Danae Dholakia, Envoyée Spéciale du gouvernement britannique dans la région des Grands Lacs, a animé une conférence de presse à la résidence de l’ambassadeur de son pays en RDC à Kinshasa Gombe, hier mardi 17 novembre 2015. Au cœur de l’entretien : les relations bilatérales entre le royaume et notre pays, la sécurité, la bonne gouvernance, la stabilité dans la région, les élections, le dialogue, etc. Accompagnée de son compatriote Jon Lambe, chargé d’Affaires et numéro 2 de l’ambassade britannique, l’Envoyée Spéciale a confirmé avoir parlé avec beaucoup d’interlocuteurs congolais, autant de la Majorité présidentielle que de l’Opposition et de la Société civile. Elle a reçu les assurances des uns et des autres que le dialogue tant attendu par les Congolais aura un format clair et limité au temps.
A l’en croire, le Royaume Uni qui dépense 1 million de Livres par jour pour la RDC veut que sa relation avec Kinshasa corresponde à son investissement. D’où sa focalisation sur trois domaines dans lesquels il veut un partenariat croissant : la sécurité accrue, la bonne gouvernance et la stabilité de la région.
Concernant d’abord la sécurité, le pays dirigé par James Cameron a promis d’user de son rôle au Conseil de sécurité de l’ONU afin « d’assurer que la RDC puisse bénéficier au mieux de ce que la communauté internationale peut offrir, dans le respect et en collaboration avec le gouvernement et les forces armées ».
Au sujet de la bonne gouvernance et des élections, Danae Dholakia n’a pas mis des gants et souligné que la Constitution congolaise est claire : les élections présidentielles et législatives doivent se tenir en novembre 2016. « Mais avant de soutenir ce processus, nous avons tout d’abord besoin d’un calendrier électoral libre, un budget réaliste et l’apport du gouvernement à la CENI… », a-t-elle martelé, avant d’appeler à un consensus clair de la classe politique congolaise. Somme toute, elle a estimé que l’organisation de l’élection présidentielle est techniquement possible en novembre 2016 et que le dialogue ne doit pas favoriser le glissement. Enfin, pour la stabilité de la région des Grands Lacs, elle a appelé les autorités de la RDC à encourager le dialoguie et la reconciliation au Burundi et à garantir l’espace politique qui est en train de se retreccir. Tshieke Bukasa
DÉCLARATION DE DANAE DHOLAKIA
La relation entre le Royaume-Uni et la République Démocratique du Congo est très importante pour nous. Nous savons combien les guerres du Congo coûtent à la RDC avec plus de 5 millions de morts. Le Royaume-Uni a appuyé et financé la création de la plus grande opération de maintien de la paix de l’ONU dans le monde pour que cela ne se reproduise plus jamais.
Et nous voyons le potentiel, le pays prospère que la RDC peut devenir si elle est à l’abri de conflits et en mesure de se développer. Voilà pourquoi nos contributions en RDC dépassent 1 million de £ par jour, faisant de nous le deuxième contributeur bilatéral après les États-Unis. Le Royaume-Uni est ici pour travailler avec la RDC pour le long terme.
Le Premier Ministre Britannique a créé ce poste d’Envoyée spéciale du Royaume-Uni parce qu’il voulait que notre relation corresponde à notre investissement. La région est importante pour moi personnellement depuis que j’y ai vécu et travaillé dans les années 1990, d’abord en visitant le Rwanda, un an après le génocide rwandais de 1994, ensuite en vivant et travaillant dans le secteur des ONG au Rwanda, au Burundi et en RDC de1997-1999. J’ai travaillé sur l’Accord d’Arusha en tant que traducteur (bien avant que mon français n’attrape des plaques de rouilles), j’ai aussi travaillé sur la sécurité alimentaire et la réhabilitation post-conflit. Comme j’avais quitté ce monde et entamé une carrière tout à fait différente, j’ai continué de suivre les développements à distance. Donc, j’espère que nous pouvons travailler à construire notre partenariat et soutenir la RDC dans la réalisation de son potentiel. Je pense que nous pouvons réaliser beaucoup de choses ensemble.
Je vais me focaliser sur trois domaines dans lesquels je veux que le partenariat croisse : une sécurité accrue, une bonne gouvernance et une région stable.
La première, c’est la sécurité accrue. Bien qu’il y ait clairement eu des progrès dans la situation sécuritaire dans l’est de la RDC au cours des quatorze dernières années, l’activité permanente de déstabilisation par les groupes armés étrangers et nationaux continue d’être un obstacle pour la RDC de réaliser son potentiel. Le Royaume-Uni veut voir un avenir pour la RDC où les forces de maintien de la paix ne sont plus nécessaires, ce qui n’est possible que si la situation sécuritaire s’améliore. Pour cela, on a besoin d’un partenariat. Le Royaume-Uni va user de son rôle au Conseil de sécurité de l’ONU afin d’assurer que la RDC puisse bénéficier au mieux de ce que la communauté internationale peut offrir et que cela se fasse dans le respect et en collaboration avec le gouvernement et les forces armées. Ma visite va me permettre d’exhorter le gouvernement à saisir les opportunités disponibles pour soutenir ses forces et de répéter les succès remportés en 2013 et 2014 dans les douze prochains mois. Nous sommes plus forts quand nous travaillons ensemble.
