Nouvelles provinces : le Parlement choisit la navigation à vue

Vendredi 12 décembre 2014 - 12:05

Les deux chambres du Parlement ont décidé hier jeudi 2014 de passer, à partir de l’année prochaine, à la phase d’installation de nouvelles provinces de la République, soit 15 nouvelles « entités » telles que consignées à l’article 2 de la Constitution adoptée le 18 février 2006. En principe, on devrait assister à la transformation de 15 anciens Districts en provinces, ce qui devrait donner un total de 26 provinces ci-après : Bas-Uele, Equateur, Haut-Lomami, Haut-Katanga, Haut-Uele, Ituri, Kasaï, Kasaï Oriental, Kongo Central, Kwango, kwiIu, Lomami, Lualaba, Kasaï Central, Mai-Ndombe, Maniema, Mongala, Nord-Kivu, Nord-Ubangi, Sankuru, Sud-Kivu, Sud-Ubangi, Tanganyika, Tshopo, Tshuapa ainsi que la ville-province de Kinshasa.

On rappelle qu’en 2007, un débat houleux sur la même matière au niveau de l’Assemblée Nationale avait débouché sur un moratoire de 36 mois. L’on pensait, à l’époque, qu’au bout de cette échéance, le pouvoir central serait en mesure de réunir les moyens financiers requis pour la mise en place des infrastructures indispensables au fonctionnement des administrations de ces nouvelles entités territoriales. Jusque- là, aucune ligne budgétaire n’a été dégagée dans le sens de l’application de l’Article 2 de la Constitution, ce qui parait, aux yeux de certains, comme une violation flagrante de la Constitution qui exige réparation.

A la lumière de l’option levée hier par députés et sénateurs de faire passer impérativement la RDC de 11 à 26 provinces, tans tenir compte des paramètres de viabilité de nouvelles entités. Politico-administratives, de nombreux concitoyens craignent d’assister à l’émergence de nouveaux « canards boiteux » que devrait porter à bout de bras, le trésor public national.

Un budget de pauvre

Le budget 2015, revu et corrigé au niveau du Sénat, après son adoption à l’Assemblée Nationale, reste en déça de 10 milliards de dol ars américains. Certains parlementaires ont relevé, avec des provinces incapables de créer, au stade actuel, des richesses à même d’assurer la prise en charge des animateurs de leurs institutions et leurs personnels d’appoint, de leurs fonctionnaires, de leurs infrastructures de base, de leur agriculture, de leur pêche et de leur élevage, de la protection de leur environnement, de la lutte contre les épidémies, de I’adduction en eau potable et électricité, etc. Lorsque l’on revisite la loi des finances 2015, l’on constate qu’aucun secteur ne bénéficie d’une ligne de crédit conforme à ses besoins.

Qu’il s’agisse de la sécurité, de l’administration publique, de la santé, de l’éducation, du transport, des voies de communication, de l’énergie, de la culture, des arts, des sports, de l’environnement que de la recherche, la répartition du budget national obéit à la logique du saucissonnage des fonds. Avec un budget de pauvre, la République Démocratique du Congo se situe à un niveau encore trop bas pour prétendre au statut de pays émergent à l’horizon

2030.

La sagesse aurait dû commander aux sénateurs et députés de ne pas ouvrir à la brèche, en ces temps de basse conjoncture, à de nouveaux postes de dépenses qui dépassent les moyens de l’Etat. Nombre de compatriotes partagent le pessimisme de certains parlementaires qui estiment qu’il est très dangereux d’avoir engagé le pays sur la voie de navigation à vue.

Plusieurs actuelles non viables

Depuis 2006, la santé financière des provinces de la République laisse à désirer. Selon les statistiques établies depuis le gouvernement Gizenga jusqu’à celui de Matata (2007-2014), les rares provinces à même d’autofinancer leur développement s’appellent Bas-Congo, Kinshasa et Katanga. Les huit autres provinces de la République ne font que crier famine. On rencontre, dans ce pays, des provinces incapables de financer un seul kilomètre de route bitumée, un barrage, une station de production d’eau potable, une plaine d’aviation, un port, une école, un hôpital, etc. Tout ou presque doit provenir du pouvoir central.

