Revue de presse locale : Scott Campbell a quitté le territoire congolais

Lundi 20 octobre 2014 - 14:37

La décision de déclarer Scott Campbell, directeur du Bureau conjoint des Nations Unies aux droits de l‟Homme, persona non grata a été initialement rendue publique par le ministère de l‟Intérieur jeudi dernier, au lendemain de la publication d‟un rapport de l‟ONU qui donne force détails de graves violations des droits de l‟Homme par les forces de l‟ordre congolaises dont le ministère est responsable. La décision a été officiellement confirmée par le ministère des Affaires étrangères vendredi, en dépit des efforts déployés par Martin Kobler, chef de la mission de l‟ONU en RDC (Monusco), afin de convaincre le gouvernement de revoir sa décision. Quasiment toute la presse de ce lundi 20 octobre 2014, tant nationale qu‟internationale, s‟en fait l‟écho et rapporte des avis divers sur cette affaire.

 

« Pourquoi le gouvernement refuserait de mener ses propres enquêtes et décide par contre d‟expulser M. Scott Campbell pour avoir fait son travail ? », s’interrogent les ONG selon Le Potentiel. Elles rappellent qu’étant membre des Nations Unies, la RDC est tenue de respecter toutes les obligations internationales en matière de promotion et protection des droits de l’Homme et de collaborer avec tous les organes et mécanismes chargés de faire le suivi de leur mise en oeuvre, dont le BCNUDH. Pour ces ONG, « la décision du gouvernement congolais constitue une atteinte extrêmement grave à la liberté d‟expression qui est pourtant consacrée par la constitution de la RDC ». Elles rappellent que Scott Campbell n’est personnellement pas l’auteur du rapport sur l’opération Likofi publié par les Nations Unies et considèrent, de ce fait, que « la décision des autorités congolaises d‟expulser M. Campbell est non seulement une des formes d‟absence de volonté en RDC de respecter, protéger et mettre en oeuvre les droits humains, mais aussi constitue une menace contre les défenseurs des droits humains en RDC et les Nations Unies dont la RDC est pourtant membre ».

 

« Scott Campbell a quitté le territoire congolais », titre en grandes lettres Forum des As. Lors de son point de presse de vendredi 17 octobre à Kinshasa, le porte-parole du gouvernement a déclaré « qu‟il a été constaté de bien curieuses accointances fonctionnelles entre le numéro 1 du BCNUDH à Kinshasa et des membres connus et reconnus d‟une certaine opposition (appelons-la non républicaine pour ne pas utiliser des qualificatifs plus désobligeants) dont les officines sont des sources de plusieurs éléments professionnellement inacceptables dans les rapports estampillés BCNUDH ».

 

« Au cours des évaluations avec le gouvernement, M. Campbell avait été maintes fois alerté sur le fait que ses services étaient instrumentalisés par les responsables des officines de la haine qui passent le plus clair de leur temps à ruminer des plans machiavéliques de vengeance contre le Président Kabila, « coupable » de les avoir défaits aux élections de 2011 », a souligné le ministre des Médias Lambert Mende Omalanga lors d’une conférence de presse tenue le 17 octobre. Il a soutenu que ce fut « en vain car [M. Campbell] n‟en tint aucun compte et continua de répandre aux quatre vents des rapports sur les droits de l‟Homme en RDC qui n‟étaient que des copies de brûlots politiquement motivés de l‟opposition non républicaine. (…) L‟intéressé, devenu de ce fait, persona non grata devrait quitter le territoire de la RDC. On peut dire que dans cette affaire, le gouvernement a bu le calice de la patience jusqu‟à la lie. En effet, M. Campbell, dont le mandat en RDC consiste essentiellement à s‟impliquer dans une coopération constructive avec les autorités légitimes de ce pays pour appuyer les efforts de défense et de promotion des droits de l‟Homme s‟est, au contraire, illustré par des prestations systématiquement hostiles aux institutions en place », a martelé Lambert Mende.

 

De son côté, La Tempête des Tropiques rapporte les propos tenus par une responsable de l’Ong Human Rights Watch. « Expulser un responsable de l‟ONU pour avoir parlé de violations des droits de l‟Homme enverrait un message préoccupant pour la liberté d‟expression en RDC », a déclaré Ida Sawyer, chercheuse sénior sur l’Afrique au sein de l’ONG Human Rights Watch. « Au lieu d‟expulser le directeur des droits de l‟homme, le gouvernement devrait enquêter et poursuivre les auteurs des meurtres et disparitions documentés dans le rapport de la Monusco. Le ministre de l'Intérieur et d‟autres officiels ne doivent pas interférer avec le travail des enquêteurs des droits de l‟homme », s’indigne encore Ida Sawyer.

