L’aveu du Premier ministre renvoie-t-il sine die le processus du démembrement ?

Mercredi 9 septembre 2015 - 14:35

La nouvelle est tombée comme un couperet. Elle émane de la Cour constitutionnelle et c’est le Premier ministre, chef du gouvernement qui, en personne, l‘annonce devant les neuf sages de cette institution en ces termes : « Le gouvernement n’a pas l‘argent pour organiser les élections des gouverneurs et des vice-gouverneurs». Et Matata Ponyo ne s’est pas arrêté là. L’homme à la cravate rouge, réputé pour sa rigueur dans la gestion de la chose publique, est allé jusqu’avouer que « le gouvernement ne dispose pas de moyens pour installer les nouvelles provinces issues du démembrement ».

Matata fonde son argumentaire sur la baisse des prix des matières premières sur le marché mondial, notamment le cuivre qui connaît sa dégringolade. Fort de cette situation, poursuit le Premier ministre, le gouvernement s’est vu obligé de revoir son taux de croissance projeté qui est passé de 9,2% à 8,4%. Comme on pouvait s’attendre, pareille déclaration ne pouvait pas passer sans réaction. Elle a suscité un tollé général au sein non seulement de l’opinion, mais également dans toutes les sphères de la classe politique congolaise.

Les commentaires fusent de partout. Nombreux sont ceux qui crient à l’impréparation du processus car, s’interrogent-ils, comment comprendre que le gouvernement ait décidé de démembrer les, provinces qui passent désormais de Il à 26 sans penser à constituer un matelas d’argent pour leurs installations?

Et d’autres Congolais de se poser la question de savoir s’il existe réellement une coordination au sein de l’équipe gouvernementale, car la détermination, mieux la hargne dont a fait montre le vice-Premier ministre, ministre de l’intérieur Evariste Boshab à parachever ce processus de démembrement des provinces à un temps record, laissait croire que le gouvernement avait réuni tous les moyens nécessaires pour cela. La déclaration du Premier ministre qui est tombée comme un couperet a tranché net et surtout étalé sur la place publique de l’impréparation de ce processus sur quoi repose l’espoir de tout un peuple.

Mais l’annonce du Premier ministre à la haute instance judiciaire vient-elle enterrer définitivement ou jeté dans les oubliettes la question du démembrement des provinces, mieux la décentralisation telle que prévue par la loi fondamentale? Non.
Bien au contraire, la déclaration de Matata doit être perçue comme une interpellation à l’endroit des Congolais, surtout de ceux qui gèrent le pays, leur poussant à repenser avec froideur le processus de démembrement.
Et c’est ici qu’intervient notre modeste contribution pour la réussite de ce processus qui, il faut le dire, a fait un fiasco. Pour nous, nous pensons qu’il faut procéder au démembrement par palier comme ce fut le cas en 1988 avec le Grand Kivu, c’est- à dire commencer par les pro-’ vinces qui ont quelques structures pouvant accueillir toutes les institutions provinciales. Et c’est le cas du Katanga qui, malgré quelques problèmes, dispose de structures viables. En outre, elle a la capacité de collecter des rec5ettès locales consistantes permettant de faire face à certaines exigences.

DISSOLUTION DES ASSEMBLÉES PROVINCIALES

En clair, cela voudrait dire qu’il faut modifier la loi de programmation, ramener la gestion des provinces démembrées dans leur ancienne configuration et charger le Conseil national de mise en œuvre de la décentralisation de proposer, après examen du dossier, la province à démembrer. Et cela, sous l’œil vigilant du Premier ministre.

A une situation exceptionnelle, des mesures exceptionnelles, dit-on. Les gouvernements provinciaux demeurent en place jusqu’à l’élection des députés provinciaux, cela implique la dissolution des assemblées provinciales actuelles. Mais avant leur dissolution, elles peuvent être convoquées pour voter le budget, question de donner aux différents gouvernements provinciaux les moyens de leur politique. Il ne faudrait pas que la machine qui est bien grippée s’arrête brutalement.

Après le Katanga, peuvent suivre dans l’ordre la Province Orientale, l’Equateur, le Bandundu et enfin les deux Kasaï. Procéder de sa manière permettra, à coup sûr, de disposer de fonds nécessaires à l’installation de nouvelles provinces dans des conditions acceptables. L’avis de la Cour constitutionnelle peut être requis pour attester de la conformité de cette démarche préconisée. Aujourd’hui plus qu’hier, le processus de décentralisation, que d’aucuns appellent démembrement, est irréversible.

La PNC, l’ANR, la DGM, les FARDC y sont de plain-pied et la justice va leur emboiter les pas avec le dernier Conseil supérieur de la magistrature qui, dans l’une de ses nombreuses recommandations, a opté pour la nouvelle configuration des provinces. D’ailleurs, l’enseignement primaire et secondaire a été précurseur dans ce domaine depuis plusieurs années en considérant les anciens districts comme étant des provinces éducationnel les. C’est ainsi que pour l’ex-Province Orientale subdivisée en quatre (4) anciens districts, on parle d’Oriental I, II, III, IV. Bel exemple!

Après les services de sécurité et la magistrature, l’on devra penser à asseoir les nouvelles villes et communes et c’est seulement à cette étape que l’on peut penser installer les politiques. Pourquoi ceux-ci en dernier lieu? Simplement pour rasseoir l’administration sur laquelle viendrait s’appuyer les actions des politiques. L’exemple du Royaume de Belgique qui est restée une année entière sans gouvernement et cela à cause des querelles politiciennes peut nous servir de baromètre. Car sans administration forte et assise, le royaume ne saurait tenir pendant cette période d’ingouvernabilité.

Ce processus de démembrement doit également être bien expliqué aux populations pour éviter des dérapages constatés dans le chef de certains acteurs politiques, plus particulièrement des députés provinciaux qui n’ont pas profité de leur passage, près d’une décennie à l’assemblée, pour intérioriser le fonctionnement de l’Etat: Nombreux d’entre eux confondent les limites administratives à l’intérieur d’un état aux frontières séparant deux nations, et lancent un appel à la xénophobie contre les non-originaires.

D’autres se sont illustrés dans les appels à l’incivisme fiscal et à la désobéissance face à l’autorité établie, oubliant que s’ils ont passé plus de temps que prévu à l’hémicycle, c’est parce que la loi fondamentale ou la Constitution stipule qu’ils ne peuvent être remplacés que par d’autres députés et ce, après élection.

C’est ici qu’il faudra forger la conscience nationale pour parer à toute velléité de balkanisation du pays, car pareils discours risquent de conduire la nation vers l’abîme.

Pour résumer notre pensée, nous suggérons qu’on procède comme suit : modifier la loi de programmation en procédant par palier. Une province par an en commençant par le Katanga, la Province Orientale, l‘Equateur, le Bandundu, le Kasaï Occidental et le Kasaï Oriental. Dissolution des assemblées provinciales; gestion complète par les gouvernements provinciaux en place ; mise en place de la justice ; les chefs-lieux des provinces deviennent des villes et élever certaines agglomérations en communes rurales et urbaines évaluation par le CNMOD (Premier ministre), après évaluation par la Conférence des gouverneurs et suivi par le Comité interministériel assisté du CTAD; mise en place de la réforme administrative ; élection des députés provinciaux, élection des gouverneurs.

Par MONULPHE BOSSO