"Ce que nos interlocuteurs étrangers disent le jour, ils ne nous le répètent pas la nuit. Une fois les micros débranchés, le discours n’est plus le même", clame l’ambassadeur itinérant.
A deux ans de la présidentielle de 2016, notre consœur ’’Jeune Afrique’’ a jugé le moment opportun pour consacrer un dossier à la RDC. Dans son édition du samedi 19 octobre dernier, l’hebdomadaire passe en revue les opinions des principaux leaders de la classe politique congolaise, avant de mettre un accent particulier sur les positions de quelques chancelleries qui brillent par leurs discours ambivalents.
"Ce que nos interlocuteurs étrangers disent le jour, ils ne nous le répètent pas la nuit". Cette confidence de Séraphin Ngwej à ’’Jeune Afrique’’ est assez éloquente pour décrier le discours ambigu des décideurs occidentaux qui fréquentent la République démocratique du Congo. Très proche de Joseph Kabila, l’ambassadeur itinérant vit au quotidien ce double langage, surtout quand ses interlocuteurs se prononcent sur la révision constitutionnelle.
Officiellement, certains diplomates occidentaux ne mâchent pas leurs mots quand ils se livrent aux médias. Les Américains, en particulier l’envoyé spécial de Barrack Obama pour la région des Grands Lacs, ne cachent pas leur détermination à voir Joseph Kabila se retirer du pouvoir à l’issue du prochain scrutin. Russ Feingold, l’ancien sénateur américain et archétype de l’aile gauche du parti démocrate, s’aligne carrément dans le rang de tous ces opposants qui scandent en chœur : ’’On ne touche pas à la Constitution’’.
’’ON NE DOIT PAS CHANGER LES REGLES DU JEU EN PLEIN MILIEU DU MATCH’’
Belges et Britanniques sont aussi d’avis qu’on ne doit pas changer les règles du jeu en plein milieu du match, mais ils y mettent les formes et se refusent à faire de la République démocratique du Congo un cas d’école, atteste ’’Jeune Afrique’’. Les Français, eux, n’affichent pas leur position publiquement, mais en coulisses, leur souci de voir les dispositions de la loi fondamentale respectées saute aux yeux.
"Le président Hollande n’évoque ce type de sujet avec ses pairs africains que lorsque ces derniers l’abordent en premier", souffle-t-on à l’Elysée. Ainsi, ’’lors de la dernière visite de Kabila à Paris, il a été question de Total, d’Air France, d’Orange ou de GDF-Suez beaucoup plus que de politique’’, lâche le magazine à vocation continentale.
UN FRONT DE REFUS
Si, dans leurs discours officiels, les porte-étendards de ces chancelleries sont pour la plupart fermes sur leur opposition à toute révision constitutionnelle, il n’en est pas le cas dans les discussions en coulisses, fait quasiment remarquer Séraphin Ngwej. "…Une fois les micros débranchés, le discours n’est plus le même", clame l’ambassadeur itinérant.
Dès lors, les dirigeants congolais, eux, ont préféré s’aligner sur la position de non-ingérence de la Chine, de l’Inde et du Brésil, encouragés certes par l’amorce d’un front de refus aux injonctions occidentales mené par l’Afrique du Sud, l’Angola et l’Union africaine. Une position confortée par le fait que les immenses richesses de la RDC pourraient toujours interférer avec les discours des étrangers, y compris les plus radicaux. FDA