Journée de la femme en RDC : prière et business !

Mercredi 9 mars 2016 - 09:58
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Selon l’option levée par le gouvernement il y a trois ans, à travers l’ancienne ministre du Genre, Famille et Enfant, Geneviève Inagosi, la Journée Internationale de la Femme devait cesser d’être l’occasion des dépenses folles chez les chefs d’entreprises publiques et privées à travers l’achat des stocks de pagnes auprès des réseaux maffieux, le financement d’orgies intervenant après des défilés de parade, le harcèlement des parents condamnés à acheter des pagnes pour leurs filles étudiantes du cycle supérieur ou universitaire, élèves du secondaire et de la maternelle. Il était question de mettre un frein aux dérapages extra-conjugaux d’hommes et femmes mariés mais aussi aux fugues de garçons et jeunes-filles, souvent incontrôlables en pareilles circonstances.

La RDC devrait sortir de la distraction pour s’engager dans la voie de la méditation, de la réflexion entre Congolaises de tous les horizons – politiciennes, mandataires publiques, commerçantes, fonctionnaires, paysannes, maraîchères, journalistes, magistrates, médecins, professeures, vendeuses ambulantes, ménagères – autour de la condition de la femme ainsi que de ses rapports avec l’univers masculin. Aussi, ne pouvait-on qu’accueillir avec soulagement les annonces des prières et marches pour la paix ou contre les violences sexuelles entendues ça et là à la veille du 8 mars 2016.

S’il est vrai que Kinshasa ainsi que plusieurs villes des provinces ont enregistré hier de nombreuses réunions de prières ainsi que des débats au sujet de la parité, avec dans le collimateur les inégalités sans nombre entre hommes et femmes, surtout en milieux de travail ainsi que dans les institutions de la République, il a malheureusement été constaté le retour feutré des démons de la jouissance et de la perdition. Comme par le passé, les trésoreries de plusieurs entreprises publiques et privées ont dû supporter les factures d’achat des pagnes auprès des réseaux, que l’on peut qualifier de maffieux, pour une journée de la femme qui devait être consacrée à la prière et à la méditation.

Il est écoeurant de noter qu’en ce moment de basse conjoncture économique, où le gouvernement a dû arrêter 28 mesures de sauvetage de l’économie nationale, et où les anciennes entreprises publiques transformées en entreprises commerciales ont du mal à assumer leur mutation vers des unités de production réellement créatrices de richesses, elles soient contraintes de souscrire à des dépenses de prestige, rien que pour les intérêts égoïstes des marchands de pagnes. Il est étonnant que des stocks des pagnes du 8 mars, supposés avoir été liquidés il y a deux ou trois, puissent renaître chaque de leurs cendres et placer les pauvres mandataires publics dans des situations embarrassantes.

On se demande finalement, au rythme où un petit cercle de concitoyens a transformé la journée du 8 mars en fonds de commerce, si la RDC est pour la prière ou le business, qui ne profite qu’à une poignée d’individus. Le mal que fait le commerce des pagnes à la journée de la femme est que la Congolaise est détournée de la prière, de la méditation, de la réflexion autour du combat de son émancipation, pour se focaliser sur le « paraître », la danse, l’alcool, les poulets et viandes rotis, et, pourquoi pas, les dérapages sexuels.

L’autre constat malheureux est que sans avoir été proclamée officiellement chômée et payée, la journée du 8 mars s’est muée en un congé de fait pour les hommes et femmes prestant dans les entreprises publiques, car une bonne partie d’entre eux sont dispensés du travail pour leur permettre de prendre part aux activités de prières, aux marches ou aux matinées de réflexion en dehors de leurs lieux de service.

Briser l’hypocrisie

La RDC s’est installée dans une attitude hypocrite qui consiste à donner au monde extérieur l’image de la femme réellement soucieuse de réfléchir sur l’amélioration de sa condition et de se battre pour des résultats concrets, alors qu’en interne, la distraction et le gaspillage prennent le dessus sur tout. Le pays doit avoir le courage de faire un choix clair : soit revenir au tralala des défilés, de la vente planifiée des stocks de pagnes, des orgies post-défilés ou s’engager résolument dans la voie de la prière, de la méditation et des débats sur la condition réelle de la femme.

Dans ce pays où la femme rurale est toujours confrontée à la corvée de la houe alors qu’ailleurs, ce sont les machines agricoles qui font l’essentiel du travail de labour et de semi, où des ménagères de villes sont obligées de quitter leurs lits autour de 4 heures du matin pour squatter les dépôts de pains, de braises, de maïs, de manioc, d’arachides… les ports, les chambres froides, à la recherche de la survie de leurs familles au quotidien, c’est leur faire injure que de sacrifier d’importants fonds sur l’autel des réjouissances sous couvert de recueillement ou marche pour la paix.

Kimp