Entre mendicité et corruption, il n’y a presque plus de limite dans les maisons commerciales, l’administration, sur la voie publique, dans les écoles et même dans les hôpitaux de Kinshasa. Désormais, tout service, si petit soit-il, est assorti d’une demande d’argent. Le pourboire devient quasiment une obligation, ont constaté des reporters de Radio Okapi jeudi 2 avril.
Agent de l’Etat, agent de sécurité, policiers, commis au parking, portier d’hôpital ou de magasin…, rares sont ceux qui ne demandent plus la monnaie. Les demandes se présentent parfois sous forme de salutation insistante, d’au-revoir qui n’en finit pas. Les plus entreprenants ont développé des astuces pour formuler de telles demandes: «chef, voudriez-vous nous laissez un Coca ?», «Vous avez fait de bons achats, mais nous attendons seulement de l’eau», «pouvons avoir le transport ?» ou «pensez-nous aussi», etc.
«Ça devient un dérangement! Comme dans certains hôpitaux, quand tu veux entrer, si tu ne laisses pas 500 ou 1000 francs congolais (environ un dollar américain), tu ne peux pas entrer. Ça devient une obligation!», a témoigné un habitant de la commune de Kintambo.
La sortie d’une chambre froide de tout carton des surgelés, très consommés à Kinshasa, est conditionnée au paiement de la «douane» à la caissière, au vérificateur, au livreur, au portier … Alors que l’achat a été effectué en bonne et due forme.
Lorsque vous vous présentez à un hôpital et que ce n’est pas l’heure de la visite, pas trop de souci à vous faire. «En ce moment-là on vous exige quelque chose à payer. Et si vous payez, on vous fait entrer. Ce n’est pas une bonne pratique ! Quand on donne cet argent, c’est de la corruption», pense une dame qui a déjà été confrontée à cette situation.
Même les infirmiers dans les hôpitaux ne font pas exception, en dépit du fait que généralement la pratique est interdite.
« Cela ne manque pas […] Ils ne te demandent pas. Mais dans leur manière de te regarder, tu comprends qu’ils ont besoin de quelque chose. Parfois, ils ont besoin d’un peu de sucre ou d’un peu de lait du malade pour leur déjeuner», explique une jeune dame qui a déjà été garde-malade.
La même situation prévaut dans les lieux carcéraux de la ville. Le jeton donnant accès à la prison est désormais payant.
Si certaines personnes n’apprécient pas ce phénomène qui tend à s’installer dans le vécu du Kinois, d’autres par contre estiment qu’il faut plutôt «être fair-play et laisser faire.»
«Moi, je trouve que c’est normal. Ça dépend des gens et des endroits où l’on se trouve. Mais d’autre part, il faut seulement être fair-play», a nuancé un cadre administratif, la cinquantaine révolue.
Mendicité ou corruption, de l’avis de certains observateurs, ce genre de pratique constitue le reflet des conditions de vie modeste dans lesquelles vivent de nombreux Kinois.