Voilà une nouvelle qui ne manquera pas de réjouir les autorités de Kinshasa : la démission de Russ Feingold de son poste d’Envoyé spécial de Barack Obama pour la Région des Grands Lacs. Véritable bête noire des autorités rd-congolaises, Feingold était fort apprécié des opposants et des acteurs de la société civile pour ses positions anti-révision notamment. Les raisons de cette démission annoncée sont à chercher dans la politique interne des USA où Feingold se prépare à reconquérir son poste de sénateur.
On imagine bien les autorités rd-congolaises sabler le champagne aussitôt la nouvelle de la démission connue
par elles. Pour l’instant, elles n’ont que commenté timidement cette nouvelle. Sans doute, lucides cette fois-ci, se rendant bien compte que cela ne changera rien à la politique américaine en RD-Congo dont e crédo est le respect de la constitution et l’organisation des élections notamment la présidentielle dans le délai constitutionnel. Mais pas de doute, les autorités rd-congolaises rient sous cape tout de même car Russ Feingold les agacer par ses prises de position directes et tranchées. Du minis-tre Lambert Mende au chef de la Maison civile du chef de l’Etat, Theodore Mugalu, principaux pourfendeurs de Russ Feingold, c’est assurément un bon débarras. Les deux personnalités ne vont quand même pas bouder leur plaisir, celui de voir le plus teigneux et le plus cassant de diplomate américain s’en aller. Le langage peu diplomatique de Russ Feingold ne va certainement pas manquer au pouvoir de Kinshasa. Son langage direct exaspérait le pouvoir. Mugalu dans sa croisade pro-révision l’avait même traité de « déséquilibré spirituel ». Le président Joseph Kabila ne
souhaitait plus le recevoir. Ce qui en dit long sur les relations plus que tendues entre l’émissaire de Barack
Obama et Kinshasa. Mais cette démission est arrivée un peu tard pour le Pouvoir car l’émissaire d’Obama a
déjà presque eu ce que la communauté internationale souhaitait obtenir s’agissant du processus électoral en
RD-Congo. En effet Russ Feingold a sérieusement enquiquiné les autorités rd-congolaises sur le respect de la Constitution dès que les premiers soupçons d’une éventuelle révision sont apparus il y a deux ans. Il y a
près de trois semaines passées, lors de son récent et dernier séjour en RD-Congo, il y était encore revenu.
R. Feingold avait alors aussi souhaité la publication d’un calendrier électoral global. Son vœu fut exaucé par la Ceni (commission électorale nationale indépendante) quelques jours après son départ qui avait publié le calendrier global tant attendu par l’opinion nationale et internationale. Feingold c’est aussi le diplomate qui
avait mis une pression presque insoutenable sur Kinshasa pour que soit neutralisés les rebelles rwandais des
FDLR (Forces démocratiques de libération du Rwanda). L’Opération Sokola II vient d’être lancée par Kinshasa à
cette fin bien que sans le sou-tien momentané de la même communauté internationale. Feingold a aussi joué un rôle central dans la défaite retentissante des rebelles du M23 qui occupaient l’est de la République pendant plusieurs années. Il avait mis une de ses pressions sur le président Rwandais, Paul Kagame, pour le pousser à
couper tout soutien aux rebelles du M23. Ce qui s’avéra une des clés du succès des FARDC (forces armées de
la République démocratique du Congo) appuyées par la brigade internationale sur la rébellion pro-rwandaise. A
cette époque Russ Feingold était personae grata car ce fut un allié précieux des autorités de Kinshasa face
à l’intrépide Paul Kagame. Cette idylle n’a duré que l’espace d’un matin après la fin de la crise de l’est. Le
départ du Missi dominici du président américain dans la région des Grands-Lacs va donc réjouir aussi bien Kin-
shasa que Kigali. Mais pour Kinshasa cette réjouissance ne servira pas vraiment à grand-chose car Feingold a
déjà fait le gros du boulot, notamment le respect de la Constitution et la publication de la date de la présidentielle. La nomination de son successeur est attendue dans les semaines prochaines. Sera-t-il de la
même veine ? On ne le sait pas encore. Mais Feingold avait placé la barre vraiment très haut qu'il sera difficile de lui trouver un substitut de sa trempe. Mais au-delà du style la politique des USA restera la même comme c’est le cas avec la politique américaine au Proche et Moyen-Orient. Quelles que soient les administrations, la politique US est toujours favorable à Israël. Feingold ou pas Feinngold, c’est sera
la continuité de la même politique : pas de révision constitutionnelle et élections crédibles en 2016. C’est la
voie de la stabilisation de la Région des Grands-Lacs qui passe par un Congo (RD) aux institutions démocratiques fortes.
Matthieu Kepa