La vérité des urnes toujours réclamée

Vendredi 28 novembre 2014 - 12:34

Accord-cadre d’Addis Abeba, les concertations nationales, le dialogue en perspective… sont autant
de preuves que ces élections souffrent de manque de légitimité

Sous la pluie, les Congolais, soucieux de l’alternance, s’étaient massivement rendus aux urnes pour élire leur président de la République, de même que leurs députés nationaux.

C’était il y a de cela trois ans exactement. Sur les 11 candidats en lice, 9 étaient des figurants, venus jouer le jeu de l’Alliance pour la Majorité présidentielle (AMP) qui avait, auparavant, réussi malignement à modifier la constitution pour réduire le nombre de tours au scrutin présidentiel, en vue de faire passer son candidat. Car, avec deux tours, la victoire était impossible.

Mais pour la majorité des Congolais, même avec un seul tour, il fallait opérer le changement de régime. Car la souffrance était atroce.

Le  » 5 chantiers  » promis lors des élections de 2006 n’était qu’un slogan creux. Surtout qu’au terme de ce mandat, l’eau et l’électricité étaient toujours des denrées rares, les soins médicaux et l’enseignement inaccessibles, l’emploi inexistant, la sécurité un mythe, la justice un luxe.

Au regard de toutes ces réalités, Les Congolais devaient opérer le choix entre demeurer dans la souffrance et opter pour le changement. Joseph Kabila pour l’AMP et Etienne Tshisekedi pour l’Opposition. Ce sont les deux candidats qui s’étaient démarqués.

Le jour du vote, Tshisekedi n’avait pas besoin de témoins de son parti pour suivre de près le dépouillement et l’affichage des résultats. Tous les Congolais avaient veillé dans des centres de vote pour que les résultats ne soient pas truqués.

Des bulletins pré cochés saisis par la population

Très vigilante, la population avait réussi à mettre la main sur les ennemis de la démocratie qui tentaient de bourrer les urnes en faveur d’un candidat en difficulté.

Bien de personnalités politiques étaient lynchés à travers toute l’étendue de la République démocratique du Congo. A Kinshasa, même des véhicules transportant des bulletins pré cochés avaient été incendiés.

A Mbuji-Mayi, un chef de centre tombé en flagrant délit a failli laisser sa peau, sauvé par l’intervention des éléments de la police.

A Lubumbashi, des Organisations non gouvernementales des droits de l’homme avaient tiré la sonnette d’alarme sur un avion suspect qui venait d’atterrir, avec à son bord plus de 2 millions de bulletins cochés en avance en faveur d’un candidat.
Dans d’autres provinces, des urnes avaient pris des destinations inconnues pour remplacer leurs contenus pas d’autres bulletins.
Malgré cela, l’affichage des résultats avait reflété la volonté populaire. Les partisans du changement commençaient déjà à célébrer leur triomphe, au regard de ce fait. La victoire était certaine. Des radios étrangères n’hésitaient pas de rendre publics ces résultats conformes à l’expression populaire. Mais il fallait attendre les résultats officiels, ceux de la Commission électorale nationale indépendante (Ceni) du pasteur Daniel Ngoy Mulunda.

Le chaos

Le 6 décembre 2011, tous les Congolais avaient les yeux braqués à la télévision pour attendre les résultats provisoires de la CENI, avant que ces derniers ne soient confirmés plus tard par la Cour suprême de justice. Après proclamation, c’était la consternation la plus totale dans toute la ville de Kinshasa.

Un silence de cimetière. Les électeurs étaient déçus. La population n’avait pas jubilé. Quelques Kinois mécontents avaient même barricadé certaines artères de la ville de Kinshasa, brûlant des pneus, pour manifester leur déception.

L’Eglise catholique avait même déclaré que ces résultats n’étaient conformes ni à la réalité ni à la justice. Même chose pour les Ong spécialisées en matière électorale, ainsi que les observateurs nationaux et étrangers venus couvrir cette élection.

Deux prestations de serment

Après la publication des résultats définitifs par la Cour suprême de justice, Joseph Kabila a prêté serment le 21 décembre 2011, en présence d’un seul chef d’Etat, le Zimbabwéen Robert Mugabe, les ambassadeurs et chefs de mission diplomatique à compter à bout de doigts.

Deux jours après, Etienne Tshisekedi qui se considérait comme le président élu, a lui aussi prêté serment le 23 décembre dans son domicile officiel à Kinshasa, dans la commune de Limete. La confusion était totale.
Crise de légitimité

Quelques mois après les élections qualifiées de  » chaotiques  » par bien de personnalités politiques, la guerre a repris dans la partie-Est de la République démocratique du Congo, à travers le M23. Beaucoup de Congolais ne voulaient pas reconnaitre ce pouvoir issu des élections de 2011. Il y avait une véritable crise de légitimité.

Il a fallu donc que la CIRGL convoque le sommet d’Addis-Abeba pour tenter d’éteindre le feu au Nord-Kivu. Dans l’accord-cadre signé le 24 février 2013 par 11 pays africains sous l’égide des Nations Unies, il avait demandé notamment à Kinshasa d’organiser un  » dialogue  » en vue de retrouver la paix.

Mais ce dialogue n’a jamais eu lieu. A la place, Joseph Kabila a convoqué, du 7 septembre au 5 octobre, des concertations nationales au Palais du peuple, qui ont accouché d’une souris.

Car la  » cohésion nationale  » visée par ces assises n’a pas été obtenue. Au contraire, ces concertations ont davantage divisé les Congolais. Les prisonniers politiques nommément cités parmi les plus de 700 recommandations pour être libérées demeurent toujours en prison, cas d’Eugène Diomi Ndongala et autres.

Fidèle Babala a été livré à la CPI juste après ce forum. Aujourd’hui, Jean-Bertrand Ewanga a été jeté à Makala. Actuellement, on parle de plus en plus d’un probable dialogue entre la classe politique congolaise pour trouver des solutions à certaines questions qui rongent le pays.

Si la Majorité présidentielle entend s’appuyer sur cette initiative pour dépasser le cap de 2016 prévu pour l’alternance au pouvoir, l’Opposition compte, par contre, remettre sur la table la problématique de la  » vérité des urnes « , organiser une transition sans l’actuel chef de l’Etat, laquelle transition conduira la RDC aux élections générales en 2016, conformément à la constitution en vigueur. Ce, sans l’abbé Malu Malu à la tête de la Commission électorale nationale indépendante.

Pour rappel, en 13 ans de règne, Joseph Kabila a prêté serment quatre fois depuis qu’il est à la tête du pays. La première fois c’était le 26 janvier 2001, après la mort de M’Zée Laurent-Désiré Kabila ; la deuxième fois le 8 avril 2003, après les accords de Sun-City avec les belligérants dont Jean-Pierre Bemba, Azarias Ruberwa, Roger Lumbala, Mbusa Nyamwisi… ; la troisième fois le 6 décembre 2006 après les premières élections supposées démocratiques, et la quatrième fois le 21 décembre 2011 à la suite des élections chaotiques de Ngoy Mulunda.

 

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