Même si la plénière a été décalée de 48 heures, les deux ministres ne pourront plus échapper au fatidique contrôle parlementaire … sauf mise en place avant vendredi du gouvernement de cohésion nationale dont ils seraient écartés ! Sauf aussi ordre du chef de file de la Majorité de s’attirer la sympathie populaire en laissant la chambre pratiquer l’autodafé contre les ministres jugés fautifs.
Les tensions baissent à l’Assemblée nationale avec l’accord donné par Aubin Minaku pour que deux membres du gouvernement soient attendus car deux motions de défiance pèsent sur leur tête. En inscrivant à l’ordre du jour de ce mercredi 5 novembre, puis finalement vendredi 7 novembre, cette matière liée au contrôle parlementaire, le président de l’Assemblée nationale se lave de tous soupçons de complicité puisque certains élus l’accusaient de vouloir geler la procédure. Minaku laisse la latitude à la plénière de décider du maintien ou de la démission de Patrice Kitebi et Remy Musungayi. Le ministre délégué aux Finances, issu de la Majorité, se justifiera sur le crédit alloué à l’Opposition dont CDF 207.814.080 dépensés à l’insu des bénéficiaires, tendis que son collègue de l’Industrie, membre de l’Opposition, se défendra sur la gestion opaque du projet de la Cimenterie de la Province Orientale.
C’est une affaire d’argent, de beaucoup d’argent, de part et d’autres. Patrice Kitebi et Rémy Musungayi sont dans le viseur des députés nationaux. Ils doivent s’expliquer chacun sur leur gestion jugée non transparente. Cette fois-ci le débat est délicat car Kitebi et Musungayi jouent leur avenir au gouvernement. Leurs sorts respectifs sont scellés à deux scenarios.
Le premier : l’examen des motions en plénière. Alors que des bruits de corruption ont circulé le week-end à Kinshasa, mettant en cause un député UDPS élu du Kasaï, qui aurait reçu USD 75.000 pour désamorcer la bombe, Samy Badibanga, tenace, est décidé d’en découdre face à Kitebi quand Alphonse Awenze, député de Kisangani, a juré de couler Musungayi dans l’affaire de la Cimenterie de la Province Orientale. Difficile d’échapper à l’échafaud.
Selon les pratiques parlementaires, une motion de défiance permet à son auteur de présenter son argumentaire, autrement dit l’acte accusateur mettant en cause un membre du gouvernement d’une part, et d’autre part à l’accusé de présenter ses moyens de défense. Il s’en suit un débat entre les élus qui soutiennent leur collègue auteur de la motion d’un côté et de l’autre ceux qui défendent le ministre incriminé. Un vote secret va départager les uns et les autres au bout du débat. Si la majorité des élus vote en faveur de la motion, le membre du gouvernement accusé est viré de son poste mais, si elle la rejette, l’incriminé se sauve.
Les faits accablants
Les griefs portés contre le ministre délégué aux Finances remontent à l’examen de la loi portant reddition des comptes de l’exercice 2013. A cette occasion, le rapport de la Cour des comptes a fait part d’une mauvaise imputation des CDF 207.814.080 sur les CDF 500.000.000 prévus pour le bureau du porte-parole de l’Opposition. Cette révélation a secoué les membres de l’Opposition qui s sont sentis roulés dans la farine. Ils ont crié au scandale …financier au motif que l structure officielle du chef de file de l’opposition, censée gérer cet argent, n’est pas encore mise en place à cause des tergiversations politiques. Des explications ont été fournies à la Commission Ecofin mais peu convaincantes pour Samy Badibanga, le président du groupe parlementaire UDPS et Alliés, déterminé de faire tirer davantage les choses au clair via une motion de défiance levée contre Kitebi. Mais l’initiative de Badibanga l’est dans une période où certains élus de la Majorité veulent régler les comptes aux leurs. Tels ces députés de la Province Orientale, toutes tendances confondues, qui estiment que la question de la Cimenterie à la base de la motion contre le ministre de l’Industrie Rémy Munsungayi, prime sur les intérêts des familles politiques. Amener donc Kitebi et Musungayi devant la plénière, c’est laisser éclater les fissures dans les rangs de la Majorité dont la cohésion pourrait sérieusement être mise à mal.
D’où le deuxième scenario qui consisterait à la mise en place avant vendredi d’un gouvernement de cohésion nationale. Si pareille démarche aurait l’avantage d’éviter de jeter l’opprobre à toute la Majorité et à l’Exécutif, elle serait fatale à Kitebi et Musungayi qui, logiquement, ne pourraient pas faire partie de cette nouvelle équipe. Sauf, le cas extrême, si Kabila a décidé de s’attirer la sympathie populaire en laissant le contrôle parlementaire se dérouler sans entraves.
Octave MUKENDI