Pour ce faire, selon la déclaration du ministre Lambert Mende, « Scott Campbell rempli les conditions pour être déclaré persona non grata. Il a demandé au Secrétaire général des Nations Unies de le retirer [de la RDC] », selon le journal.

 

Pour Justicia asbl, ongdh basée au Katanga, seules des commissions d’enquête mises en place soit dans le cadre de la Commission ou de la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples, soit du Comité des droits de l’Homme des Nations Unies, soit de la Cour pénale internationale pourraient valablement mener, et ce de manière indépendante, des enquêtes sur ces crimes graves assimilables aux crimes contre l’humanité, établir la vérité pour l’intérêt de la justice et même faire poursuivre leurs auteurs devant les mécanismes impartiaux et indépendants de justice. L’Ongdh condamne « la tentative de décrédibiliser la Monusco pour avoir rempli la mission [qui lui est dévolue] par la résolution 2147 si bien que lorsque le gouvernement réagit différemment s‟il s‟agit de dénonciations de crimes commis par le M23 et les autres forces négatives par la même institution ». A l’instar des autres Ongdh, Les Amis de Nelson Mandela pour les droits humains invite le chef de l’Etat à rappeler à l’ordre les ministres qui tentent d’encourager les auteurs de graves violations des droits de l’Homme comme celles commises lors de l’opération Likofi à Kinshasa entre les mois de novembre 2013 et février 2014.

 

« Le dossier sur l‟expulsion de M. Campbell fait encore parler de lui », informe La Référence Plus. Plusieurs voix s’élèvent pour désapprouver la décision du gouvernement. C’est dans cet ordre d’idées que près de 84 Ong de promotion et de défense des droits de l’Homme en RDC ont dénoncé et rejeté avec fermeté la décision du gouvernement d’expulser le directeur du BCNUDH, du territoire congolais. Elles l’ont fait savoir dans une déclaration rendue publique le week-end dernier au cours d’un point de presse tenu au siège de l’ONG Voix des sans voix situé dans la commune de Ngaliema.

 

Selon L’Avenir, à en croire Lambert Mende lors d’un point de presse tenu vendredi dernier, « plus d‟une fois, ce haut fonctionnaire des Nations unies s‟est permis en dehors de toute vérification élémentaire d‟imputer par présomption des faits délictueux ou criminels anonymes aux forces de sécurité congolaises ». « Un autre pêché de Scott Campbell », poursuit Lambert Mende, « c‟est le refus systématique de prendre en compte des remarques et clarifications dûment documentées qui lui ont été fournies à chacun de ses rapports par les instances gouvernementales compétentes ». Ce qui passe pour une insulte et « aucun gouvernement responsable et souverain ne peut tolérer ce comportement », précise L’Avenir rapportant les propos de Lambert Mende. « Le mépris ainsi affiché à l‟égard d‟un gouvernement auprès duquel il était accrédité ne nous paraissait plus de nature à permettre un travail profitable à la promotion des valeurs des droits de l‟homme auxquelles nous sommes attachés », a souligné le ministre des Médias congolais. Cette publication, selon le ministre, prétend que les policiers impliqués dans l’opération « Likofi » portaient des cagoules et se déplaçaient à bord de véhicules de type Jeep sans plaque d’immatriculation, alors que ces policiers commis à cette tâche en uniforme règlementaires ne portaient pas de cagoule et n’intervenaient pas à bord de Jeep, « mais plutôt de pick-up dotés de plaques clairement identifiables ».

