Investi en mai 2012 par l’Assemblée Nationale et remanié, pour la première fois, au mois de décembre 2014, le gouvernement Matata s’achemine, inexorablement, vers un nouveau remaniement ou, pour ne pas choquer les esprits, « réaménagement technique ». En effet, après la révocation du ministre du Plan, Olivier Kamitatu, par le Président de la République lui-même, en date du mercredi16 septembre, on a enregistré, le week-end dernier, les démissions des ministres Jean-Claude Kibala de la Fonction Publique, Bolengetenge Balela des Affaires Foncières et Kabwe Mwewu de l’Agriculture, Elevage et Pêche.
Comme si cela ne suffisait pas, on a appris hier le départ du gouvernement du ministre de la Jeunesse, Sports et Loisirs Sama Lukonde. Comme on peut s’en douter, ce feuilleton de sorties forcée et volontaires de l’équipe Matata II est étroitement lié à la « rébellion » des cadres du G7 (Charles Mwando Nsimba de l’Unadef, Gabriel Kyungu wa Kumwanza de l’Unafec, Olivier Kamitatu de l’ARC, José Endundo du PDC, Christophe Lutundula Apala de l’ADP/MSDD et Dany Banza Maloba de l’ACO) contre l’Autorité morale de la Majorité Présidentielle.
En principe, ces « vides » appellent une recomposition de l’équipe ministérielle. Quant à savoir si le Chef de l’Etat va se précipiter à les combler, rien n’est moins sûr. Là où d’aucuns voient une urgence à satisfaire, il peut avoir une autre lecture de la situation. Interrogé au sujet de la restructuration du gouvernement à la suite des vacances de portefeuilles provoquées par les départs des ministres restés fidèles aux « frondeurs » du G7, Lambert Mende, ministre de la Communication et Médias, s’est montré fort réservé, soulignant simplement que pareille initiative restait à la totale discrétion du Chef de l’Etat.
Pléthore de candidats ministrables
D’ordinaire lent à agir, même s’il a surpris tout le monde dans les cas de Pierre Lumbi (ex-Conseiller spécial en matière de Sécurité) et Olivier Kamitatu (ex-ministre du Plan), Chef de l’Etat va probablement prendre tout son temps avant de « réaménager » ou de mettre carrément en place une nouvelle équipe ministérielle. La première difficulté à laquelle il est présentement confronté est celle de la pléthore de candidats ministrables.
Il y a tellement, au sein de la Majorité Présidentielle, des cadres laissés au bord de la route lors des élections législatives de 2011, de la composition des gouvernements Matata I et II, des mises en place dans les entreprises publiques, la diplomatie et la petite territoriale, que la moindre perspective pour eux de rompre avec le « chômage » les pousse à multiplier des appels du pied en direction de leur Autorité morale ou des membres de son pré-carré. A 14 mois de la tenue des élections présidentielle et législatives nationales et partant de la fin de la législature en cours, il ne va pas être facile pour Joseph Kabila de trancher, d’autant que parmi les ministres actuellement en fonctions, personne n’accepterait de rendre le tablier. La soif de devenir ministre ou de conserver son portefeuille est telle qu’une gestion maladroite des offres de candidatures risque d’aggraver les fissures causées par l’auto-exclusion ou l’exclusion du G7. Le moindre mal, pour le Chef de l’Etat, serait peut-être de faire un bon bout de chemin avec des « intérimaires », d’autant qu’au niveau de nouvelles provinces, beaucoup de cadres de la Majorité Présidentielle rêvent de figure sur la liste de futurs Commissaires Spéciaux et Commissaires Spéciaux Adjoints.
L’incertitude du Dialogue
L’autre facteur à prendre en compte par Joseph Kabila avant tout remaniement ou réaménagement du gouvernement n’est autre que l’incertitude qui continue de peser sur la tenue du Dialogue. Alors qu’un deal politique était sur le point d’être conclu avec l’UDPS d’Etienne Tshisekedi, principal opposant capable de mobiliser, sans argent ni cadeaux, sa base politique et sociale contre le pouvoir en place, tout s’est arrêté depuis le retrait, il y a une dizaine de jours, de ses représentants aux pré-négociations.
Cette rupture brutale des contacts a largement compromis les chances d’organisation d’un dialogue politique destiné à poser les jalons d’un dégel politique en RDC, où se surveillent, à distance, les pro et anti-glissement. La classe politique congolaise comme la communauté internationale, très impliquée dans le volet concernant le respect des délais constitutionnels pour la présidentielle et les législatives nationales, sont conscientes que sans consensus autour du calendrier électoral et la gestion des affaires publiques avant ces deux scrutins, il y a lieu de craindre le pire à l’horizon 2016.
Joseph Kabila, qui ne le sait que trop bien, n’a aucun intérêt à remanier ou restructurer le gouvernement avant de savoir si le Dialogue politique se tiendra effectivement ou non. Dans l’hypothèse de sa tenue, il serait prudent de laisser voir venir les choses car dans les mœurs politiques congolaises, on n’a jamais vu une Table ronde, une Conférence nationale ou un Dialogue se terminer sans partage des « postes », même si, pour ne pas se faire disqualifier par l’opinion interne, tous les protagonistes jurent de ne pas rouler pour une nouvelle « Transition ».
Kimp