Pour avoir coupé les ponts avec le camp présidentiel, « l’ange » d’hier s’est subitement transformé en « démon » pour ses ex partenaires politiques de la Majorité présidentielle (MP) toujours inconsolables. Ils ont décidé d’investir les médias avec de l’argent public pour dézinguer leur ex égérie politique : l’ex gouverneur du Katanga Moïse Katumbi Chapwe.
Bien entendu dans la tâche ingrate de porter les coups tordus aux amis politiques d’hier, qui mieux que Lambert Mende Omalanga, ministre des médias et désormais porte-parole de toutes les institutions (gouvernement, présidence, MP et PPRD), est le plus futé dans cet exercice ? Plus professionnel que lui tu meurs ! C’est donc à lui qu’est revenue la charge de « descendre » Katumbi après sa fracassante double démission du parti présidentiel et du gouvernorat du Katanga. Mais à côté de Mende, il y a d’autres cadres de la MP qui se sont aussi invités à cette anthropophagie politique. Pour montrer leur « loyauté » au président Kabila, certains bonzes de la MP n’y vont pas de main morte. Ils utilisent de l’artillerie lourde contre l’ex gouverneur du Katanga. C’est le cas notamment de Richard Muyez, ex ministre de l’Intérieur. A tout seigneur tout honneur commençons par les « obus politiques » de Lambert Mende.
Avant les instructions de la « Haute Hiérarchie », il s’était déjà exprimé sur le sujet via son compte tweeter en qualifiant le départ de Katumbi de « non-évènement ». Mais curieusement, il a quand même convoqué une conférence de presse le mercredi 1er octobre. Il s’est longuement étendu sur « le non-événement » qui a pris plus de 90 % de son temps de parole. Dans son exercice favori, le monologue après des questions des journalistes, Mende a décoché la première flèche contre Katumbi en lâchant la phrase suivante : « le Créateur n’a jamais eu peur de sa créature. Moïse Katumbi était en exil, c’est Joseph Kabila qui l’a fait venir et la Majorité l’a fait gouverneur. Donc ni Kabila ni la Majorité ne peuvent avoir peur de Katumbi ». C’est donc à la bazouka que Mende a ouvert les hostilités avec Katumbi. D’après lui, c’est Kabila qui a fabriqué Katumbi, pourquoi en aurait-il donc peur ? Si Katumbi est réellement « la créature » de Kabila comme le dit Mende, alors l’usine de fabrication du « Créateur » doit avoir des sérieux problèmes ces derniers. Son process doit être revu de fond en comble. Sinon comment expliquer autant des malfaçons sorties de sa fabrique politique. Car en un moins on assiste à une hémorragie inédite des cadres les plus capés de la MP. L’usine du Créateur fuit abondamment. Après les leaders du G7 avec leurs centaines des cadres et leurs milliers des militants, c’est le tour de Katumbi de quitter Kabila. C’est une perte politique immense. Bien avant eux, ce fut Vital Kamerhe, le patron de l’UNC, une autre grande perte enregistrée par la Kabilie. Le syndrome Kamerhe semble se propager à la Majorité présidentielle de manière fulgurante. La maison MP en est fortement lézardée même si pour des raisons évidentes Mende tente de minimiser l’impact de ces défections. Elle (MP) menace de s’écrouler malgré les dénégations des menus fretins politiques qui y sont restés. Mais au fait qui créa le « Créateur » ? Katumbi a répondu à Mende par un tweet en écrivant ceci sur son compte : « Mon seul créateur est le bon Dieu, le tout-puissant ». L’autre charge de Mende contre Moïse Katumbi c’est quand il le qualifie de « traître » en soutenant que l’ex gouverneur du Katanga est à la solde des occidentaux comme ses amis du G7. Pour quelqu’un qui fut porte-parole de la rébellion du RCD s’est quand même franchement culotté de porter une telle accusation.
