On croyait le massacre commis dernièrement par le terrible groupe armé Bakata Katanga sur des pygmées dans le Nord-Katanga, relégué dans les oubliettes de l’histoire, et cette triste affaire rangée dans les comptes de pertes et profits de la politique intérieure. Ces crimes continuent cependant, à se commettre et à susciter l’indignation généralisée dans les rangs des associations de défense des droits de l’Homme de la RDC, et des sentiments d’insécurité dans les milieux de ces peuplades qui ont toute leur place au sein de la communauté nationale et qui ne demandent qu’à vivre en paix dans leur habitat naturel.
Le dernier cas en date est celui du conflit ethnique entre Bantous et pygmées qui a entraîné la mort de six personnes et de nombreux blessés, dimanche 15 février 2015. L’attaque, selon une source locale, a été attribuée à une milice de la communauté pygmée dans la localité de Sengatchimbu, en territoire de Manono. Quelques membres de la société civile ont laissé entendre que depuis des mois, la localité de Sengatchimbu située à 160 Km au nord-est de Manono centre, des affrontements entre pygmées et bantous. Tel est le cas des attaques enregistrées dernièrement dans le secteur de Nyemba, dans la localité de Kinsunkulu.
Pour les activistes des droits de l’Homme, ainsi que les ONG oeuvrant dans le secteur de la protection et la promotion des peuples autochtones de la RDC, de tels crimes ne se justifient pas en plein 20 ème siècle. Ces crimes devraient être documentés, les victimes identifiées et les auteurs traqués et déférés devant la justice. Car, non seulement ils constituent de graves violations des droits de l’homme, mais aussi des crimes de génocide pour lesquels leurs auteurs devraient faire l’objet de poursuites devant la Cour pénale internationale.
Par la voix de Holwe, un de ses membres, l’Association pour la défense des droits et la promotion des valeurs culturelles des peuples autochtones, a fait savoir le mardi 17 février 2015, au cours d’un entretien avec un journaliste du Phare, que la communauté des pygmées du Katanga fortement indignée et révoltée par les crimes de ses membres, a élevé ses vives protestations, appuyées par la société civile de cette province.
On ne peut pas tolérer indéfiniment la furie d’un groupe armé qui depuis sa création, ne cesse d’insécuriser une partie de la province et ses habitants, a laissé entendre Holwe. L’Etat qui est garant de la sécurité de ses citoyens, doit pouvoir éradiquer ce groupe armé dont les épisodes des tueries ont fait de nombreux morts. C’est cette force négative qui a instauré le triangle de la mort à Pweto, Mitwaba et leurs environs.
Holwe a, en outre, fait remarquer que ce groupe armé avec celui du sinistre Tshinja-Tshinja, avait commis des tueries effroyables, depuis une dizaine d’années, sur les populations paysannes qui refusaient de se soumettre à leur « colonisation ».
Pour la petite histoire, les forces de l’ordre avaient lancé à cette époque, la chasse à ces chefs de groupes armés qui réclamaient des promotions en dépit des massacres perpétrés sur les habitants des villages sous leur domination. Des militaires sont même tombés sous les flèches empoisonnées et des balles de ces « rebelles » qui ne voulaient pas se soumettre à l’autorité de l’Etat. Mais c’est à la suite de vives protestations des familles éprouvées et des associations de la société civile, que Tshinja-Tshinja et Kyungu Gédéon et quelques-uns de leurs membres seront placés en détention préventive dans des prisons.
Le massacre des pygmées ressuscite le livre de l’écrivain Truman Ngimbi
Le moins que l’on puisse dire de ce dernier massacre est qu’il exhume le livre de l’écrivain congolais Truman Ngimbi Kalumvueziko intitulé «Le Pygmée congolais exposé dans un zoo américain. Sur les traces d’Ota Benga » paru aux éditions L’Harmattan. Ouvrage historique retraçant le voyage effectué en 1904 et 1906, par un compatriote du nom d’Ota Benga, qui avec d’autres Africains aux formes physiques particulières, avaient été placés en cage aux singes et exposés dans le zoo de New York. Un livre rédigé, comme il faudrait le souligner, pour le respect de la dignité humaine, la justice et la paix dans le monde.
Les pygmées de la RDC, notent les historiens, ont depuis des temps immémoriaux, connu des campagnes d’asservissement et des massacres de la part d’autres peuples. A l’époque coloniale, ils constituaient des curiosités pour les explorateurs allemands, anglais, belges, français, espagnols, hollandais et portugais.
Ota Benga, originaire de la région du Kasaï, au centre de la RDC, dans le territoire de l’Etat indépendant du Congo, actuelle RDC, a connu un sort qu’aucun être humain n’aimerait revivre sur cette terre des hommes.
Son malheur, comme l’a fait remarquer Truman Ngimbi dans son ouvrage, était d’être un pygmée, membre d’une race considérée comme « inférieure » dans l’échelle de la hiérarchie des races conçue par les Darwinistes de cette époque.
En 1904 et 1906, il fera l’objet de curiosité et avait été présenté en même temps que d’autres êtres « étranges », nains, géants et très noirs, à l’Exposition internationale de St Louis, dans l’Etat de Missouri aux Etats-Unis. Ota Benga s’est retrouvé dans les bagages de l’agent spécial de l’exposition, Samuel Phillips Verner pour atteindre les Etats-Unis, et puis sera ramené après l’exposition sur la terre de ses ancêtres. C’est après son second voyage que notre compatriote Ota Benga libéré de ses gêoliers de l’Exposition internationale de St Louis, n’a pas sur regagner l’Afrique pour retrouver les siens et mener une vie paisible. L’histoire raconte qu’il est mort de façon tragique, n’ayant pas su s’intégrer dans la société américaine.
Pour Ota Benga et pour tous les autres pygmées qui sont morts par la cruauté des méchants, il faut que justice soit faite et que leur dignité soit restaurée et leurs droits protégés pour la sauvegarde de l’espèce humaine.
J.R.T.