 

Dans un communiqué de presse, le ministère belge des Affaires étrangères, pour sa part, précise que le vice-Premier ministre et ministre des Affaires étrangères Didier Reynders « est très inquiet d‟apprendre l‟expulsion de M. Scott Campbell, directeur du Bureau conjoint des Nations Unies pour les droits de l‟Homme (BCNUDH) établi à Kinshasa par la Monusco et le Haut-Commissariat aux droits de l‟Homme des Nations Unies ». Didier Reynders s’exprimant sur cette affaire soulignait que «la lutte contre le terrorisme urbain est une nécessité mais que le gouvernement congolais doit mener cette lutte en respectant les droits de l‟homme, à plus forte raison s‟il s‟agit de mineurs d‟âge. Nous espérons que les événements seront l‟objet d‟un examen au fond et que les auteurs de ces actes de violence seront jugés». Si cet examen a bien eu lieu par le BCUNDH, l’expulsion de son directeur n’était pas la réponse à laquelle on était en droit de s’attendre du gouvernement de la RDC. Et le communiqué d’affirmer que « le ministre Reynders appelle dès lors les autorités congolaises à réexaminer leur décision, à la lumière des engagements internationaux en matière des droits de l‟Homme auxquels la RDC a adhéré, et à entamer d‟urgence un dialogue constructif avec le BCUNDH sur les recommandations exprimées dans son rapport ».

 

« Martin Köbler est monté au créneau samedi 18 octobre 2014 pour confirmer les résultats de cette enquête », rapporte Le Phare. « Mieux, le patron de la Monusco a même endossé ses conclusions, en soulignant que l‟initiative de cette démarche se fonde sur le mandat du Conseil de sécurité de l‟Onu, inquiet des dérapages orchestrés par la traque des «kulunas» (jeunes délinquants violents de la ville de Kinshasa) », poursuit le quotidien. «J‟exprime ma plus grande confiance à Scott Campbell et dans le travail réalisé par toute son équipe. Le rapport Likofi a été préparé en application du mandat donné à la MONUSCO par le Conseil de Sécurité et a respecté la méthodologie utilisée par le Haut-commissariat des Nations-Unies aux droits de l‟Homme. Je prends l‟entière responsabilité des conclusions et recommandations de ce rapport », a déclaré le Représentant spécial du Secrétaire général des Nations Unies en République démocratique du Congo.

 

« Le rapport „Likofi‟ a été bel et bien partagé avec le gouvernement de la RD Congo en date du 18 août 2014 », précise Le Phare. Les commentaires du ministre de l’Intérieur, Richard Muyej, ont été annexés au rapport. Ce dernier a reconnu, dans sa correspondance du 5 septembre 2014, d’une manière générale, les écarts de comportements avérés dans le chef des éléments de la police chargés de ladite opération. « Cela, a-t-il affirmé, avait d‟ailleurs fait l‟objet de préoccupations des institutions de la République, du gouvernement et du Parlement, alors que des procédures judiciaires ont été engagées, puis abouti à des condamnations définitives ».

 

Le Phare affirme que des Ong ont exprimé leur mécontentement suite à cette décision et qu’elles ont en outre garanti leur soutien à Scott Campbell. Selon les Ong, “les opérations Likofi n‟étaient pas mauvaises [en soi]”. Cependant elles déplorent les dérapages des éléments de la police lors de l’exécution desdites opérations. Puisqu’elles estiment que le respect des droits de l’Homme est un devoir et une obligation pour les pays qui ont ratifié cette convention. Selon elles, “le Bureau conjoint [BCNUDH] n‟a fait que relayer ce qui était déjà révélé par les autres organisations oeuvrant dans le même secteur. Cependant, la publication du rapport a pris du temps avec des statistiques précises. Son contenu ne sort ni de l‟ordinaire, et de l‟imaginaire. C‟est du vrai puisque la population congolaise elle-même est le témoin oculaire des événements. Et il y a des familles victimes”. Elles ont en outre déclaré qu’ “elles condamnent vigoureusement les déclarations de certains membres du gouvernemenet tendant à banaliser la gravité des exactions commises contre les populations ciblées à l‟occasion de l‟opération Likofi et qui s‟attaquent gratuitement aux activistes des droits humains pour protéger leurs intérêts égoistes”.

 

Dans un autre article, Le Phare rapporte les propos du porte-parole du gouvernement Lambert Mende confirmant la déclaration faite la veille par son collègue de l’Intérieur. « Celle de mettre fin au mandat du Directeur de cette structure de l‟Onu dans notre pays. Pour cela, Scott Campbell a été déclaré persona non grata » en République démocratique du Congo. «Maniant avec dextérité les contre-vérités, la désinformation et les extrapolations tendancieuses au mépris des exigences professionnelles de rigueur et d‟objectivité dans l‟exercice de sa mission dans un domaine aussi sensible, M. Campbell est devenu la caisse de résonnance des rumeurs les plus invraisemblables sur la situation des droits de l‟homme dans notre pays. Plus d‟une fois, il s‟est permis en dehors de toute vérification élémentaire des faits d‟imputer «par présomption» des faits délictueux ou criminels anonymes aux membres de nos forces de défense de sécurité».

