Majorité présidentielle : le temps de reniement

Lundi 16 février 2015 - 11:42

Un air de fin de règne semble souffler sur l’édifice de la Majorité présidentielle à la veille de l’échéance tant redoutée du 19 décembre 2016 censée consacrer la fin constitutionnelle du mandat du Chef de l’Etat Joseph Kabila. Alors qu’hier, le camp présidentiel présentait des gages de stabilité et d’harmonie, chacun a désormais l’oeil rivé sur le calendrier tout en s’interrogeant sur des lendemains pas toujours certains. Concerné au premier chef par cet enjeu majeur de la politique interne qu’est l’alternance proclamée en 2016, Joseph Kabila continue de cliquer sur le clavier de la tempérance pendant que ses affidés s’agitent, guidés par l’instinct de survie. Difficile de cerner la pensée du Chef qui ne pipe mot sur le choix d’un éventuel dauphin, encore moins sur sa perception en rapport avec le passage de témoin en 2016, laissant ainsi ses communicologues deviser là-dessus.

C’est dans ce climat d’incertitude avec des appréhensions nourries sur l’après-Kabila qu’évoluent actuellement les cadres de la Majorité désormais écartelés entre des intérêts divergents sur fond d’une quête effrénée de repositionnement. Dans ce regroupement politique, avec sa mosaïque des partis politiques affiliés et alliés, la trahison tend de plus en plus à s’ériger en règle et la loyauté, en une exception. Sans état d’âme, plusieurs cadres du camp Kabiliste ont retourné leur veste au moment où l’on s’y attendait le moins. Ils ont trahi le serment de fidélité qu’ils ont voué à l’autorité morale et marché sur l’idéal politique qu’ils avaient précédemment défendu bec et ongle. L’ambigüité de leur discours et leur attitude de plus en plus embarrassante sont symptomatiques d’une rupture de confiance. Sans plus.

Un retournement qui est loin d’être innocent puisque motivé par la crainte de continuer à miser sur un Chef de l’Etat que l’on sait déjà partant avec, à la clé, l’idée de conserver les chances de rebondir lorsque la « Kabilie » ne sera plus qu’un lointain souvenir. De la volte-face .du tandem Moïse Katumbi-Gabriel Kyungu à l’escapade de Francis Kalombo en passant par la fugue de Jean Claude Muyambo, l’indocilité de Bernadette Tokwaulu ou encore le bagout aux accents gauchistes de Vano Kiboko, de quoi affirmer que l’unicité des vues n’est plus la règle dans la famille politique du Chef de l’Etat.

Les sons discordants entendus sur la problématique de la révision constitutionnelle sur fond de remous sur le projet controversé de la loi électorale laissent entrevoir des fissures dans l’édifice de la Majorité déjà laminée par la guerre des clans. Alors que les dés étaient jetés pour fédérer toutes les forces autour de l’objectif ultime qu’était de donner un coup de fraicheur à une Constitution de 2006 devenue anachronique par rapport à l’évolution des données sociopolitiques, le MSR de Pierre Lumbi, l’un des partis-phare de la Majorité, s’y est interposé autant pour le Code électoral vis-à-vis duquel il a observé une certaine distance. Une volte-face qui a fait boule neige avec un effet contagieux sur des leaders politiques jusque-là considérés comme disciplinés.

Alors qu’il y a quelques années, les mêmes cadres de la Majorité se positionnaient en défenseurs acharnés de la cause de leur regroupement politique dont ils soutenaient les options, ils ont poussé l’outrecuidance à l’extrême en n’écoutant que la voix de leur propre raison. De sorte que, par ces temps qui courent, le fait de s’afficher en tant que tel comme membre à part entière de la Majorité présidentielle relève désormais d’une gêne à peine dissimulée. On est bien loin de la période faste où les « Kabilistes » rivalisaient d’ardeur en étalant toute la démesure de leur attachement aux idéaux de la Majorité. Le cercle s’est finalement rétréci autour de Joseph Kabila. Ce dernier n’aura compté autour de lui que des adulateurs de la pire espèce prêts à le lâcher à la première occasion lorsque tout se gâte. Dans cette cacophonie rendant quasi inaudible l’idéal politique de la Majorité, étouffé par les relents contestataires de certains de ses cadres en rupture de ban, il reste encore un petit noyau des fidèles qui tiennent la dragée haute en continuant à servir loyalement le Chef de l’Etat, sans arrière-pensée.

Autant il faut saluer le courage de ceux qui, pour une raison ou une autre, ont décidé de se désolidariser de la Majorité présidentielle, autant il faut aussi reconnaitre le mérite de ceux qui sont restés fidèles au Raïs. Même si une certaine opinion jette l’anathème sur certains d’entre ces fidèles du Chef, présentés comme les stratèges de l’après-2016 et à qui l’on attribue à tort ou à raison la paternité dudit texte de loi, celui-ci a cessé d’être personnalisé à partir du moment où il avait franchi le seuil de deux chambres législatives, quand bien même provenant du gouvernement et endossé par celui-ci.

A tout prendre, il y a lieu de considérer que la guerre des tranchées à laquelle se livrent les bonzes de la Majorité présidentielle sur fond des coups bas et d’intrigues a un revers: la fragilisation de l’autorité morale. Là où les uns se préoccupent de conserver leurs positions, les autres voient les lendemains. Tous, pour ainsi dire, se retrouvent dans des postures particulières que requiert l’enjeu de l’après-Kabila. A ceux qui se sont déjà déterminés dans ce débat par rapport à leurs convenances personnelles, il y a lieu de respecter leur choix. Est-il qu’il y a des moments dans la vie des humains où des valeurs telles que la fidélité, la loyauté et Ie respect des engagements prennent l’ascendance sur des considérations d’ordre personnel. De quoi donner matière à réflexion.

Fait à Kinshasa, le 14/02/2015

Anatole Bonguna
Analyste politique

 

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