Au nom du Premier ministre empêché, le ministre des Finances, Henri Yav, a clôturé le vendredi 9 janvier 2015 au Grand Hôtel Kinshasa, la conférence de haut niveau sur la croissance économique inclusive en RDC. Ses objectifs, convient-il de rappeler, étaient proposer les politiques à mener pour donner de nouveaux horizons à une population à majorité jeune, mais en plein chômage de masse et exclue du partage de la richesse nationale ; présenter la meilleure façon de procéder à la transformation structurelle de l’économie congolaise et son industrialisation ; exposer les moyens de booster le processus d’industrialisation et de diversification de l’économie, en assurant une participation accrue du secteur privé dans la production industrielle ; enfin, suggérer des pistes pour que la RDC tire profit de son vaste potentiel pour accélérer son développement.
Organisées sous le haut patronage du Président de la République, en collaboration avec Harvard University (États-Unis), ces assises ont bénéficié de la participation de plusieurs sommités scientifiques qui ont, tour à tour, abordé des questions liées à la lutte contre la pauvreté, l’inclusion et le développement rural, les contraintes historiques au développement de l’Afrique, les ressources naturelles, croissance et gouvernance et comment éviter la malédiction des ressources, etc.
Recommandations
Au nom des participants, le prof. Jean-Baptiste Tangoma a égrené les principales recommandations formulées par ses pairs qui ont, par ailleurs, sollicité la convocation, dans un avenir proche, d’un forum national pour un meilleur suivi et approfondissement desdits avis.
Ainsi, comme préalable majeur pour éviter la malédiction des ressources naturelles et assurer une croissance inclusive, ils ont exhorté l’exécutif congolais à se doter des institutions fortes, crédibles et de qualité. « Il faut se doter d’un équilibre politique capable d’allouer de manière optimale les ressources tirées des ressources naturelles et de les transformer en richesse réelle dans le sens de la réduction des inégalités et de la pauvreté ; Intensifier les investissements publics en agissant sur les capacités d’endettement et d’intervention du budget national pour garantir les retombées sociales positives », ont-ils insisté.
Pour eux, il faut aussi mettre l’accent sur la gestion optimale et transparente de la rente minière comme variable clé susceptible de garantir le développement humain de la RDC ; Restructurer le patrimoine de la Gécamines pour lutter contre les pertes des dividendes dues, entre autres, à la vente de ses actifs miniers ; aux mauvaises pratiques comptables des entreprises minières (sous-évaluation du chiffre d’affaires) ; à la non traçabilité des paiements par la DGRAD et à l’artisanat minier ;
Favorables à la poursuite de la stabilité du taux de change et de l’inflation qui ont eu pour effet de préserver le pouvoir d’achat de la population, les participants ont encouragé le gouvernement à se concentrer davantage sur les réformes publiques qui touchent directement la population non salariée ; à investir de manière solide dans la formation technique et professionnelle et la santé pour ; et davantage dans le secteur de l’énergie pour la promotion de l’industrie.
Dans le souci de consolider la soutenabilité de la balance des paiements et la réactivité de l’économie contre les chocs exogènes d’origine alimentaire, intensifier les investissements publics dans le secteur agricole, ils ont exhorté le changement de la composition de l’éducation avec une orientation forte vers les sciences et technologies en vue d’améliorer l’accès et la qualité de l’éducation ; la combinaison de l’urbanisation et la transition démographique dans le processus de planification de développement du pays; la création des incitations fiscales pour capter toute la production et la rente minières échappant au circuit formel;
Dans un autre registre, ils ont recommandé l’accélération des réformes visant la diversification de l’économie pour une croissance moins dépendante des marchés extérieurs et compatible avec le développement durable. « Ceci appelle une rupture avec le système rentier exclusif ; la poursuite avec célérité des travaux d’infrastructures de transport et communication, comme condition sine qua non pour une croissance durable et une restauration des fondements territoriaux de l’État ; la mise de l’accent sur la réhabilitation des routes de desserte agricole pour une meilleure accélération de la croissance ; l’accélération du processus d’élaboration du plan d’aménagement du territoire pour le rétablissement d’une justice spatiale ; etc. », a indiqué le prof. Tangoma.
Préconisant l’élaboration d’un plan national et stratégique de développement qui ressort les différentes étapes de développement à atteindre (pays à revenu intermédiaire, pays émergent et pays développé) et l’aboutissement à un consensus unique et intergénérationnel sur le devenir du pays, les scientifiques ont dit qu’il faut investir davantage dans l’infrastructure urbaine productive, la connectivité rurale-urbaine, la transparence et le climat des affaires en vue de réduire le degré de dépendance de la rente minière qui demeure, du reste, essentielle;
Etant donné le rôle majeur que joue l’agriculture dans la réduction de la pauvreté, surtout dans les zones rurales, il y a nécessité d’accorder un soutien institutionnalisé aux petits agriculteurs ; de créer des îles de qualité institutionnelle en nettoyant certains domaines clés, en particulier ceux qui auraient un grand impact sur le climat des investissements ; d’assouplir la fiscalité agricole pour un meilleur attrait des investissements privés spécifiquement dans les chaînes de valeur ou le processus de transformation ; de lutter contre la corruption et le comportement prédateur de certains agents de l’Etat qui participent au coulage des recettes ; d’obtenir un engagement ferme de tous les acteurs de l’Etat à tous les niveaux de responsabilité d’exécuter les mesures ayant un impact direct sur le vécu quotidien de la population ; de renforcer le leadership au niveau local notamment au niveau des chefferies en vue d’améliorer la gouvernance. « Dans le cadre de la désignation des leaders locaux, insister sur les profils des leaders locaux, surtout ceux qui jouissent d’une bonne réputation et bénéficient de la confiance de la population », ont-ils insisté.
Conseillant une décentralisation progressive qui tient compte de toutes contraintes pouvant entraver son efficacité et son efficience (notamment la décentralisation financière), ils ont demandé au gouvernement d’allouer directement aux pauvres un certain pourcentage à déterminer du revenu tiré de la rente minière.
Stimulant les institutions financières à adapter leurs structures de cout de crédit à l’évolution des fondamentaux tels que le taux directeur, le taux d’inflation, etc., ils ont notamment demandé l’amélioration des services financiers.
Les autres recommandations portent sur la mise en place des structures de recyclage et d’incubation des personnes ayant perdu la main ; l’encouragement de l’entreprenariat local, le self made man ; l’assainissement davantage du climat des affaires pour une meilleure attractivité des investissements privés ; l’élaboration des stratégies sectorielles d’industrialisation ; la promotion de l’économie verte au regard des enjeux stratégiques du moment ; la structuration du projet « Esprit de vie » qui vient en soutien à l’entreprenariat local et envisager la possibilité de l’étendre à toutes les provinces avec des subsides conséquentes ; l’intensification et la construction des écoles techniques et professionnelles à travers l’ensemble du territoire national ; etc.
Au nom du Premier ministre, le ministre des Finances a salué la pertinence de ces recommandations et annoncé que le nouvel agenda de son gouvernement s’inscrit dans le cadre d’une croissance inclusive qui permet la prise des décisions à moyen et long termes, des décisions intemporelles et intergénérationnelles pour que la population en profite effectivement au maximum.
Tshieke Bukasa