Le Haut-commissaire aux droits de l'homme des Nations unies, Zeid Ra'ad Al Hussein, a déclaré qu'il regrettait et condamnait la décision du gouvernement de la RDC d'expulser son représentant dans ce pays. BBC Afrique rapporte les propos de Zeid Ra'ad Al Hussein selon lequel « on a demandé à Scott Campbell, mon très expérimenté et respecté représentant en RDC, de partir. Deux autres membres du personnel travaillant dans son équipe ont été sérieusement menacés. C'est inacceptable ». Zeid Ra'ad Al Hussein appelle "le gouvernement de la RDC à reconsidérer sa décision au sujet de M. Campbell, à enquêter sur les menaces et intimidations continues contre les autres membres du personnel des droits de l'homme des Nations unies, et à traduire en justice les responsables".

 

La décision prise par Kinshasa jeudi 16 octobre (…) suscite la désapprobation de la communauté internationale et des défenseurs des droits de l’homme, informe RFI. « Mais du côté de Kinshasa, on persiste et signe ». Pour le porte-parole du gouvernement de la RDC, l’expulsion de Scott Campbell est une question d’heure, même si aucune « deadline » n’a encore été annoncée officiellement. Lambert Mendé estime que le directeur des droits de l’Homme du BCNUDH s’est montré trop critique et partial dans ses rapports. « M. Scott Campbell s'est illustré par des prestations systématiquement hostiles aux institutions en place », a déclaré le porte-parole du gouvernement. Et d'ajouter : « Le mépris ainsi affiché [...] ne nous paraît plus de nature à permettre un travail profitable à la promotion des valeurs de droits de l'homme dans notre pays.» Et RFI de rappeler que « la décision de Kinshasa de demander le rappel du chef du bureau de l'ONU pour les droits de l'homme en République démocratique du Congo risque de porter atteinte à la crédibilité des efforts entrepris en matière de droits de l'homme dans ce pays », a estimé vendredi la France dans un communiqué. RFI ajoute que cette action peut se comparer à celle de « museler l'expression libre des citoyens ». Selon Anneke Van Wouldenberg de Human Rights Watch, renseigne enfin RFI, la démarche du gouvernement congolais est d'autant plus inquiétante que les rapports pour lesquels Scott Campbell est incriminé s'inscrit dans la mission qui est la sienne. « Sa mission consiste précisément, a déclaré à RFI Mme Van Wouldenberg, à mener des enquêtes, vérifier des informations et traduire devant la justice les responsables des crimes documentés par les Nations unies.» Et d'ajouter : « En voulant expulser Campbell, Kinshasa donne l'impression de vouloir museler l'exercice par les Congolais de leurs droits d'hommes et femmes libres », a-t-elle ajouté.

 

Reuters, de son côté, informe que le responsable du bureau conjoint des Nations Unies aux droits de l'homme en RDC a quitté le pays après que le gouvernement a ordonné son expulsion pour avoir publié un rapport accusant la police d'abus, mais un porte-parole de l'ONU a déclaré dimanche qu'il reviendrait. Le porte-parole par intérim de la MONUSCO, Carlos Araujo, a confirmé que « la mission de l'ONU avait reçu une demande officielle du gouvernement du président Joseph Kabila exigeant le départ du directeur du Bureau conjoint des Nations Unies aux droits l'homme, Scott Campbell ». Araujo a déclaré que M. Campbell avait quitté le pays vendredi pour un congé qui était prévu de longue date. "Puisqu‟il est en congé, nous nous attendons à ce qu‟il revienne en RDC", a déclaré Carlos Araujo dans un courriel. Le porte-parole du gouvernement, Lambert Mende, a déclaré à Reuters que « Scott Campbell ne [pouvait] pas retourner au Congo en sa qualité de directeur du bureau conjoint des Nations Unies aux droits de l'homme. S'il voulait revenir en tant que particulier, ce serait une question dont la réponse dépendrait des bureaux consulaires du Congo », a dit Mende selon l’agence de presse britannique.

 

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