Verdict d’appel dans l’Affaire Chebeya : déception de l’Ong ASF/Belgique

Lundi 21 septembre 2015 - 11:03

La Haute Cour Militaire a rendu le jeudi dernier son arrêt définitif sur le dossier du double assassinat de Floribert Chebeya et de son compagnon de lutte, Fidèle Bazana. Dans son verdict d’appel, la HCM a acquitté quatre des cinq prévenus en cause et réduit, sensiblement, la peine prononcée contre le commissaire principal Daniel Mukalay wa Mateso par le premier juge.

Dans un communiqué, Avocats Sans Frontières Belgique (ASF), qui soutient les frères et sœurs de l’activiste constitués en parties civiles, regrette que la justice congolaise n’ait pas saisi l’opportunité de ce procès en appel pour remédier aux défauts des procédures précédentes.

Ceci aurait pu permettre de répondre à certaines dérives constatées depuis le début de cette affaire en 2010. Pour rappel, le corps sans vie de Floribert Chebeya, président de l’ONG congolaise » La Voix des Sans Voix » et figure emblématique de la défense des droits humains en RDC, a été retrouvé dans son véhicule le 2 juin 2010, en périphérie de Kinshasa.

La veille, il s’était rendu à l’inspection générale de la Police Nationale Congolaise sur rendez-vous, où il devait en principe rencontrer le général John Numbi, alors inspecteur général. Le corps de son chauffeur, Fidèle Bazana, n’a toujours pas été retrouvé.

Huit officiers de police ont été accusés d’association de malfaiteurs, d’assassinat et d’enlèvement, de possession illicite d’armes de guerre, de désertion et de terrorisme. Cette affaire a été jugée par la Cour Militaire de Kinshasa/Gombe, en première instance, où un arrêt fut rendu en date du 23 juin 2011 condamnant cinq accusés, dont le principal est le commissaire principal Mukalay, reconnu comme commanditaire de l’assassinat.

Décision insatisfaisante

Pour Avocats Sans Frontières Belgique, la décision de la HCM était insatisfaisante aux yeux des parties civiles sur certains points. Le verdict de la HCM omettait de déterminer avec précision et sur la base d’éléments de preuve les faits ainsi que les responsabilités individuelles des accusés.

Plus précisément, la décision de la HCM ne contenait aucune information sur les mobiles personnels des accusés, leur rôle respectif dans l’assassinat, les circonstances et la préparation du complot. En appel, seuls cinq de ces huit officiers ont été jugés pour assassinat, enlèvement et détention illégale d’armes. La Haute Cour Militaire a requalifié l’infraction d’enlèvement retenu pour Fidèle Bazana en assassinat.

Le verdict en appel, prononcé aujourd’hui à la prison centrale de Kinshasa, a de nouveau déçu les parties civiles car seul Mukalay a été condamné à 15 ans de servitude pénale principale ; les quatre autres étant acquittés sans motivation satisfaisante.

En effet, l’instruction en appel n’a pas permis de tirer les conséquences de nouvelles révélations sur les faits entourant l’assassinat et l’éventuelle implication du Général Numbi. Ces révélations avaient été effectuées par l’ex-Major Paul Mwilambwe (condamné en RDC et en fuite au Sénégal) et Kalala Kalao, le chauffeur privé du commissaire principal Mukalay.

» Les enquêtes conduites de manière superficielles en première instance n’ont pas été suffisamment développées en appel, et le verdict de ce jour témoigne des réponses judiciaires lacunaires aux violations subies par les défenseurs des droits humains en RDC » regrette Josselin Léon, Chef de mission d’ASF en RDC. En marge de ce verdict, les parties civiles, frères et sœurs de feu Chebeya, sont toujours en attente de la décision de la Cour Suprême de Justice suite à la requête de prise à partie contre l’Auditeur Général des Forces Armées de la RDC.

Cette requête, introduite le 3 avril 2015, vise à dénoncer le défaut de l’enquête entourant le décès de Chebeya et de solliciter la poursuite de l’instruction à charge du Général Numbi. L’appui continu d’ASF dans le cadre de cette affaire répond à la volonté de lutter contre l’impunité dans le respect des normes nationales, régionales et internationales. Cette intervention rentre dans le cadre du programme de soutien d’ASF aux défenseurs des droits humains en RDC.

Par Godé Kalonji Muk