Le groupe de sept frondeurs de la Majorité présidentielle (67) écrit une nouvelle page de l’histoire politique de la République démocratique Congo. A trois reprises, « les réformateurs» ont saisi par écrit le chef de l’Etat en des termes sans équivoque, sur le respect de la Constitution. Sur les traces de célèbres « Treize parlementaires » qui ont fissuré de l’intérieur l’édifice Mouvement populaire de la révolution (MPR), le 67 vient de franchir le Rubicon, en lézardant la maison MP. Pierre Lumbi et Olivier Kamitatu en sont les premières victimes. La suite ne tardera pas. Leur tort : avoir rappelé au président Kabila la contrainte constitutionnelle de deux mandats.
La Majorité présidentielle vient de frapper fort. Elle a acté « l’auto-exclusion de membres du Groupe de 7 », à savoir le Mouvement social pour le renouveau (MSR), l’Alliance pour le renouveau du Congo (ARC), Avenir du Congo (ACO), le Parti démocrate chrétien (PDC), Union nationale des fédéralistes du Congo (Unafec), l’Union nationale des démocrates fédéralistes (Unadef) et le Mouvement solidarité pour la démocratie et le développement (MSDD). Ces partis politiques ne figurent plus sur la liste de membres de la plate-forme présidentielle la MP.
En réalité, aucun mystère n’a entouré le processus de séparation du G7 d’avec la famille politique du président Kabila. Ce qu’on appelle « Frondeurs de la Majorité » ont usé de leur liberté, sans se conformer à la ligne tracée par la plate-forme lors de la mutation de l’AMP à la MP. Selon les autres membres du bureau politique, ils ont péché contre la Charte de la MP.
CHRONOLOGIE D’UNE JOURNÉE À REBONDISSEMENTS
La place Procoki a reçu du monde dans son enceinte. Toutes les têtes couronnées de la plate-forme présidentielle étaient conviées à une importante réunion. Une rencontre qui aurait dû se tenir la veille mardi, mais reportée pour permettre à ceux qui président aux destinées de la MP de prendre langue avec l’Autorité morale et, éventuellement, sortir avec des orientations et positions claires quant à la suite à donner à la troisième et téméraire correspondance «des Frondeurs » adressée au chef de l’Etat. Ce qui fut fait mardi dans la soirée, selon des sources concordantes.
Puis, la réunion de Procoki, qui démarre sur le chapeau des roues, égrenant un scénario qui ne laissait transparaître aucun doute sur « les instructions reçues ». D’entrée de jeu, c’est Félix Kabange Numbi qui a procédé à un réquisitoire cicéronien contre le G7, représenté à la rencontre par tous ses ténors. Pierre Lumbi, généralement discret, Mwando Nsimba, Kyungu wa Kumwanza, Khonde Vila Kikanda … ont subi le martyrs des vitriolées et tonitruantes déclarations de Pius Mwabilu, Tryphon Kin-Kiey Mulumba … qui faisaient office de ministère public.
Ils ont usé de toutes les épithètes pour peindre « ces frondeurs », invitant carrément à une sanction exemplaire, mieux «à une exécution » politique en règle. Pour eux, il s’agit d’un crime de lèse-majesté que d’inviter le chef de l’Etat au respect de l’interdit constitutionnel pour un troisième mandat.
Pierre Lumbi et ses amis ont tenté vainement d’obtenir que les débats tournent autour du contenu de leur correspondance. Privés de parole .par la direction des débats, ils ont décidé comme un seul homme de quitter la salle. Sans demander le reste, ils se sont dirigés vers la porte de sortie. Les autres membres du Bureau politique en ont tiré la conséquence d’une auto-exclusion. Lambert Mende est aussitôt passé à la télévision publique pour lire le communiqué de la MP, relayé par Aubin Minaku, le secrétaire général de la MP. Les deux cadres de la Majorité ont confirmé l’information qui circulait déjà dans la ville.
KAMITATU ET LUMBI REVOQUES
Une surprise quelques heures après, conformément à la promesse du secrétaire général Aubin Minaku, deux ordonnances présidentielles ont démis de leurs fonctions Olivier Kamitatu Etsu, ministre du Plan et Révolution de la modernité; Pierre Lumbi Okongo, conseiller spécial du chef de l’Etat en matière de sécurité. Le premier a pris acte de sa révocation sur tweeter. Pour l’élu de Bulungu, c’est la consécration de la justesse de son combat. « Le président Kabila vient de consommer son forfait », a-t-il déclaré à l’agence britannique Reuters.
Quant au Mouvement social pour le renouveau dont on connaît la rectitude des positions, une réunion extraordinaire du bureau politique a rendu public un communiqué de soutien à l’ancien conseiller spécial du chef de l’Etat en matière de sécurité.
Dans un langage lapidaire et sans artifices, le bureau politique a déclaré : «Le Bureau politique soutient son président national, le camarade Pierre Lumbi Okongo, et maintient sa confiance dans la lutte qu‘il mène depuis plusieurs décennies pour la fondation et 1‘émergence d’un état de droit au Congo».
Sur les traces de treize parlementaires
Pendant la deuxième République, un groupe de Treize parlementaires avait adressé une lettre restée célèbre au président Mobutu. Cet extrait renferme leur principale préoccupation de l’époque, en s’adressant au président-fondateur : «Nous pouvons vous assurer qu‘une portion non négligeable de nôtre population ne communie pas au MPR et à son droit. Et nous doutons fort que tous vos collaborateurs, compte tenu de la façon dont vous les recrutez, soient tous plus convaincus que d’autres ». Les Treize avaient prévenu l’x-président de la République de la nécessité d’ouvrir des espaces de liberté, de respecter les prescrits de la Constitution de l’époque. Ils ont insisté sur l’absence d’adhésion des masses populaires aux actions et initiatives du MPR à l’époque. C’est en 1980, avec les réalités de ces années-là. Changement de décors et de temps, le G7 vient d’emprunter la même voie. Un chemin qui est parsemé d’embûches. Les Treize parlementaires ont subi les difficultés de tout genre. Des relégations dans leurs villages d’origines, des privations de liberté …ont été le lot de ces parlementaires qui avaient osé s’exprimer hors de la ligne tracée par le parti-Etat, le MPR et son guide.
Toutes proportions gardées, le G7 entre dans une zone de fortes turbulences avec l’avant-goût des révocations de deux leaders majeurs de cette nouvelle plate-forme politique : l’ARC Olivier Kamitatu et le MSR Pierre Lumbi des fonctions qu’ils exerçaient jusque-là. Leur cause paraît justifiée. Ils se sont limités à faire constater l’illisibilité du processus en cours et l’absence de débat sur l’alternance au sein dé la Majorité. Cet idéal les ayant contraints à abandonner les avantages et autres, pour exiger le respect de la Constitution, le peuple pourrait éventuellement les considérer comme des héros capables de porter à bras- le-corps ses problèmes. Le G7 est en passe de devenir, par la force des choses, l’espoir de la démocratie en République démocratique du Congo. Quelle que soit l’explication qui sera donnée ou l’issue sur laquelle débouchera le processus, l’imaginaire populaire attribuera la paternité de la réussite au G7. De même, à ce jour, la démocratie a un point de départ en RDC, la lettre des Treize parlementaires. Aussi, ne serait-il pas juste d’affirmer que l’alternance aura son aiguilleur en RDC?
LE POTENTIEL