À Kinshasa, le chef de la police est autant craint que respecté. En quelques années, le général Kanyama est devenu une pièce maîtresse du système sécuritaire du président Kabila.
Le général Célestin Kanyama, on l'aime ou on le déteste. À 54 ans, le chef de la police de Kinshasa traîne une réputation de bad boy et serait, à en croire ses détracteurs, le flic le plus redouté de RD Congo. Né à Kananga (Kasaï-Occidental), il est même dans le collimateur de Human Rights Watch, qui l'accuse d'être mêlé aux "meurtres et disparitions" de kuluna durant l'opération Likofi, lancée pour débarrasser la ville de ces jeunes brigands.
On ne touche pas à Kanyama, ont en substance rétorqué les autorités congolaises. Fin octobre, Scott Campbell, directeur du Bureau conjoint des Nations unies aux droits de l'homme, qui a abondé dans le sens de l'ONG américaine, a été prié de quitter le pays. Même la suspension de l'aide britannique à la police congolaise n'a pas convaincu Kinshasa de "lâcher" son officier.
En 2011, Kanyama n'est encore "que" commandant de police du district de la Lukunga, dans le nord-ouest de la capitale, lorsqu'il se fait remarquer. À l'époque, la campagne électorale est houleuse et l'homme, formé sur les bancs de l'École de gendarmerie de Matete (Kinshasa), se pose comme rempart contre le désordre public. Quitte à fouler aux pieds les droits des autres candidats à la présidentielle.
"À l'époque, il suffisait d'un rassemblement anti-Kabila pour voir Kanyama et ses hommes débarquer et disperser la foule sans ménagement, se souvient un élu de l'opposition. Il a aussi été à la manoeuvre pour entraver le retour d'Étienne Tshisekedi [candidat de l'Union pour la démocratie et le progrès social] dans la capitale." "Il est l'acteur principal de la cabale mise en place pour réduire au silence l'opposant Diomi Ndongala", croit encore savoir Freddy Kita, secrétaire général de la Démocratie chrétienne.
Pourtant, le pouvoir fait confiance à cet homme que la rue a surnommé Esprit de mort depuis qu'il a - vainement - tenté de faire interdire les minibus Mercedes 207 (eux-mêmes rebaptisés esprits de mort en raison de leur dangerosité), qui tiennent lieu de transports en commun dans la ville. En novembre 2013, quelques jours avant d'être promu commissaire provincial de la police à Kinshasa, il se voyait confier le commandement alterné de l'opération Likofi avec le général Ngoy Sengelwa.
En bon communicant (la presse est conviée à chacune des descentes de la police), il a rapidement éclipsé son camarade. "C'est un homme de terrain tandis que Sengelwa est un technicien qui préfère donner des ordres", commente un proche du général Charles Bisengimana, le patron de la police congolaise.
Un des premiers instructeurs des "Bana Mora"
À la fois craint et respecté par les Kinois, qui lui imputent une baisse de la criminalité, Kanyama est aujourd'hui l'une des pièces maîtresses du dispositif sécuritaire du président Kabila dans la capitale. "J'ai la confiance du chef", nous confirme-t-il d'ailleurs, tout en rappelant qu'il a été l'un des premiers instructeurs des "Bana Mora", les soldats de la garde républicaine qui s'occupent de la sécurité du chef de l'État.
Kanyama n'est pas arrivé là par hasard. C'est Gaëtan Kakuji, cousin de Kabila père, qui l'avait repéré en 1996 et fait entrer dans la police. Quelques mois plus tôt, Kanyama avait déserté le poste de gendarmerie où il était affecté, à la frontière avec l'Angola, pour rejoindre la rébellion du Mzee, tombeur de Mobutu, et marcher sur Kinshasa. C'est aussi de cette époque que date son amitié avec l'influent Gabriel Amisi, qui est depuis la mi-septembre à la tête de la première zone de défense, qui couvre la moitié ouest du territoire.