Mais même avec de nouveaux progrès réalisés contre les groupes armés, et en matière de sécurité plus accrue et une stabilité dans l’est de la RDC, le fondement du progrès en RDC est la bonne gouvernance et l’évolution positive permanente du climat politique depuis l’accord de Sun City en 2002. Pour le Royaume-Uni, il est clair que le plus grand risque pour la stabilité est le non respect de l’attente du peuple Congolais de se choisir un nouveau président l’année prochaine. C’est vrai que les élections présidentielles de 2006 et 2011 ont connu la violence.
Cependant, nous ne croyons pas que ce soit une raison de reporter les prochaines élections présidentielles. C’est plutôt une raison pour tout le monde de travailler ensemble pour assurer que ces élections soient crédibles.
La RDC a parcouru un long chemin dans son histoire récente. Mais les événements récents dans l’un des pays voisins de la RDC nous rappellent combien les acquis de la démocratie sont fragiles.
Au Burundi, le Président Nkurunziza a décidé de rester au pouvoir d’une manière jugée aller à l’encontre de l’esprit d’Arusha par beaucoup de Burundais et dans le monde. Au lieu d’apporter la stabilité, cette situation a amené l’instabilité. Depuis lors, le pays connait des assassinats politiques, une tentative de coup d’Etat et la fuite de plus de deux cent mille Burundais qui vont se refugier ailleurs, notamment en RDC. L’économie en souffre à cause de la crise politique et économique qui engloutit le pays. Comme la Charte africaine sur la démocratie, les élections et la gouvernance l’énonce si bien : le changement anticonstitutionnel est une menace sérieuse pour la stabilité, la paix, la sécurité et le développement.
Vous n’avez pas besoin d’être depuis très longtemps à Kinshasa pour savoir que tout le monde en parle aussi ici. Je ne suis pas là pour spéculer mais pour parler de ce qui est certain. La constitution est claire que les élections présidentielles et législatives doivent se tenir en novembre d’ici 2016. Comme l’a dit le Conseil de sécurité des Nations unies le 9 novembre 2015, un processus électoral libre, juste, crédible, inclusif, transparent, pacifique et dans les délais contribuera à la stabilité et au développement à long terme de la RDC. Je vais utiliser ma visite pour parler de la façon dont le Royaume-Uni peut soutenir cet objectif. Mais pour fournir tout type de soutien, nous avons tout d’abord besoin d’un calendrier électoral crédible, un budget réaliste et que le gouvernement débourse l’argent à la CENI afin qu’elle commence ses activités. La communauté internationale ne peut pas s’engager à soutenir les élections quand il n’y a pas de consensus clair.
Enfin, je vais profiter de ma visite pour encourager la RDC de continuer à jouer un rôle positif et influente dans le développement d’une région stable. En tant que pays ayant neuf voisins différents, et étant le centre de gravité politique naturelle pour l’Afrique centrale, la RDC doit continuer à jouer un rôle important dans la politique régionale. C’est une caractéristique principale d’une nation bienveillante et confiante pour aider ses voisins.
J’espère que la RDC va encourager le dialogue et la réconciliation au Burundi. Le point de vue du Royaume-Uni est que seul un dialogue authentique et inclusif qui comprend les Burundais de l’intérieur et l’extérieur du Burundi, convoqué l’extérieur du Burundi, et fondé sur le respect de l’Accord d’Arusha, apportera une solution consensuelle à la crise que connaît le Burundi. Alors que le gouvernement du Burundi ne parvient pas à écouter, le peuple burundais souffre à cause d’une mauvaise prise de décision de leurs dirigeants. La violence au Burundi doit cesser et la région doit aider à remettre le Burundi sur la voie d’un avenir durable, pacifique et stable.
En outre, je vais utiliser ma visite pour soutenir ceux qui ont travaillé à faire de la RDC un endroit où la stabilité, la paix, la sécurité et le développement sont assurés. Je salue tous les progrès accomplis sur ces volets pendant les 15 dernières années. Néanmoins, je suis préoccupée par des indications selon lesquelles l’espace politique se rétrécit. J’en appelle au gouvernement de le garantir.
Je soulève toutes ces questions parce que la relation entre la RDC et le Royaume-Uni est importante pour nous et le sera toujours. Nous sommes partenaires à long terme. De véritables partenaires peuvent évoquer des questions difficiles respectueusement entre eux, car en les explorant ensemble le partenariat est renforcé. C’est un partenariat entre les gouvernements, mais aussi un partenariat entre les peuples. Puisse ce partenariat prospérer et se développer longtemps.