Le président Joseph Kabila traverse sans doute les pires moments de sa vie politique car son régime s’effondre à vue d’œil comme un château de cartes. Le mois de septembre aura été pour lui une saveur toute particulière, car il a vu, les piliers de son régime s’en aller un à un. Après donc le départ du G7, c’est le populaire et richissime gouverneur du Katanga qui vient d’officialiser sa rupture avec Kabila. Pas lyrique mais tout aussi cinglant, on se souvient de sa métaphore de faux penalties de décembre dernier où il brandissait la menace de la rue contre Kabila si jamais il osait briguer un 3ème mandat, Katumbi a cette fois-ci opter pour un réquisitoire en règle du régime Kabila en égrenant chacune de ses dérives pour justifier sa rupture définitive et irrévocable avec le président de la République. Une rupture anticipée par plusieurs observateurs qui prêtent à Katumbi des ambitions présidentielles en 2016. La rupture solennelle entre Katumbi et Kabila n’était donc qu’une question de jours tant les relations s’étaient déjà fortement dégradées.
Et ce qui devait arriver arriva ! « Chers amis, j’ai signifié ce jour ma démission du PPRD et du gouvernorat du Katanga, ma déclaration ci-dessous » c’est en ces termes que le président du Tout-Puissant Mazembe s’est exprimé le mardi 29 septembre, via son compte tweeter pour annoncer sa double démission. C’est donc une page politique importante de la RDC qui vient d’être tournée. Désormais entre Kabila et Katumbi c’est le jour et la nuit. Un acte d’une telle portée politique (double démission) ne peut se faire sans motivation. Et Katumbi les énumère une à une. La première selon lui, c’est bien évidemment le fait que « tout est mis en œuvre pour ne pas respecter la Constitution » alors que, déplore-t-il, « nous entrons dans la dernière ligne droite du dernier mandat constitutionnel du Président de la République ». Le meilleur élu de la République en 2006 en veut pour preuve « le retard, le flou et l’illisibilité du cycle électoral ».
Pour lui, il s’agit de ni plus ni moins de la « stratégie du glissement des dates des scrutins » déjà dénoncée par le G7 et bien avant lui par l’Opposition et la société civile (le patron de l’UNC Vital Kamerhe étant parmi les premiers a tiré la sonnette d’alarme). La deuxième raison de cette rupture entre Katumbi et Kabila, c’est la récente et très controversée proposition de loi portant modalité d’organisation des référendums. Katumbi la trouve inopportune. Et comme pour remuer le couteau dans la plaie de la Kabilie, il ravive des souvenirs douloureux en rappelant la tentative ratée de révision de l’article 220 de la Constitution pourtant verrouillée et l’échec des Concertations nationales en 2013. Katumbi balaie aussi d’un revers de la main le prétexte Kabiliste du manque des moyens pour organiser les élections car dit-il le gouvernement n’a pas les moyens pour exécuter le calendrier global mais a les moyens d’organiser le référendum. Moïse Katumbi dit être fermement opposé à tout prétexte pour retarder les élections. L’autre raison du divorce Kabila-Katumbi, c’est la nomination des commissaires spéciaux pour gérer les provinces. Katumbi pense que c’est inconstitutionnel. Bon nombre d’observateurs ont toujours pensé que le démembrement précipité et chaotique des provinces de la RDC avait été fait principalement pour l’éjecter du gouvernorat du Katanga qui décuplait sa force de frappe politique déjà considérable. Katumbi accuse aussi Kabila d’ignorer les aspirations du peuple de qui émane la légitimité. Et pour l’ex homme d’affaires, le peuple s’est déjà exprimé au prix de son sang lors des Manifestation de janvier 2015. Et d’exhorter Kabila d’être respectueux des engagements et de la parole donnée. Allusion sans doute au serment prononcé lors de son investiture, il a juré qu’il va respecter la constitution et la faire respecter. Cette exhortation est aussi clin d’œil de Katumbi à Kabila à propos d’une interview de 2007 accordée au Magazine Jeune Afrique par le président. Kabila y avait dit qu’il ne modifierait jamais la constitution pour s’éterniser au pouvoir.
« La constitution est sacrée » avait-il dit. Face au scepticisme de son interviewer qui lui avait fait remarquer que certains de ses pairs l’avaient dit aussi avant de changer d’avis, il dit «Mais Joseph Kabila n’est pas comme les autres. J’ai donné ma parole d’honneur en promulguant cette Constitution, je n’y toucherai donc pas. Le pouvoir use. Il faut savoir s’arrêter. ». Toujours sceptique le journaliste le relance à nouveau sur cette question en posant cette question : doit-on vraiment vous croire? Kabila répond : « je donne ma parole d’officier. Que voulez-vous d’autres». Pour finir, le désormais ex gouverneur du Katanga motive sa décision à cause également de l’absence d’un Etat de droit. Cette absence est visible notamment par le « recul généralisé des libertés individuelles, la hausse du niveau d’intolérance politique dont la nation est victime ». Il pense sans doute à ses proches qui croupissent en prison (Jean-Claude Muyambo et Vano Kiboko) ainsi qu’à l’arrestation des activistes de Filimbi et de la Lucha notamment. Katumbi dénonce entre autres : les arrestations arbitraires, les répressions policières violentes, les intimidations, les interdictions de films et les coupures de connexion internet. Ces pratiques, qualifiées des dérives inacceptables par lui, sont à bannir assène-t-il.
C’est après ce réquisitoire en règle de la Kabilie, que Katumbi dit avoir décidé de prendre ses distances avec le régime en assumant toutes les conséquences. Il n’a pas manqué de remercié la population du Katanga, les opérateurs économiques, et les élus qui l’ont accompagné au cours de son mandat. C’est par une note d’espoir que le gouverneur termine sa déclaration en lançant un appel général de mobilisation pour sauvegarder la démocratie. Après donc Vital Kamerhe en 2008, c’est un autre poids lourds politique qui vient de quitter Kabila. La perte de Kamerhe avait déjà coûté politiquement à Kabila le Kivu, celle de Katumbi, lui prive définitivement du Katanga. C’est une hémorragie inédite que connait la Majorité présidentielle (MP) il quelques jours c’est 7 autres leaders importants et personnalités diverses qui venaient de quitter le camp présidentiel. La MP s’est donc considérablement affaibli car Katumbi voulait faire évoluer la démocratie en menant le combat à l’intérieur de sa famille politique. Il vient de jeter l’éponge. Prochaine étape: mettre en place une machine de guerre politique pour remporter la présidentielle d’octobre 2016.