La motion d’information déposée avant-hier par M. Henri-Thomas Lokondo devant la chambre basse pour réclamer un débat général sur les poses des bornes frontalières avec le Rwanda a eu comme effet de réveiller les consciences sur une question intéressant la souveraineté internationale du pays. Il était temps que pour cette fois-ci la nation congolaise à travers ses députés soit associée à ces rencontres pour suivre comment des « experts » venus d’on ne sait où et mandatés par l’on ne sait qui vont délimiter définitivement les frontières entre le Rwanda et la RDC sur une zone très sensible et comportant une connotation fort émotionnelle.
Au lendemain de l’annonce de ces travaux de délimitation des bornes frontalières entre les deux Etats, des esprits s’étaient surchauffés pour s’interroger sur l’opportunité et l’urgence de cette démarche dans la mesure où l’odeur de la poudre et des cadavres est toujours présente sur cette partie du territoire national.
Pourquoi cette question est-elle soulevée au moment où l’attention de la Communauté internationale, à travers l’Accord-Cadre d’Addis Abeba, est braquée sur les opérations de la traque contre les différents groupes armés irréguliers en vue d’enlever aux deux Etats belliqueux de l’Est le prétexte sempiternel des incursions répétitives de leurs armées régulières sur les territoires de la RDC ? Pourquoi cette question surgit-elle juste au moment où apparaissent des dissensions entre le gouvernement congolais et la Monusco au sujet de ces mêmes opérations militaires ? Pourquoi cette question intervient-elle juste au moment où les débats font rage sur le calendrier électoral, le découpage territorial et le statut d’ancien chef de l’Etat ? En clair, l’on est en présence d’un arbre qui cache la forêt, dans la mesure où certains esprits voudraient profiter de cet état d’esprit pour opérer un coup contre les intérêts supérieurs de la nation congolaise.
Une question de souveraineté
Pour preuve, à l’issue de la motion d’information soulevée in tempore non suspecto par Henri-Thomas Lokondo, la salle des Congrès du Palais du Peuple a été plongée dans un silence gêné et honteux. Du fait que l’on a réalisé qu’il n’y a aucune opportunité ni urgence pour aborder en ce moment cette question des bornes frontalières dès lors qu’entre les deux Etats subsiste un climat de méfiance consécutive à ce fleuve de sang qui continue à couler.
A moins que l’on ait des choses à cacher, car comme il est accepté de part et d’autre que cette question touche à la souveraineté de chacun de deux Etats voisins qui partagent une riche histoire commune depuis des siècles et dans lesquels vivent des tribus transfrontalières, pourquoi se précipiter à régler presqu’en catimini un dossier qui peut être examiné sérieusement et froidement au sein de organes délibérants afin que les populations de ces deux Etats soient régulièrement tenues informées et que nul n’en ignore ?
La motion d’information déposée par Henri-Thomas Lokondo vaut son pesant d’or parce qu’elle pose un problème qui touche à la souveraineté du pays dans la mesure où cela devrait impliquer un débat général au niveau des organes délibérants afin que les ennemis de la nation congolaise ne commettent pas l’irréparable. L’on peut se réjouir de la réaction d’Aubin Minaku, président du bureau de l’Assemblée Nationale, qui a promis de saisir le gouvernement. Il faut le débat, disait un acteur politique qui n’est plus de ce monde si l’on ne veut pas hypothéquer à vil prix les intérêts supérieurs de la Nation surtout dans cette partie fort sensible du Congo. Il serait hasardeux et dangereux de laisser une telle question entre les mains d’une commission d’experts corruptibles et malléables à souhait.
Un antécédent fâcheux…….
A ce jour, l’on garde encore en mémoire les péripéties tragicomiques des bornes frontalières de Kahemba où des villages jusque-là habités par des populations congolaises sont devenus angolais à la suite des déplacements précipités des bornes frontalières au mépris des limites léguées par les colonisateurs belges et portugais. Ce dossier a atterri sur la table de l’assemblée nationale pendant la transition 1+4 où les débats ont été houleux mais malheureusement suspendus par des élections générales de 2006. Et depuis lors, l’on observe un silence radio inquiétant.
Jusqu’à ce jour, l’opinion congolaise attend toujours le véritable tracé frontalier entre le Burundi et la RDC au niveau de l’estuaire de la rivière commune Ruzizi qui se jette dans le Lac Tanganyika. Le pays court le risque de perdre à jamais des pans entiers de son territoire à ce endroit-là à cause de l’orgueil et la négligence des dirigeants du régime du MPR-Parti Etat.
F.M.