Dans certaines provinces, députés provinciaux et agents des services d’appoint alignent plusieurs dizaines de mois de salaires impayés depuis 2011 voire avant L’on se demande s’il est réaliste de passer de 11

26 provinces dans un Etat où villages et villes de l’intérieur du pays sont totalement enclavés. Il y a des provinces où il faut toute une journée pour faire la jonction entre deux territoires, faute de route. Plusieurs chefs-lieux de districts appelés à se transformer en provinces manquent de tout’ hôpital de référence, université, marché moderne, barrage hydro-électrique, station de traitement et distribution d’eau potable, société de transport en commun, chambre froide, hôtel, bâtiment administratif digne de ce nom, charroi automobile pour l’administration, tribunaux et parquets, ferme agro-industrielle, stade de football, maison de la culture, journal, station de radio et de télévision, cybercafé, etc.

Par quelle magie les nouvelles provinces vont-elles se doter d’infrastructures et services sociaux qui leur font défaut?

Nord-Kivu, Sud-Kivu et Maniema mauvais exemples

D’aucuns soutiennent qu’à leur création, dans les années ‘80, les provinces du Nord-Kivu, du Sud-Kivu et du Maniema. n’étaient pas viables Rien n’est plus faux. Pour ne prendre que leurs chefs-lieux, à savoir Goma, Bukavu et Kindu, chacun peut se rappeler qu’elles disposaient des infrastructures minimales de base ‘ aéroport, port, stade, hôpital général de référence, bâtiments administratifs, logements pour cadres et agents de l’Etat, énergie électrique et eau potable ainsi que routes asphaltées pour Goma et Bukavu, tories activités agropastorales, industrielles et commerciales, forte circulation des personnes et de leurs, biens, etc.

Bref, le minimum était réuni pour leur permettre de fonctionner comme entités administratives’ décentralisées, sans attendre l’aide de Kinshasa Les richesses internes, réelles et potentielles étaient là. Il n’était pas question de partir de zéro, comme cela va être le cas pour les 15 nouvelles provinces en gestion sur papier.

La leçon du Bas-Congo incomprise

Mus certainement par la sagesse et la pleine connaissance des réalités de leurs provinces, les originaires du Bas-Congo s’étaient farouchement opposées, en 2005, en marge du référendum constitutionnel, au morcellement de leur entité en provincettes. Pourtant, rien n’interdisait aux districts de la Lukaya (chef-lieu : Inkisi), des Cataractes (Chef-lieu Mbanza-Ngungu) et du Bas-fleuve (chef-lieu Boma) de s’ériger en provinces, pusiqu’elles n’auraient pas eu besoin de construire de nouvelles infrastructures pour leurs administrations et leurs animateurs.

Mais, la province a décidé de rester une pour se donner le maximum de chance de se développer à partir d’un seul centre d’impulsion qu’est Matadi.

Et les Ne Kongo ont vu juste en optant pour une province unie et forte. En principe, la proximité avec la capitale aurait pu donner de mauvaises idées aux tenants du découpage territorial.

Ambitions politiques démesurées

L’on sent, travers la précipitation de certains députés et sénateurs de voir leurs districts érigés en territoires la soif de satisfaire des ambitions politiques démesurées. D’aucuns ne visent nullement le développement de leurs milieux d’origine, mais plutôt la quête des postes de gestion ‘comme gouverneurs ou vice-gouverneurs. Certains pensent s’enrichir rapidement et facilement à partir des dividendes de la’ rétrocession de 40 %, sans se soucier de la non viabilité de leurs futures entités. Il est fort dommage que pour une question aussi délicate de l’avenir du pays, les ambitions de certaines personnalités aient pris le pas sur la recherche de l’intérêt général.

Kimp

 

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