Jacques N’Djoli : « Les révisions constitutionnelles sont une stratégie de conservation du pouvoir de manière éternelle »

Dimanche 12 octobre 2014 - 06:46

Le sénateur Jacques N’Djoli, constitutionnaliste et cadre du Mouvement de libération du Congo (MLC, opposition), a affirmé samedi 11 octobre 2014 à Kinshasa que « les révisions constitutionnelles sont une stratégie de conservation de pouvoir de manière éternelle ».

« La révision de la Constitution est un cache-sexe, une feuille de vigne incapable de cacher la volonté de conserver le pouvoir, la volonté de personnalisation du pouvoir. Il s’agit d’une stratégie de conservation du pouvoir de manière éternelle », a déclaré l’ancien vice-président de la Commission électorale nationale indépendante (CENI) ayant organisé la présidentielle et les législatives en novembre 2011.

Lors d’une matinée politique des étudiants membres de la Jeunesse du Mouvement du peuple congolais pour la République (MPCR) en présence du président du parti et député national Jean-Claude Vuemba, Jacques N’Djoli a affirmé que « l’illégalité et l’illégitimité engendrent des frustrations qui engendrent des conflits et des guerres, des guerres qui engendrent la pauvreté ».

Une rupture permanente du consensus national

« En Afrique, là où les Constitutions ont été souvent à la merci des gouvernants les manipulant à leur guise, provoquant une rupture permanente du consensus national, les conflits ont pris le dessus sur le dialogue qui permet pourtant aux forces centrifuges et centripètes de vivre l’adversité sans recourir aux armes », a relevé Jacques N’Djoli paraphrasant le professeur Evariste Boshab.

Dans son ouvrage, a-t-il souligné, le professeur Boshab écrit : « Si l’Afrique est une terre des conflits, une de causes principales est la mobilité constitutionnelle (…). Une Constitution rigide conditionne la paix dans les pays post-conflits où la révision d’une disposition constitutionnelle peut devenir l’élément déclencheur d’une guerre entre les forces politiques qui se suspectent et attende le moindre incident pour reprendre les armes (….). D’où, l’importance de ne pas réviser de n’importe quelle manière la Constitution ».

Nécessité ou besoin fondamental ?

En somme, reconnaît le sénateur N’Djoli, la Constitution prévoit elle-même les dispositions relatives à sa révision. Elle prévoit les organes qui disposent du droit d’initiative de révision, la procédure de révision qui peut être souple ou rigide, mais également les limites explicites, implicites voire hétéronomes à toute révision constitutionnelle.

« Mais, que dire de la révision proposée de la Constitution du 18 février 2006. On parle de révision, mais les tenants de cette thèse sont encore à ce niveau ? Ne sont-ils pas dans une autre dimension ? Ne parlent-ils pas d’une Quatrième République ? Y a-t-il nécessité, c’est-à-dire un besoin fondamental d’une révision ou d’une nouvelle Constitution dont on ne peut guère se passer ? », s’est-il interrogé.

Il a encore poser la question de savoir « s’il s’agit d’un impératif objectif sous peine, comme diront certains, d’inanition de la nation ou tout simplement une occasion à saisir afin de consolider ses intérêts subjectifs ou égoïstes en se débarrassant des dispositions handicapantes ».

« Préoccupés par le désir de garder le pouvoir, les révisionnistes visent les dispositions liées au pouvoir. Dans cette perspective, les tripatouillages, les grenouillages et les révisions constitutionnelles afin de conforter le pouvoir et de s’y maintenir constituent un exercice banal dans l’évolution constitutionnelle congolaise », a expliqué le sénateur Jacques N’Djoli.

Ainsi, a-t-il fait remarquer, « le texte constitutionnel apparaît comme un instrument de +stratégie politique qu’un code contraignant et formaliste ».

Les 7 vaches sacrées

Pour le sénateur Jacques N’Djoli, « le débat actuel sur la révision constitutionnelle ou l’adoption d’une nouvelle Constitution n’est pas un débat sur le plan du Droit ».

« La vérité est toute simple : le débat pas juridique car, si sur ce point, l’article 220 de la Constitution consacre les 7 vaches sacrées », a-t-il soutenu en rappelant l’exposé des motifs.

En effet, a-t-il insisté, « la Constitution se donne six axes fondamentaux : 1)Assurer le fonctionnement harmonieux des institutions de l’Etat ;2) éviter les conflits ; 3)instaurer un Etat de droit ; 4)éviter toute tentative de dérive dictatoriale ; 5)garantir la bonne gouvernance ; 6)lutter contre l’impunité ».

Parmi les tentatives « avortées » de révision constitutionnelle, le sénateur N’Djoli a cité celle initiée le 5 novembre 2007 par le député Tshibangu Kalala mais rejetée par le chef de l’Etat.

« Je ne peux en finir avec les réformes juridiques sans nous mettre en garde contre la tentation de vouloir régler tout dysfonctionnement éventuel des institutions par une révision constitutionnelle. En principe, la Loi fondamentale ne devrait êre modifiée qu’en cas d’extrême nécessité et uniquement dans l’intérêt supérieur de la nation », avait déclaré le président Joseph Kabila devant l’Assemblée nationale et le Sénat réunis en Congrès.

Deux ans après la première tentative du député Tshibangu Kalala, le débat sur la révision constitutionnelle a refait surface au sein de la classe politique congolaise en 2009.

Puis intervint celle du début 2011 qui porta le nombre de tours de l’élection présidentielle d’e deux à un tour.

La matinée politique de samedi s’est clôturée au siège du MPCR dans la commune de Ngiri-Ngiri avec les réponses du sénateur N’Djoli aux questions pertinentes des étudiants sur le processus électoral en RD Congo.

 

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