Livre : « Vous mourrez dans dix jours », un roman d’Henri Djombo

Mercredi 8 avril 2015 - 08:45

Un récit qui rappelle les aventures du héros Niamo qui, depuis les premiers romans de l’auteur, ne cesse de tracer son destin. Cet homme devenu un grand homme d’affaires révèle ici, pour la première fois, son enfance.

Et c’est par l’intermédiaire de sa rencontre avec l’infirmière qui s’occupe de ses troubles psychologiques provoqués par un courrier anonyme prédisant sa mort, que nous découvrons son enfance marquée par une bonne scolarité entachée par des humiliations et mauvais traitements de la part des épouses de ses oncles.

Niamo, un grand homme d’affaires qui va vivre dix jours d’angoisse. Dans son bureau de travail, il est surpris par un courrier anonyme qui prédit sa mort au moment où sa femme Mathilde et ses enfants sont en voyage. A partir de ce moment, son destin sera bouleversé par la peur de mourir avec tous ses conséquences pour ses affaires et sa famille. Il fau tout faire pour échapper à l’irréparable.

Niamo, un homme hanté par la mort

Du début à la fin du récit, Niamo se considère comme un mort vivant. Le courrier anonyme accompagné d’une balle de fusil qu’il découvre avec surprise dans son bureau de travail, le met dans tous ses états. Serait-il assassiné par balle, par qui et pourquoi lui ?

Et quand il se rappelle le désagrément qu’a subi une veuve après la mort de son époux, il se prolonge dans le futur où il imagine l’humiliation que pourrait subir sa femme Mathilde de la part de sa famille : « i[Mes tantes, mes sœurs et mes cousines se délecteront des humiliations qu’elles feront subir [à Mathilde] devant nos enfants]i » (p.25).

Aussi, il lui revient l’histoire pathétique familiale de son ami dont il était le légataire. Les aventures de ce dernier se terminent tragiquement ; il sera vengé par ses amis qui vont s’en prendre à ses oncles supposés responsables de sa mort.

Tout au long de l’absence de sa femme, Niamo se voit hanté par la lettre qui a prédit sa mort : « Ce qui me tourmente, c’est qu’avec l’annonce menaçante de cette lettre, je sens la mort rôder autour de moi » (p.52). Et ce thème de la mort au présent plonge le héros dans le futur où apparaissent quelques éléments du merveilleux.

Le héros se voit encore paradoxalement vivant après la mort : « Lorsqu’ils s’approcheront pour se servir et voler mes organes et mes vêtements, je tirerai sur ces salauds car je n’aurai pas oublié de glisser un pistolet dans mon cercueil » (p.54).

Aussi, le héros vivra-t-il la mort au futur dans ses méditations jusqu’au moment où, après moult hallucinations et une hospitalisation, il retrouve son épouse Mathilde : « i[Son immobilité m’avait jusque là fait croire qu’elle [Mathilde] ne me suivait plus (…) Elle dit « Pure folie, mon cher ! Tu rêves les yeux ouverts]i » (p.159).

Quand arrive le dixième jour, son infirmière lui rappelle ses cauchemars en lui faisant comprendre que l’on voulait simplement attenter à sa vie. Il doit reprendre courage au lieu de se résigner.

L’image de la femme dans le roman

Deux femmes interpellent le destin de Niamo : son épouse Mathilde et l’infirmière qui s’occupe de lui au moment où il traverse sa crise émotionnelle causée par le courrier anonyme qui a prédit sa mort. Mathilde se trouve en voyage quand son mari, contre toute attente, est bouleversé par le courrier menaçant.

Absente physiquement, elle ne cesse de hanter l’esprit de son mari. : « Mon esprit bascule à l’idée que ma femme aurait pu découvrir la lettre et la lire avant moi. Mais Mathilde est partie en vacances, il y a deux semaines avec mes deux parents » (p.12).

Quand elle est de retour à la maison, deux jours avant la date prévue, tout bascule pour le couple. Surprise et jalousie habitent brusquement Mathilde qui se rue sur l’infirmière qu’elle prend pour une maîtresse de son mari.

Malgré les explications du personnel de la maison sur l’état maladif de Niamo, elle pense à une mascarade : « i[[Elle] qui se dit trahie a appelé la police pour arrêter la prétendue garce qui a osé violer son domicile et voler son mari]i » (p.157).

Quand elle comprend la réalité de la situation du cauchemar de son mari, elle s’excuse et tout rentre dans l’ordre avec les employés de son mari : « (…) nos travailleurs viennent de demander pardon à Mathilde. Le sourire de ma femme dit tout » (p.46).

Du côté de l’infirmière, se révèle la femme possessive. Envoyée comme auxiliaire de vie au près de Niamo pendant son hospitalisation à domicile, elle s’intéresse à l’homme.

Belle et entreprenante, elle arrive à séduire Niamo qui succombe à ses charmes : « Elle prend ma tête entre ses mains. Je ne résiste pas à son élan » (pp.122-123). L’anonymat de cette femme (qui ne sera jamais nommée tout au long du récit) donne une autre dimension à l’amour platonique.

Elle tombe amoureuse d’un homme qui devrait avoir l’âge de son père. Elle est âgée de six ans quand elle rencontre Niamo pour la première fois. Le destin fait qu’elle s’occupe de lui plusieurs années après dans l’exercice de son métier.

Mais cet amour qui sera brisé par le retour de Mathilde à la maison, ne devrait pas perturber leur foyer : « Vous êtes marié (…) je n’encombrerai pas votre vie. Une petite place là, dans votre cœur me suffit d’être heureuse » (p.124). Et c’est dans cette situation « amoureuse » que Niamo vit son cauchemar jusqu’au dixième jour qui devrait lui être fatal.

« Vous mourrez dans dix jours », un récit à deux vitesses

Conduit par un même narrateur qui tantôt est au présent, tantôt se projetant dans l’avenir, le roman d’Henri Djombo donne une autre dimension à la littérature congolaise.

Dans le coulé narratif, le lecteur découvre le destin de Niamo à travers le récit 1 au présent traversé par le récit 2 au futur ; le roman évolue alors en chiasmes. Et c’est au dixième jour redouté par le héros que la vie(le présent) va triompher sur la mort (le futur).

Niamo retrouve Mathilde à qui il raconte son rêve extraterrestre où l’homme est tout petit devant Dieu. Un rêve qui fait renter le roman dans le merveilleux.

Avec Vous mourrez dans dix jours, l’auteur nous fait découvrir un autre Niamo différent du Mort vivant, dans un récit où le style romanesque épouse le merveilleux qui permet au lecteur de voyager de « i[destination en destination, [de voguer] à la rencontre de l’univers et [de découvrir] son immensité]i » (p.149). Vous mourrez dans dix jours, un roman écrit dans une langue soutenue qui confirme la notoriété de l’auteur.