Il ne s’est pas arrêté en si bon chemin, il a tiré une autre slave contre Katumbi en le qualifiant de « glisseur ». « Quelqu’un qui glisse dénonce le glissement de quelqu’un qui n’a pas glissé » a dit le porte-parole du gouvernement. A la décharge de Katumbi, ce n’est pas lui qui organise les élections et personne ne peut concourir et espérer l’emporter sur lui dans son fief. Katumbi a répliqué au camp présidentiel sur les ondes de la Radiookapi en disant que « les traîtres sont ceux qui veulent changer la Constitution et nommer les commissaires spéciaux ». Et Katumbi de s’interroger si « dire la vérité est une trahison ». « Les vrais traitres se sont ceux qui veulent nommer des commissaires spéciaux » poursuit le président du TP Mazembe dans l’interview accordée à Radiookapi. L’ex gouverneur du Katanga dit qu’il attendait l’élection de nouveaux gouverneurs mais comme on procède de manière anticonstitutionnelle, il ne veut plus rester un seul instant à la tête de la province pour cautionner cette irrégularité. C’est une des raisons pour laquelle il a précipité sa démission. Toujours dans sa lancée, Mende n’a pas hésité à utiliser une arme de destruction massive politique contre Katumbi en insinuant clairement qu’il n’est pas propre quand il affirme que Katumbi visé par une procédure judiciaire avait chassé les magistrats venus enquêter. Hors de lui Katumbi a, sur RFI, rappelé l’Historique des familles riches de la RDC depuis des lustres : la sienne, les Moleka et les Bemba. Et d’aller plus loin en demandant une table ronde pour débattre de l’origine de la richesse des uns et des autres. Katumbi, déchainé, dit « vouloir crever l’abcès ». Il demande la table précise-t-il « tous les autres politiciens ». Là c’est clair, le populaire Katumbi n’est visé pas uniquement le ministre Mende, le second couteau, mais plus haut. Suivez mon regard. Il a rappelé qu’il a déjà fait l’objet de deux procédures judiciaires en Europe (Belgique et Grande-Bretagne), où les juges sont impartiaux, qui n’ont pas abouti. Entre Katumbi et Kabila, le point de non retour a été atteint. Les coups pleuvent de partout, avant Mende c’est un autre bonze du parti présidentiel qui était aussi monté au créneau pour pourfendre le dissident Katumbi. C’est un de ses anciens proches, Richard Muyez. Selon lui le retour de Katumbi de l’exil et sa puissance politique et économique c’est grâce à Kabila. Pour Muyez, Kabila est la « source » et Katumbi « l’embouchure ». En clair, Katumbi s’est servi de l’Etat pour se bâtir son immense fortune et sa grande popularité. Question : comment les autres caciques du régime Kabila qui ont aussi des postes prestigieux de l’Etat n’arrivent pas à se frayer le chemin de la prospérité comme Katumbi.
On n’est jamais mieux servi que par soi même dit-on. Katumbi a répondu à son ancien ami en disant qu’il n’était pas « venu en politique les poches vides ». « J’ai financé l’AFDL. Lisez le livre de Katumba Mwanke », « j’ai financé la Gécamines », « j’ai financé TP Mazembe pour qui j’affrétais les avions pour son déplacement », s’est-il défendu. Moïse Katumbi clame qu’il était un homme d’affaires prospère en Zambie bien avant de rentrer d’exil. Le président du Tout-Puissant Mazembe fait d’ailleurs remarquer à ses détracteurs qu’il rentra de son exil zambien en jet privé. Comme pour dire ce n’est pas lui qui s’est enrichi au pouvoir. Mais les autres. La guerre est donc totale entre les deux camps. Toujours par médias interposés, l’autre réplique à R. Muyez est venue du député national PPRD Francis Kalombo. Qui fit observer sur les ondes de la radio onusienne à Muyez que c’est plutôt Katumbi qui a financé le partit présidentiel et non le contraire. Kalombo affirme que Kamerhe et lui-même ainsi que Muyez allaient chez Katumbi chercher les sous pour le parti. Au-delà des sous, la popularité de Katumbi a bénéficié largement à R. Muyez. F. Kalombo lui a rappelé qu’il a pu obtenir un siège de député national qu’en 2011 grâce à Moïse Katumbi. Sa première tentative de 2006 fut un échec. Il eut fallu que Katumbi le porta sur sa liste pour qu’il obtint un siège à l’Assemblée nationale d’après Kalombo. Et quand Muyez dit que « personne n’est dispensable » pour parler du départ de Katumbi, Kalombo lui rétorque que « cela doit s’appliquer à tout le monde ». Allusion faite au patron de Muyez, Joseph Kabila empêché par la Constitution de briguer un 3ème mandat. Mais quand Kin Kiey Mulumba a dit de lui (chef de l’Etat) qu’il était indispensable à la RDC (unique stock de compétence), curieusement Muyez était bien muet face à cette affirmation du ministre chargé des relations avec le Parlement qui a indigné toute la nation.
Désormais la tension est vraiment à son comble entre les deux écuries politiques. Comme les autres avant lui, Moïse Katumbi a vu sa garde lui être retirée alors qu’il expédie encore les affaires courantes le temps de la remise et reprise. Cela rappelle étrangement l’épisode Vital Kamerhe, président de l’Assemblée nationale encore en exercice, mais à qui on retira toute la garde commise à sa sécurité. Ce n’était ni plus ni moins que des agissements d’une République bananière. Les querelles politiques ne doivent pas déteindre sur le fonctionnement de l’Etat. Ce mélange de genre est pitoyable. Katumbi dit faire l’objet des « menaces surtout après sa démission ». L’Histoire bégaye. On dirait l’épisode Kamerhe qui d’ailleurs fut vilipendé à l’époque par Katumbi manipulé par le pouvoir. Aujourd’hui, il subit les travers d’un régime qu’il a servi. Les brimades du pouvoir dont il fait l’objet peuvent être un puissant moteur pour lui pour terrasser le régime. La suite du feuilleton Kabila-Katumbi dans un autre numéro de 7SUR7.CD
LIM