L‟homme avait le pouvoir.Un pouvoir sans partage, qu‟il a exercé pendant trente-deux ans (1965-1997). Arrivé à la tête du pays en période de guerre froide, il s‟était révélé un stratège intraitable en réussissant l‟implication du parlement dans la constitution de son premier gouvernement, ce qui avait permis de légitimer son coup d‟Etat. A titre de rappel, Mobutu n‟avait pas choisi les ministres de sa première équipe gouvernementale. Il s‟en était remis aux groupes parlementaires provinciaux qui avaient désigné un ministre pour représenter chacune des vingt-deux provinces. Au début, il donnait l‟impression de partager le pouvoir mais c‟était pour mieux rebondir au lendemain des pendaisons de la Pentecôte après lesquelles il resta seul à la barre, tous les politiciens étant désormais morts de trouille. Et ce fut le début de l‟ascension de l‟homme seul, le Grand Léopard. Le Père de la Nation était né, un homme incontournable pour l‟Occident dans sa lutte pour contenir et combattre le communisme en Afrique. Devenu Sese Seko Kuku Ngbendu wa Zabanga « Pili-pili ya mobesu » à la faveur de la politique du Retour suivi du Recours à l‟authenticité, Mobutu monta en puissance en devenant le Timonier, l‟oracle dont « toute parole dite en public avait force de loi ». Craint à l‟intérieur, l‟homme était respecté sur le plan international où il partageait le couvert avec tous les grands. En Afrique, il était connu pour sa prodigalité parce que non seulement il réglait les fins de mois de certains pays, il finançait aussi les réalisations de ses pairs notamment des grandes écoles, des mosquées etc, en oubliant d‟en faire de même dans son propre pays. Puis vint 1990. L‟homme tout-puissant qui descendait des nuages par la magie de l‟audiovisuel, redevint un simple mortel. Suite aux nombreux coups de boutoir reçus à l‟intérieur, il devint fragile et ne put trouver auprès du peuple et de son armée le soutien nécessaire pour résister à l‟agression de l‟ex-Zaïre financée par des multinationales et exécutée sur le terrain par des voisins belliqueux. Tombé malade, il réalisa trop tard que les Etats n‟ont pas d‟amis et que seuls comptent leurs intérêts. Tous les occidentaux l‟abandonnèrent sauf les Français. Mais ce soutien se révéla insuffisant. L‟homme fut contraint à la fuite sous les balles de ses propres soldats à Gbadolite. Après un bref passage à Lomé, il se refugia au Maroc où il trouva la mort le dimanche 7 septembre 1997. Il y a quarante-huit heures, c‟était un dimanche 7 septembre. Il y a donc exactement 17 ans, jours pour jour que le Maréchal-Président a quitté la terre des hommes. Son corps repose aujourd‟hui au cimetière chrétien de Rabat.
Ce 17ème anniversaire est passé inaperçu à Kinshasa où l‟on signale pourtant la présence des milliers de ses partisans. Des anciens membres du Comité Central, du Bureau Politique, du Conseil Exécutif, du Conseil Judiciaire et des services spécialisés. Même ceux qui étaient aux affaires jusqu‟au moment de la chute de la capitale sillonnent les rues de la capitale. Alors qu‟ils avaient hier proclamé qu‟on les enterrerait avec le Président-Fondateur, ils l‟ont aujourd‟hui oublié. Pire, ils l‟ont renié parce que passés avec armes et bagages dans le camp des vainqueurs qu‟ils servent aujourd‟hui avec un incroyable zèle, sans doute dans le but d‟éviter d‟être suspectés. Où sont donc passés ces compatriotes qui faisaient croire à Mobutu, tel le fit Pierre à Jésus, qu‟ils ne le lâcheraient jamais au point de le voir mourir à l‟extérieur presqu‟abandonné. Les circonstances dans lesquelles ses obsèques avaient eu lieu le témoignent bien. Ces jouisseurs flatteurs ont ainsi oublié tous ces albums de slogans qu‟ils avaient composés tells : «Djalelo…, cent ans tomotombele…, ou encore: le sauveur, le pacificateur, l‟unificateur, etc.» Ce qui est bizarre, ni du côté de sa famille biologique ni du MPR (Mouvement populaire de la révolution, ex-parti unique) personne n‟a osé lever la voix en guise de souvenir de celui qu‟ils avaient cru immortel. La date du 7 septembre est passée comme toute autre date ordinaire. Tout flatteur vit aux dépens de celui qui l’écoute Ces chantres, on le sait, avaient entêté le maréchal Mobutu en durcissant son coeur contre le changement. Ils l‟avaient conseillé de ne pas appliquer les résolutions de la Conférence nationale, tout comme de ne pas approcher à temps la rébellion. Après avoir changé de costume pour embrasser le tombeur de leur roi, ils n‟ont aujourd‟hui pour préoccupation que de retrouver des postes de gestion et de bénéficier des honneurs comme naguère. Ils en avaient l‟habitude. Ces politiciens vautours sont sans pitié ni moindre compassion, sinon ils n‟auraient pas oublié si vite celui qui avait fait d‟eux des célébrités. Quelle méchanceté de cracher aussi facilement sur la mémoire de leur « protecteur ». « Qui a bu, boira », renseigne un vieil adage. On revoit les mêmes sur la place publique reprendre leur « traditionnel rôle » de flatteurs en direction des autorités actuelles pour leur faire croire qu‟ils se battent pour leur cause. Qu‟est-ce qui garantit qu‟ils ne trahiront pas ? C‟est pourquoi, il faut s‟entourer des gens capables de dire au chef la vérité. Les exemples sont légions à travers le monde, particulièrement en Afrique.