Les évènements du 19,20 et 21 janvier, les difficultés du dialogue, la nomination des commissaires spéciaux, le Front citoyen 2016... comptent également parmi les faits qui ont marqué cette année finissante.
L’an 2015 qui s’achève demain jeudi 31 décembre, a été riche en évènements politiques en République démocratique du Congo (RDC). De rebondissement en rebondissements, cette année a enregistré des défections, démissions, suspicions, arrestations, intimidations et menaces dans la classe politique congolaise en générale, voire dans la société civile.
Evénements tragiques du 19, 20 et 21 janvier 2015
En effet, tout avait commencé par les évènements tragiques survenus les 19, 20 et 21 janvier de cette année, lorsque l’Assemblée nationale et le Sénat étaient sur le point de modifier la loi électorale pour conditionner la tenue des élections au recensement de la population. Pour manifester son refus face à cette disposition qui portait les germes du glissement, le peuple congolais est descendu dans la rue, le sang a coulé.
Plusieurs magasins des expatriés ont été mis à sac, et des congolais arrêtés.
Alors, que les députés nationaux avaient déjà voté cette loi- suicidaire, après avoir barricadé toutes les voies menant vers le Palais du peuple, les sénateurs y ont opposé un refus farouche. C’est ainsi que l’article à problème a été retiré, et le calme s’est installé à Kinshasa. C’était un signal fort pour démontrer que les Congolais sont pour les élections dans les délais constitutionnels en vue d’une alternance en novembre 2016 au sommet de l’Etat.
Consultations
Le n°1 de l’ANR a été chargé par le chef de l’Etat, en mars dernier, de déposer des invitations aux différentes formations politiques de l’Opposition pour des consultations en vue d’ouvrir la voie au dialogue.
L’Udps, le Mlc, l’Unc... avaient tous reçu des invitations.
Ces consultations ont eu lieu de mai en juin, au Palais de la nation où Joseph Kabila s’est entretenu avec la quasi- totalité des couches de la population. Le cardinal Monsengwo, d’autres confessions religieuses, certains leaders des partis politiques, les autorités traditionnelles, les journalistes.., avaient tous fait un tour au palais présidentiel. Sauf l’Udps, le Mlc, l’Unc, l’Ecidé, le Mlp et consorts qui ont dit niet à cette démarche qui risque, selon ces partis de l’opposition, de prolonger la tenue de la présidentielle tant attendue.
Ne Mwanda Nsemi, président de Bundu Dia Mayala, avait même soutenu, au sortir de son entretien avec Kabila, qu’il fallait une transition de trois ans, pilotée par l’actuel président de la République, pour organiser de bonnes élections. Mais avant cela, un dialogue congolais inclusif. Ces propos lui ont attiré la foudre de sa propre base dans le Kongo-central, au point de se retirer officiellement de la politique en RDC.
Démission de Malumalu
Après une contradiction flagrante, vers le mois de septembre, entre le gouvernement central et la Commission électorale nationale indépendante (Ceni) à propos du financement de cette dernière, l’abbé Malumalu, indisponible depuis plusieurs mois, a déposé sa lettre de démission au président de la République, évoquant des raisons de santé. Juste après, le vice- président et la questeur de cette, même institution ont été poussés à la démission. Le malaise était donc profond et visible au sein de cette centrale électorale, au point de bloquer la machine.
Le G7
Le 14 septembre, sept cadres de la Majorité présidentielle (MP) adressent une lettre ouverte à l’autorité morale de leur plateforme, lui demandant l’alternance démocratique, avant de plaider pour l’organisation des élections dans le strict respect du délai constitutionnel. Il s’agit de Yves Mobando du Msr, Olivier Kamitatu de l’Arc, José Endundo du Pdc, Banza Maloba d’Ac, Gabriel Kyungu de l’Unafec, Charles Mwando Nsimba de l’Unadef et Christophe Lutundula de l’Adp.
Dans la foulée, des ministres du gouvernement central dont les partis sont membres du G7 démissionnent, des sénateurs, de même que quelques ministres, provinciaux du Katanga. Ceux qui se sont accrochés de force ont été virés à la suite du réaménagement technique de l’exécutif qui s’en est suivi.
Le 29 septembre, soit 15 jours plus tard, Moïse Katumbi démissionne de son poste de gouverneur du Katanga, et quitte en même temps sa formation politique, le parti présidentiel dont il état président fédéral dans sa province, le Pprd.
L’opinion le soupçonne d’être de mèche avec le G7, car ses raisons évoquées se ressemblent comme deux gouttes d’eau avec celles du G7.
Les commissaires spéciaux nommés
Le 29 octobre, Joseph Kabila nomme les commissaires spéciaux dans les 21 provinces découpées de la République démocratique du Congo. Chaque commissaire est secondé de deux adjoints. L’un chargé de questions politiques et l’autre de questions économiques. Ils sont notamment chargés de doter les nouvelles provinces d’une administration, de services techniques et d’infrastructures minimales pour pouvoir créer des balises nécessaires favorables à l’arrivée de nouveaux gouverneurs.
