Remettre les pendules de la Déclaration de Nairobi à l’heure. C’est l’exercice auquel s’est adonné hier le coordonnateur du Mécanisme national de suivi (MNS). Devant la presse, François Muamba Tshishimbi a tordu le cou à toutes les contre-vérités aussi désincarnées qu’ubuesques qui se racontent au sujet des ex-éléments du défunt M23 se trouvant notamment en Ouganda. Au terme de la démonstration ex cathedra, des faits têtus par nature. Non, la RDC ne traîne pas les pieds sur le front de rapatriement des ex-rebelles. Le nécessaire processus de désarmement, démobilisation et réinsertion des ex-M23 avait pour élément déclencheur l’amnistie. Or, celle-ci devait revêtir la forme d’une loi. En plus, au contraire des pardons antérieurs, l’amnistie actuelle est individuelle. Histoire de ne pas retomber dans les travers d’autre fois où les bénéficiaires d’amnistie sans frais récidivaient par la suite. Question aussi de ne pas absoudre des criminels qui doivent répondre de leurs actes devant la justice. Il a donc fallu identifier les personnes éligibles à la loi d’amnistie. Pas une sinécure. Au final, 559 amnistiés dont 330 en Ouganda et 229 au Rwanda. Toute statistique qui ferait état des milliers est abusive, martèle François Muamba. Une autre fable balayée par le numéro du MNS, c’est l’échéance du 12 décembre présentée comme une espèce d’ultimatum de Kampala en fonction duquel Kinshasa travaillerait. Le 17 septembre, le chef de l’Etat nous avait déjà instruit de rapatrier ceux qui sont éligibles à la loi d’amnistie et qui le souhaitent. Bonjour le sacro-saint principe du retour volontaire. Mille fois dans son adresse, François Muamba est revenu sur la base volontaire du rapatriement. Exit donc, les allégations sur le retour forcé. Seulement, pour danser le Tango, il faut bien être deux. Voilà que le point focal du défunt M23, Réné Abandi se fait désirer. Le 18 septembre, lorsque Kinshasa lui écrit, il ne répond pas. Le 22 septembre à la rencontre de New-York, il ne réagit toujours pas. A la réunion des envoyés spéciaux tenue le 7 novembre à Kinshasa, il brille par son absence prétextant le problème de sécurité. Un prétexte tiré par les cheveux, note le coordon Muamba , lui qui avait rencontré Abandi en terre congolaise de Goma le 20 mai de cette année ! Pas donc besoin d’être expert ès « grands lacs » pour comprendre que si les pendules de la Déclaration de Nairobi ne sont pas toujours à l’heure, ce n’est pas du côté du Gouvernement congolais qu’il faut regarder.
Face à la désinformation orchestrée autour du rapatriement en RDC des 120 ex-rebelles du M23, François Muamba a dissipé tout malentendu à ce sujet, notamment en ce qui concerne les prétendus anciens éléments de l’ex-mouvement rebelle qui auraient échappé d’un camp en Ouganda. « Tout s’est passé normalement », rétorque le coordonateur du Mécanisme national de suivi (MNS) de l’Accord-cadre contredisant ainsi une certaine opinion prétendant qu’ « un millier d’ex-rebelles congolais du M23 se sont échappés mardi de leur camp en Ouganda lors de ces opérations de rapatriement.
De quoi s’agit-il ? François Muamba n’est pas allé avec le dos de la cuillère pour expliquer la situation de ces éléments de l’ex-mouvement rebelle. « Entre 600 et 900 ex soldats du M23 se dirigeaient à pied vers le camp Bihanga où vivent près de 53.000 réfugiés congolais ayant fui la guerre dans leur pays », précise le coordonateur du MNS. Chemin faisant, ces anciens militaires se sont illustrés dans les pillages de sorte quand ils arrivent au camp des déplacés tout le monde a été pris de panique, raconte François Muamba.
« Et pour cause, poursuit-t-il, à leur arrivée, les réfugiés congolais ont été informés de forfaits commis par leurs anciens bourreaux ». Par conséquent, les réfugiés du camp Bihanga « ont tous refusé d’accueillir ceux-là même qui ont massacré les leurs. Même le Haut commissaire pour les réfugiés (HCR) leur a dénié le droit de pénétrer dans le camp et les autorités ougandaises ont décidé de les ramener à Bianda où elles vont devoir identifier les combattants Congolais », explique Muamba. Celui-ci promet qu’avec ce nouvel tri, « il faut s’attendre à d’autres rotations entre l’Ouganda et la RDC ». « Environ 80% -soit 400 et 500- ex-combattants M23 qu’on doit récupérer ».
DEMENTI SUR LE RAPATRIEMENT FORCE
Au cours de ce tête-à-tête avec la presse, le coordonateur du MNS balaye d’un revers de la main les accusations selon lesquelles le Gouvernement congolais rapatrie de force certains ex-M23. « Qu’on cesse de mélanger le tout. En tant que Gouvernement, on ne peut pas récupérer ceux qui refusent ». Le coordonnateur du Mécanisme national de suivi de l’accord d’Addis-Abeba, dément les accusations du leader du M23, Bertrand Bisimwa selon lesquelles la RDC veut rapatrier de force ces ex-combattants cantonnés au camp militaire de Bihamba, en Ouganda.
François Muamba explique que « pour être rapatrié, il faut le vouloir, il faut le souhaiter. Il n’y a personne qui va être mis dans un avion par la force. Donc, je démens formellement toute allégation du type rapatriement forcé. Personne ne sera rapatrié par la force. Revient au Congo celui qui est congolais et qui souhaite revenir au Congo ». Le coordonnateur du Mécanisme national de suivi de l’accord d’Addis-Abeba réagit ainsi à une lettre ouverte de l’ex-mouvement M23, signée par Bertrand Bisimwa et adressée au chef du Bureau du Haut Commissariat des droits de l’homme de l’Onu à Kampala.
RAISONS D’UN RETARD
Le rapatriement dans la base militaire de Kamina de 123 éléments de l’ex-M23 intervient un an après les déclarations de Nairobi qui ont mis fin aux pourparlers entre Kinshasa et le M23 et entérine la fin officielle de cette rébellion. Pourquoi une si longue période pour avoir ce résultat ? A cette question, François Muamba, qui faisait la restitution de son séjour à Kampala, explique que beaucoup de choses devaient être pris en compte. Mais l’élément déclencheur, fait-t-il savoir, « c’est cette question d’amnistie. Ça n’a pas été facile ». François Muamba affirme que l’amnistie est une loi et en tant que telle et est une émanation du Parlement. « Il fallait attendre le mois de février 2014 pour voir cette loi être promulguée ». L’autre raison de ce retard, poursuit le coordonnateur du MNS, « l’amnistie ne s’est pas faite en bloc, mais individuellement et par écrit. Il fallait expliquer aux concernés et les dossiers devaient être traités au cas par cas ». Rachidi MABANDU