Joseph N’Singa Udjuu : « Le glissement n’est ni prévu ni autorisé par la Constitution »

Vendredi 9 septembre 2016 - 10:43
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En parcourant la feuille de route sur les objectifs assignés au dialogue, il est écrit ce qui suit, je cite: « Le dialogue proprement dit a pour but principal la réunion des parties prenantes congolaises, afin de réfléchir, d’échanger et de débattre en toute liberté et sans contraintes, des voies et moyens de l’organisation des élections crédibles, transparentes, apaisées et inclusives en République Démocratique du Congo, dans le respect de la Constitution et conformément aux autres textes et instruments nationaux et internationaux pertinents ». Ce qui frappe dans cette citation est que toutes les parties prenantes congolaises au dialogue s’engagent à réfléchir à échanger et à débattre des voies et moyens de l’organisation des élections dans le respect de la Constitution. • Comme tout le monde prend l’engagement de respecter et de faire respecter la Constitution, je trouve important de rappeler au peuple congolais et aux participants au dialogue, les principaux principes qui se dégagent de la Constitution du 18 Février 2006 en matière de l’organisation des élections crédibles, transparentes, apaisées et inclusives dans notre pays. Pour moi, ces principaux principes sont les suivants: 1. L’acquisition d’un mandat et d’une légitimité politique s’obtient du seul peuple, à l’issue d’une élection libre, pluraliste, démocratique, transparente et crédible; 2. Le mandat et la légitimité ainsi obtenus du peuple ont une durée de cinq ans; 3. Les élections en vue de renouveler les mandats politiques doivent être convoquées et organisées avant l’expiration de la durée de cinq ans. C’est dire que le recours à une pratique appelée « GLISSEMENT» d’un mandat politique, .permettant à un opérateur politique de continuer à exercer les fonctions issues de son ancien mandat arrivé à expiration, n’est ni prévue ni autorisée par la Constitution. 4. Les animateurs au sein des institutions politiques sont rééligibles plusieurs fois, sauf pour le Président de la République élu lui aussi pour un mandat de cinq ans, mais renouvelable une seule fois (article 70 alinéa 1). Concernant le Président de la République, son élection est soumise à un certain nombre des dispositions contenues dans la Constitution. Ces dispositions constitutionnelles sont les suivantes: a. Le scrutin pour l’élection du Président de la République doit être convoqué par la Commission Electorale Nationale Indépendante, quatre-vingt-dix jours avant l’expiration du mandat du Président en exercice. (Article 73) b. Le Président de la République élu entre en fonction dans les dix jours qui suivent la proclamation des résultats définitifs de l’élection présidentielle. (Article 74 alinéa 1). Avant son entrée en fonction, le Président de la République prête, devant la Cour Constitutionnelle le serment dont la formulation est fixée par l’article 74 alinéa 2. c. A la fin de son mandant, le Président de la République reste en fonction jusqu’à l’installation effective du nouveau Président élu (Article 70 alinéa 2). A ce sujet, j’émets le commentaire suivant: (Malgré que son mandat soit arrivé à l’expiration, l’ancien Président de la République en place ne peut pas abandonner son poste et s’en aller. Il doit rester en fonction jusqu’à ce que son successeur déjà élu et déjà assermenté devant la Cour Constitutionnelle, vienne le rejoindre pour procéder à la remise et reprise. Il faut donc accepter que le Président de la République actuellement en fonction garde toutes les prérogatives constitutionnelles liées à son statut jusqu’à la fin de son mandat intervenant le 19 décembre 2016 dans l’attente d’un successeur avec qu’il fera la remise-reprise. * QUE VA-T-IL SE PASSER SI LA CENI N’ORGANISE PAS DES ELECTIONS AVANT LA FIN DE CETTE ANNEE ELECTORALE 2016? La réponse à cette question est qu’en l’absence des élections dans le délai constitutionnel, il n’y aura à la fin de cette législature, ni un nouveau Président de la République élu, ni des députés nationaux élus, ni des députés provinciaux élus, ni de nouveaux sénateurs élus, ni des nouveaux gouverneurs de provinces élus. Toutes les institutions et tous les animateurs actuellement en place seront dépourvus de toute légitimité issue du peuple, qui d’ailleurs sera en droit de ne plus se reconnaître en eux. Cette absence des élections déclenchera une CONTESTATION GENERALISEE DE LEGITIMITE des anciennes institutions et de leurs anciens animateurs. Pareille contestation de la légitimité des institutions et de leurs animateurs va rapidement provoquer une grave crise politique susceptible non seulement de mettre en péril l’existence même de l’Etat, l’intégrité territoriale et la paix chèrement acquise après des multiples guerres meurtrières, mais aussi de faire de la République Démocratique du Congo un terrain attractif de choix pour des nombreuses forces armées négatives qui aujourd’hui sèment la mort et la désolation dans le monde . • QUE FAIRE FACE A UN TEL AVENIR SOMBRE POUR NOTRE PAYS? La démarche pour empêcher que la République Démocratique du Congo sombre dans un profond abîme