Démocratie menacée ; Cabale contre l’opposition parlementaire

Vendredi 25 mars 2016 - 02:50

 

 

La RDC vit actuellement au rythme du Dialogue projeté censé permettre l’installation d’un climat de détente entre les différentes familles politiques afin d’organiser des élections apaisées. Cependant, des observateurs se posent la question de savoir si la Majorité Présidentielle, MP, la famille politique du Chef de l’Etat, est sincère dans son intention. A preuve : la chasse à l’homme actuellement en cours contre les leaders de l’opposition. Dernière illustration en date : cette levée de l’immunité parlementaire des trois députés, à savoir Samy Badibanga, président du Groupe parlementaire UDPS et Alliés, Fabien Motomb, vice-président du même groupe parlementaire, et Nzangi Muhindo Butondo, du MSR.

 

La démocratie est-elle menacée en RDC ? On ne compte plus les leaders politiques de l’opposition emprisonnés. Mais cela semble ne pas s’arrêter. La dernière affaire en vogue, c’est celle de la levée de l’immunité et des poursuites de trois leaders de l’opposition parlementaire congolaise. L’affaire a, en effet, de quoi étonner tout observateur averti, tant, à ce jour, nul ne s’est plaint auprès du procureur qui fait preuve d’un zèle incroyable lorsqu’on sait combien des questions plus graves n’ont jamais suscité la moindre réaction de sa part.

 

Le fond de l’affaire

Tout a commencé lorsque, pendant la session de septembre 2015, l’opposition fait le constat que le basculement des anciens partis de la MP (ARC, MSR, UNAFEC, UNADEF, MSDD, ACO, et PDC) dans l’opposition modifiait l’équilibre des forces au niveau de la représentation nationale. En effet, même si la MP demeure majoritaire, désormais les députés de l’opposition passent de 140 députés à environ 225 députés. Par voie de conséquence, les députés d’opposition exigent la reconfiguration du bureau de l’Assemblée Nationale car celui-ci tient de la représentativité des forces en présence. Mais ils butent au refus du président Aubin MINAKU qui a présidė cette sėance alors qu’il ėtait mis en cause. En date du 16 octobre 2015, les députés de l’opposition initient alors une pétition contre le bureau de l’Assemblée Nationale pour plusieurs raisons, notamment avoir «confisqué la liberté à l’Assemblée nationale» et d’avoir «caporalisé» l’institution parlementaire, après le rejet par obstruction de la motion de défiance initiée contre le ministre de l’Intérieur, Evariste Boshab. Les députés de l’opposition dénoncent également le manque de débat au cours de l’examen de cette motion de défiance.

 

«Conformément au Règlement d’ordre intérieur de l’Assemblée Nationale, cette motion nécessitait 50 signatures pour être recevable. Or, il y’en a eu 64. Donc, le problème des signataires ne se posait nullement, assure un élu du Kongo central. Les deux députés porteurs de la motion étaient les Honorables députés Fabien MUTOMB (UDPS) et Nzangi MUHINDO (MSR). Par ailleurs, la collecte des signatures était faite par l’Honorable Martin KABUYA (UDPS). Jusque-là, tout se passe bien. Jusqu’au moment où l’un des signataires, le député Yala Tutu, issu du parti Démocratie Chrétienne (DC), suppléant et ancien avocat du président national de ce parti Eugène DIOMI NDONGALA, emprisonné depuis plusieurs années, prétendit que sa signature avait été imitée ! Neuf députés, à savoir : Ambatobe Nyongolo, , Martin Kabuya, Guy Kabongo, Corneille MaswaswaA, Basile longo Yvon Dangbele, et Freddy Kalombo ont, en date du 17 novembre 2015, écrit au président de l’Assemblée pour attester avoir effectivement vu leur collègue Yala Tutu signer la motion. A la tribune de la chambre basse, le député Jean-Claude Vuemba a proposé que l’on recourt à l’expertise d’un graphologue pour déterminer qui a effectivement signé. San succès. Le 10 décembre 2015, l’Assemblée nationale décide, en séance plénière, de constituer une commission chargée de faire la lumière sur cette affaire après avoir apprisprésident l'existence d'une réquisition du Procureur demandant la levée d'immunité des trois députés concernés.

 

Détail inquiétant

Mais, à la surprise générale, l’opinion apprend que dans cette réquisition, le procureur se fait fort d’affirmer sa « conviction que cette signature est vraiment une fausse ». Pourquoi ? Pour le simple fait que Yala Tutu l’a dit du haut de la tribune de l’Assemblée. C’est donc argent comptant. Aucun compte n’est tenu du témoignage des neuf députés affirmant, au contraire, avoir bien vu le même Yala Tutu signer bel et bien la motion. Ce détail inquiète les défenseurs des droits de l’Homme particulièrement remontés contre la multiplication des persécution des opposants et leaders de la société civile.

Et ce n’est pas tout. On se pose bien la question de savoir pourquoi imiter la signature d’un député alors que l’opposition a toujours dépassé le cap des 50 signatures pour ses différentes motions, et ce d’autant qu’elle est même renforcée par les bataillons venus du G7. « Le PGR n’a pas le moindre élément recevable en justice constituant le début de preuve d’une infraction pour étayer ses accusations : Il ne peut pas avoir entendu le député Yala, car il aurait dû pour cela en demander l’autorisation au Président de l’Assemblée Nationale, ce qui n’a pas été fait. Le député Yala n’ayant fait aucune déposition à la police ou devant le cabinet du PGR, on ne comprend pas d’où vient cette affaire», tempête un autre député.

 

Atteinte à la démocratie

«Il n’est nul besoin de disserter autour d’une affaire montée de toutes pièces pour comprendre que les poursuites judiciaires de Monsieur le PGR relève de l’arbitraire et l’instrumentalisation de la justice par le pouvoir en place. Ses motivations, bien loin du maintien de l’ordre public sont politiques. Il s’agit bien d’une atteinte grave à la démocratie : en voulant faire taire l’opposition parlementaire en l’excluant par des poursuites judiciaires, c’est le fonctionnement des institutions et la Constitution que l’on veut atteindre. Ecarter les voix critiques en les jetant en prison par le biais d’une justice arbitraire, intimider les députés restants en les menaçant ainsi de poursuites judiciaires à la moindre motion parlementaire, voilà la réalité d’un pouvoir dont le double langage est évident», explique un autre.

En plus, ce genre d’affaires, sont en réalité, en vertu des dispositions du règlement intérieur, de la compétence du Comité des Sages de l'Assemblée. La compétence du PGR est d’autant plus exclue qu’il existe déjà une procédure législative avec la constitution d’une commission parlementaire depuis le 10 décembre 2015. «Le président Aubin Minaku a profité des vacances pour contourner la procédure parlementaire», explique un habitué du Palais du peuple. Mais pour quel gain ? Encore une fois, c’est l’image de la RDC qui risque d’en prendre un coup. Qui a intérêt à ternir les institutions et l’image du pays ?

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