Selon le gouvernement, cette option a été levée pour se conformer à l’arrêt de la Cour constitutionnelle, l’enjoignant de prendre des dispositions transitoires et exceptionnelles en vue de faire régner l’ordre public, la sécurité et assurer la régularité ainsi que la continuité des services publics dans les nouvelles provinces, la Ceni n’ayant pas pu organiser l’élection des gouverneurs de ces provinces.
L’opposition politique, dans l’unanimité, a crié au scandale et à la violation de la Constitution. Elle a dénoncé cette nomination, accusant la Majorité présidentielle de multiplier des stratégies pour installer les personnes de leur obédience dans les provinces, pour des raisons inavouées. Car, il n’est pas normal que la République démocratique du Congo manque de moyens de doter à la Ceni pour organiser l’élection des gouverneurs dans toutes ces provinces.
D’ailleurs, Eve Bazaïba, secrétaire générale du Mlc, a saisi la Cour constitutionnelle, le 30 novembre, déposant ainsi un recours en annulation des ordonnances présidentielles nommant ces commissaires spéciaux. Car elles violent la Constitution de la République. Interrogé par les députés le 26 novembre, le ministre de l’Intérieur, Evariste Boshab, a déclaré que la désignation des commissaires spéciaux à la tête de nouvelles provinces ne violait pas l’article 198 de la Constitution sur l’élection des gouverneurs.
Dialogue : la MP d’accord, l’Opposition divisée
Les mois d’octobre et de novembre ont été dominés par des tractations autour du dialogue. Si la Majorité est complètement d’accord pour ce forum, sous quel que format que ce soit, tel n’est pas le cas pour l’opposition dont une grande partie soupçonne des velléités de glissement, alors qu’une autre soutient mordicus ces assises en vue de baliser le chemin des élections.
Des émissaires du pouvoir ont fait des aller-retour Kinshasa-Bruxelles- Kinshasa pour convaincre le sphinx de Limete à prendre part à ce qu’ils considèrent comme un de grands rendez-vous de l’histoire de la République Démocratique du Congo, en vain.
Dans cette difficulté, Joseph Kabila a pris le courage d’annoncer, le 28 novembre, la convocation du dialogue politique inclusif sans fixer la date, ni le lieu. Ce qui a provoqué des réactions musclées, le 1er décembre 2015, de l’opposition dans sa pluralité. Pour elle, il n’y a plus de doute, encore moins de procès d’intention. Joseph Kabila n’envisage pas de quitter le pouvoir. Car, dans cette adresse du 28 novembre, il n’a fait aucune allusion à son départ, s’évertuant à donner son bilan de 2015 et des perspectives d’avenir. Les Opposants ont promis d’appliquer l’article 64, alinéa 1er, pour envoyer le peuple dans la rue, car le chef de l’Etat tient à demeurer, contre la loi fondamentale, au pouvoir.
Il faut noter que Kabila avait également déclaré avoir instruit le ministre de la Justice de procéder à la libération des prisonniers pour décrisper le climat avant le dialogue.
Le même mardi 1er décembre, l’Udps, à travers un communiqué signé personnellement par Etienne Tshisekedi, refuse le dialogue tel que convoqué par Kabila dont elle conteste la qualité d’initiateur, se constituant en juge et partie. Pour Tshisekedi, c’est Ban Ki-moon qui doit convoquer ce forum et désigner le médiateur international.
Réagissant à la mise en garde de l’Opposition, le procureur général de la République est monté au créneau pour menacer tout celui qui osera violer le même article 64, mais dans son alinéa 2. Et le 3 décembre, la coalition de 33 Ongdh réagit énergiquement contre la sortie médiatique du Pgr, l’accusant d’empêcher le peuple congolais d’user de son droit de manifester pacifiquement, garanti par la même Constitution.
Des Congolais à l’Ile de Gorée
Du 12 au 14 décembre, des députés nationaux, acteurs de la société civile et chefs de certains partis politiques de l’opposition, ont effectué le déplacement de Dakar, au Sénégal, à l’Ile de Gorée, pour prendre part à une conférence sur la démocratie et la paix en Afrique subsaharienne. Les députés nationaux ont même reçu l’autorisation de sortie du président de l’Assemblée nationale, Aubin Minaku, à cet effet.
Curieusement, ils ont été accusés par lé pouvoir d’avoir pris part à une conférence aux visées subversives pour apprendre comment renverser le pouvoir Un dispositif a été mis en place pour les arrêter à leur retour, le 15 décembre, à l’aéroport de N’Djili, à en croire le député Franck Diongo, mais la Monusco et quelques ambassadeurs se sont interposés pour éviter ce haut risque au moment où la RDC a besoin de la cohésion nationale.
Pour l’Opposition, cette réaction de la Majorité présidentielle prouve à suffisance la peur des Kabilistes de quitter le pouvoir, le décompte étant déjà activé.
Le Front citoyen 2016
C’est la conséquence de la conférence de l’Ile de Gorée. Tous les conférenciers de Dakar se sont coalisés pour monter le « Front citoyen 2016 », une structure efficace à laquelle se sont joints d’autres acteurs politiques qui n’ont pas été au Sénégal, pour empêcher tout glissement et toute violation de la Constitution. Ce front a promis des actions de grande envergure en 2016 jusqu’à l’organisation, au mois de novembre, de la présidentielle.
Par LEFILS MATADY