Jean-Claude Muyambo, président de SCODE (Solidarité Congolaise pour la Démocratie) vient de claquer bruyamment la porte de la Majorité Présidentielle. Son coup de colère découle du refus des autorités provinciales du Kasaï Oriental de laisser atterrir, le samedi 15 novembre 2014, l’avion à bord duquel il venait de s’embarquer à Lubumbashi, à destination de Mbuji-Mayi. L’incident, indiquent plusieurs sources, s’est produit en plein vol, trente minutes après le décollage, lorsqu’une hôtesse lui a fait savoir qu’il devait rentrer au point de départ. On allait apprendre, quelques heures plus tard, de la part de l’intéressé lui-même, qui s’est confié à plusieurs médias tant nationaux qu’internationaux, que le fond de l’affaire est à chercher dans l’objet de sa mission au chef-lieu du Kasaï Occidental, à savoir la sensibilisation des cadres et militants de son parti contre toute modification de la Constitution du pays. Cela n’étonne pas tellement les observateurs.
On se rappelle les misères que la police et les services spéciaux avaient faites au député national Martin Fayulu et ses camarades de la plate-forme « Sauvons la RDCongo », engagés au début de l’année dans la campagne de collecte des signatures pour la démission de l’abbé Malumalu de la tête de la CENI (Commission Electorale Nationale Indépendante) et le respect de l’article 220 de la Constitution (limitation du nombre et de la durée des mandats présidentiels, principe du suffrage universel, forme républicaine de l’Etat, pluralisme politique et syndical). Interdiction de toute campagne contre la révision constitutionnelle ? A la lumière de la mésaventure de JC Muyambo dans les airs, entre Lubumbashi et Mbuji-Mayi, la question que nombre de Congolais et d’acteurs politiques se posent est de savoir s’il est interdit de battre campagne contre la révision constitutionnelle. Jusqu’à preuve du contraire, aucun texte ne l’interdit. Avant les événements du Burkina Faso, on avait même l’impression que toutes les opinions pouvaient s’exprimer à ce sujet.
On se souvient qu’à l’ouverture de l’actuelle session du Parlement, le président du Sénat, Léon Kengo wa Dondo, s’était ouvertement prononcé contre toute modification de la Constitution. Il n’a pas été inquiété. Quant à son collègue de l’Assemblée Nationale, Aubin Minaku, il s’était montré fort réservé à ce sujet, laissant sans doute au temps le soin de relancer le débat au niveau de la Chambre basse du Parlement. En principe, le débat autour la révision ou non de la « loi fondamentale » de la République est tombé dans le domaine public, dès lors que le gouvernement avait déjà approuvé, en Conseil des ministres, le projet de révision de la Constitution apprêté par le ministre de l’Intérieur. Aussi est-ce avec surprise que l’on assiste à une espèce de chasse aux sorcières qui ne dit pas son nom, à travers des obstacles de divers ordres dressés sur le chemin des filles et fils du pays qui ne partagent pas la vision de la Majorité Présidentielle. Interdiction de meetings, arrestation des détenteurs des pétitions, interdiction de voyages ayant pour soubassement la révision constitutionnelles sont devenus le lot des personnalités politiques et de la Société Civile qui s’opposent à tout tripatouillage des règles du jeu avant les scrutins de 2015 et 2016. Que signifient ces obstructions à la libre circulation des opinions au sujet des matières qui intéressent l’avenir et le devenir de la démocratie en territoire congolais ? La multitude aimerait bien le savoir.
Tous pour la révision constitutionnelle ? Pour l’heure, tout semble permis aux compatriotes qui s’affichent comme de chauds supporters de la révision constitutionnelle, soit en passant par un vote du Parlement, soit par référendum. Le nommé Mashala, pour ne pas le citer, cadre de la Majorité Présidentielle, ne mâche pas ses mots quand il s’agit de soutenir, à visage découvert, l’option de l’octroi d’un troisième mandat au Chef de l’Etat actuel. Il évoque des impératifs de la matérialisation de sa vision pour un nouveau Congo, à travers la Révolution de la Modernité. Mieux, il fait circuler, depuis plusieurs semaines, une pétition en faveur de la modification de la Constitution et de la prolongation du mandat du Président de la République. Ses équipes de campagne sont partout, sauf peut-être à Beni où il règne une grande insécurité, pour collecter des signatures en faveur du maintien au pouvoir de « l’Autorité morale » de la Majorité Présidentielle. Et Mashala s’affiche, à intervalles réguliers, sur les chaînes de télévision du pouvoir et apparentés, pour faire le point sur l’état d’avancement des adhésions à sa démarche. On le voit exhiber régulièrement, devant les caméras et les objectifs des photographes, les listes des signataires de sa pétition, qui se compteraient en dizaines de milliers en RDC comme au sein des Congolais de la diaspora. D’autres cadres du PPRD et des partis alliés de la Majorité présidentielle donnent de la voix dans le sens d’un appui sans réserve au projet de révision constitutionnelle pour les uns et d’élaboration d’un nouveau texte constitutionnel pour d’autres. Bref, les idées favorables à la modification de la Constitution ne rencontrent aucun obstacle sur le terrain. D’où, d’aucuns se demandent si tous les Congolais et Congolais, pour avoir droit à la parole et jouir de leur liberté de mouvement, devraient soutenir, avec le maximum d’enthousiasme, la révision constitutionnelle. Kimp