde, est entré dans l’histoire pour avoir réalisé la plus importante réduction d’émissions effectuée par un pays au cours des dix dernières années.
Dans ses CPDN, il se targue d’atteindre, d’ici 2025, un objectif louable de réduction de 37 % de ses émissions de carbone, avec ou sans financement international. Malheureusement, cette ambition ne s’étend pas aux émissions du secteur AFOLU du pays. La principale inquiétude est que le pays ne promet d’éliminer que la déforestation illégale en Amazonie, au lieu de limiter toutes les formes de déforestation à travers l’ensemble du pays.
« Les promesses du Brésil ont peu de sens s’il prétend s’attaquer à la déforestation simplement en pourchassant les activités illégales en Amazonie », affirme Doug Boucher. « Le problème va bien au-delà de l’illégalité et de l’Amazonie. Le Brésil doit également réduire la déforestation dans d’autres parties du pays. »
L’analyse révèle que les CPDN de l’Indonésie sont elles aussi problématiques en ce qui concerne l’utilisation des terres. Dans le pays, environ 63 % des émissions responsables du réchauffement de la planète sont issues des secteurs AFOLU, principalement en raison d’une déforestation au profit de l’agriculture à grande échelle.
Le rapport souligne qu’il est donc surprenant et inquiétant que les CPDN de l’Indonésie – qui propose, d’ici 2030, une réduction des émissions de 29 % en cas de statu quo, ou de 41 % si elle bénéficie de financements internationaux – ne présentent aucun objectif pour l’élimination de la déforestation ou du défrichage des tourbières.
« L’Indonésie impose actuellement un moratoire sur le déboisement des forêts primaires et a également interdit le défrichage des tourbières en 2010 », rappelle Doug Boucher. « Mais le plan ne précise pas si ces engagements seront maintenus et encore moins quelles sortes de nouvelles initiatives seront mises en œuvre pour atteindre son objectif global de réduction des émissions. »
Contrairement aux autres pays étudiés dans le dernier rapport de l’UCS, l’Inde est déjà passée d’une déforestation nette à un faible taux de reforestation nette, autrement dit, le pays plante plus d’arbres qu’il n’en coupe.
Dans ses CPDN de 38 pages, l’Inde annonce un objectif global de réduction des émissions responsable du réchauffement de la planète de 33 à 35 % d’ici 2030. Malheureusement, bien que ses CPDN soient nettement plus longues que les autres, elles manquent de la clarté nécessaire pour évaluer efficacement l’ambition du pays, en particulier en ce qui concerne les secteurs AFOLU.
« Après examen, une bonne partie du mystère entourant l’utilisation des terres subsiste dans les CPDN de l’Inde », regrette Doug Boucher.
« Elles ne précisent ni à quel point les réductions d’émissions dépendent de l’aide internationale ni si les objectifs proposés sont annuels ou cumulés. Et alors qu’elles affichent leur ambition de reforestation, il n’en va pas de même de leurs actions liées à l’agriculture et à la dégradation de la forêt naturelle. De plus, même si au total il n’y a aucune perte de terres boisées grâce à la reforestation, rien n’est dit sur ce qui est prévu pour lutter contre la déforestation».
La RDC propose une réduction des émissions de carbone de 17 % d’ici 2030
En ce qui concerne les revenus, l’insécurité alimentaire, le chômage et l’accès à l’électricité et à l’eau potable, la RDC fait partie des pays les moins développés du monde. Et pourtant, par rapport à celles des trois autres pays examinés dans cette étude, les propositions exposées dans les CPDN de la RDC pour ses secteurs de l’utilisation des terres étaient les plus clairement définies.
La RDC propose une réduction des émissions de carbone de 17 % d’ici 2030 en cas de statu quo et précise ce qui sera obtenu dans chaque secteur et à quel point chaque objectif dépend de l’aide internationale. Le pays abrite la plus vaste étendue de forêt tropicale du bassin du Congo, la deuxième plus grande bande de forêt tropicale du monde.
« Le plan de la RDC est plus clair et comprend plus de détails quantitatifs que ceux soumis par des pays nettement plus riches », constate Doug Boucher. « De plus, les réductions proposées par la RDC sont conformes au volume des émissions qu’ils peuvent et doivent réduire sur base de l’ampleur de la contribution de leurs émissions au changement climatique ».
Avec la Chine, l’Union européenne, le Mexique et les États-Unis, les quatre pays examinés dans cette étude produisent 57 % des émissions totales du secteur de l’utilisation des terres, selon une étude précédente de l’UCS intitulée Halfway There (À mi-chemin). C’est pourquoi ils ont fait l’objet de cette série de trois livres blancs de l’UCS.
« Nous avons analysé les engagements des pays dont dépendent les progrès climatiques mondiaux », précise Doug Boucher.
« Il est clair que pour devenir des leaders dans le domaine du climat, ces pays devront apporter d’importants ajustements à leurs CPDN en ce qui concerne l’utilisation des terres, si nous espérons réduire efficacement les émissions produites par ce secteur. Étonnamment, nous avons constaté que des pays en développement tels que le Maroc, le Mexique et la RDC offrent aux autres nations un modèle de maximisation de l’action au niveau de l’utilisation des terres ».
La fin de la destruction des forêts, un sujet majeur
L’Union of Concerned Scientists s’appuie sur une science rigoureuse et indépendante pour résoudre les problèmes les plus pressants de notre planète.
Avec des citoyens de tous les pays, elle combine une analyse technique et un plaidoyer efficace pour trouver des solutions innovantes et pratiques en vue d’un futur sain, sûr et durable.
Le rapport est le troisième d’une série de documents analysant l’utilisation des terres dans les CPDN. Systématiquement, l’étude constate que les pays ayant le plus fort potentiel de réduction des émissions issues de l’utilisation des terres – les États-Unis, la Chine, le Brésil l’Indonésie et l’Union européenne – ne l’exploitent pas dans leurs CPDN.
Par contre et de façon surprenante, des pays en développement tels que le Mexique, l’Éthiopie et le Maroc ont pris, dans le domaine de l’utilisation des terres, de solides engagements qui pourraient servir de modèles mondiaux pour la façon d’aborder les émissions issues de ce secteur.
En tant que solution à faible coût mais fort impact pour le changement climatique, la fin de la destruction des forêts sera un sujet majeur des conversations sur le climat prévues à Paris.
Le secteur de l’utilisation des terres recouvre l’agriculture et la foresterie, et est responsable d’un quart de l’ensemble des émissions de gaz à effet de serre.
Les actions dans le domaine de l’utilisation des terres comprennent la réduction de la déforestation et le reboisement des terres dégradées. Elles concernent également la diminution de la consommation de viande bovine, en raison du gaspillage et de l’inefficacité qui accompagnent sa production.
Contrairement à d’autres secteurs, l’utilisation des terres permet une séquestration du carbone, c’est-à-dire la capture du carbone contenu dans l’atmosphère et son stockage dans le bois et les sols.