d’où elle pourra difficilement sortir ne consiste pas à un partage équitable et équilibré entre les acteurs politiques dépourvus de toute légitimité, au mépris du peuple qu’on a empêché de se choisir souverainement ses dirigeants. La démarche la plus efficace pour prévenir les guerres civiles, les émeutes et les massacres des populations innocentes est le DIALOGUE, la rencontre entre les délégués de toutes les forces vives de la. Nation dans un climat apaisé, pour examiner les conséquences négatives du vide politique et institutionnel créé par la non organisation des élections prévues par la Constitution et pour trouver une SOLUTION POLITIQUE NEGOCIEE, susceptible de garantir au peuple meurtri une gestion pacifique de son pays, même en l’absence des élections. Cette solution politique négociée consistera en l’adoption consensuelle d’un SCHEMA EXTRA CONSTITUTIONNEL permettant la mise ,en place des structures intermédiaires avec leurs animateurs pour gérer le pays pendant la période intermédiaire qui va de la fin de la deuxième législature actuelle à l’organisation prochaine des élections à l’issue desquelles le peuple pourra enfin mettre en place des nouvelles institutions et leurs animateurs. Pendant cette période intermédiaire, certaines dispositions particulières devraient être adoptées, mais elles ne pourront heurter les grandes options démocratiques contenues dans la Constitution. * Ces structures devant gérer le pays pendant la période intermédiaire de douze mois seraient les suivantes: 1. Une Assemblée législative intermédiaire Cette Assemblée législative comporterait les délégués au dialogue, les anciens députés nationaux de la deuxième législature, de la troisième République et les anciens sénateurs et serait compétente pour légiférer pendant la période intermédiaire. Toutes les décisions de cette Assemblée seraient prise par consensus; II. Une deuxième structure de cette période intermédiaire sera le Président de la République. Celui-ci serait consensuellement choisi par les membres de l’Assemblée législative sur proposition de la majorité présidentielle actuelle; III. Une troisième structure de cette même période serait le Gouvernement intérimaire dont le Premier Ministre serait consensuellement choisi par cette même Assemblée législative, sur proposition de l’Opposition politique actuelle. Dans ces désignations consensuelles, l’on devra veiller à ce que les dirigeants des futures structures intermédiaires n’aient pas une même coloration politique et une même origine géopolitique. Le Premier Ministre, dans la formation du Gouvernement intermédiaire, devrait veiller à ce que chacune des 26 provinces y soit représentée. En attendant la mise en place de nouvelles institutions provinciales et leurs animateurs, les provinces actuelles seraient dirigées, pendant la période intermédiaire, par des hauts fonctionnaires de l’administration publique désignés par le Gouvernement. Il serait souhaitable que ces hauts fonctionnaires ne soient pas originaires des provinces qu’ils auront à administrer. • 1.  Les délégués au dialogue devraient convenir que toute procédure visant à : Opérer la révision de la Constitution du 18 février 2006 soit strictement interdite avant la fin de la législation actuelle et pendant la future période intermédiaire; 2. Ils devraient également reconnaître que les recommandations issues du dialogue ne soient mises en application qu’après le 19 décembre 2016 du fait que le Président de la République en fonction exerce avant cette date, la plénitude des prérogatives lui reconnues par la Constitution comme Président déclaré élu le 19 décembre 2011 ; 3. L’alternance politique ne s’effectue pas à l’issue des conciliabules entre les acteurs politiques, mais elle s’opère par le peuple souverain à l’issue des élections libres, démocratiques et apaisées; 4. La responsabilité sur les massacres des millions des compatriotes au cours des guerres et des émeutes qui se sont déroulées à l’Est du pays n’étant pas encore établie, je demande aux acteurs politiques de tous bords de s’abstenir d’ajouter d’autres massacres des populations innocentes en recourant à la violence comme mode d’accession au pouvoir et à la répression aveugle et disproportionnée comme mode de préservation du pouvoir; 5. Vu la modicité des ressources financières dans le pays et la nécessité de consacrer la majorité de ces ressources à l’organisation des élections, je propose que les membres de l’Assemblée législative intermédiaire ne reçoivent pas une indemnité mensuelle, mais uniquement les tickets aller-retour pour leurs réunions et un per diem pendant la durée de ces réunions; 6.      Mes prises de position n’ont pas pour but l’obtention d’une quelconque rétribution. Mon but est de sauver du chaos qui le menace, mon pays que j’ai toujours servi avec loyauté et efficacité dans toutes les fonctions que j’ai eu à exercer pendant mes cinquante-trois années de carrière politique. Que Dieu et nos ancêtres veillent sur notre beau et grand pays. « Une Nation, Un Congo» Fait à Kinshasa, le 1er septembre 2016 N’SINGA UDJUU ONGWAKEBI UNTUBE Premier Ministre honoraire Président du Conseil Judiciaire honoraire
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