A deux ans de la fin du mandat de l’actuel président de la République et des députés nationaux, le microcosme politique et l’opinion tant nationale qu’internationale sont secoués sérieusement par la publication du livre de l’actuel Secrétaire général du PPRD indiquant pour l’essentiel que tous les articles de la Constitution du 18 mars 2006 peuvent être révisés à tout moment, y compris le fameux article 220 pourtant proclamé verrouillé. Du fait que, faut-il rappeler, il indique clairement que le mandat du président de la République est de cinq ans et renouvelable une seule fois. Ce passage provoque une levée des boucliers dans tous les salons sociopolitiques, dans la rue et surtout au niveau des principales chancelleries accréditées à Kinshasa.
Veillée d’armes à l’opposition et le pavé de l’Eglise Catholique
Tous les états-majors des partis politiques de l’opposition déclenchèrent des mouvements de protestation et rivalisèrent d’ardeur pour mobiliser leurs bases électorales en mettant en garde la majorité présidentielle contre toute révision de la loi fondamentale. Il en fut de même de certaines organisations de la Société Civile et surtout de l’Eglise Catholique qui instruisit tous les responsables de différentes paroisses de répercuter dans toutes les langues vernaculaires le message de la Conférence Nationale Episcopale du Congo ou CENCO à cet effet. Pour se faire bien comprendre et démontrer à la face du monde que le Pape François était de cœur avec eux, tous les évêques membres de la CENCO profitèrent d’un déplacement à Rome pour une visite Ad Limina pour rendre public un autre message plus corsé contre toute tentative de la révision constitutionnelle, spécialement en son article 220.
Depuis lors, la rue s’en est mêlée et tous les débats se focalisèrent sur ce chapitre tant à travers les médias écrits, audiovisuels et électroniques que lors des conférences. Ce sujet se transforma en un débat national car il va se retrouver sur toutes les lèvres et dans les conversations quotidiennes jusqu’à être récupéré par les animateurs des sketches radiotélévisés et dans les rassemblements populaires.
Le rappel à l’ordre de Washington et de Paris
Sans pour autant être invitée, la Maison Blanche dépêcha son Envoyé Spécial en la personne de Russ Feingold qui ne mit pas des gants pour déclarer sur tous les toits que toute révision constitutionnelle en vue de se maintenir au pouvoir était inacceptable. Les Etats-Unis d’Amérique s’en tiennent à son appel à l’instauration des institutions fortes et nom aux hommes forts. Ce message fut d’abord transmis à Joseph Kabila par le Secrétaire d’Etat John Kerry lors de sa première tournée en RDC et ensuite répété plusieurs fois par l’Envoyé Spécial tant aux dirigeants qu’aux forces de l’Opposition et de la société civile.
Pour sa part, Paris n’est pas resté en reste et s’est exprimé par la voix la plus autorisée, à savoir celle du Président François Hollande tant à New York à la tribune de l’Assemblée Générale des Nations-Unies que lors du XVème Sommet de la Francophonie tenu à Dakar au milieu du mois de novembre dernier. Tout comme lors des réunions à huis clos avec ses homologues africains, particulièrement ceux qui sont tentés d’effectuer un passage en force pour la révision constitutionnelle en vue de briguer un troisième mandat.
Cette position fut clamée haut et fort par les envoyés spéciaux des autres partenaires extérieurs, à savoir la Grande-Bretagne, l’Union Africaine et l’Union Européenne, accompagnée des menaces du blocage des financements tant pour ll’appui au budget de l’Etat que pour les autres secteurs de la vie nationale.
Malumalu désavoué
Alors que ce débat faisait encore rage, voilà que la CENI a été prise en défaut de vouloir présenter un calendrier électoral incomplet. Des voix s’élevèrent pour réclamer le départ de l’Abbé Malumalu accusé de ne pas jouer franc-jeu. Pour les uns, notamment les partenaires extérieurs tels Washington, Londres, Paris, Union Européenne et Union Africaine, la CENI devrait présenter d’abord un calendrier électoral basé sur la présidentielle et les législatives et que les élections locales, municipales et autres pourraient être organisées par le pouvoir qui sortirait après décembre 2016.
Pour d’autres, le comportement de cet abbé ne rassurait plus l’opinion et qu’il était alors impérieux de recourir à une expertise extérieure plus neutre pour organiser et tenir des élections libres, transparentes et démocratiques pour ne plus revivre l’expérience douloureuse de novembre 2011.
Comme si cela ne suffisait pas, voilà que le pouvoir en place va surprendre l’opinion avec la nomination d’une équipe devant diriger l’ONIP ou Office National d’Identification de la Population. Une équipe composée par des caciques du régime au pouvoir. Le lendemain, des réactions fusèrent de partout pour non seulement condamner ce choix mais aussi pour dénoncer une énième tentative de prolongation du mandat de l’actuel régime au-delà du 19 décembre 2016. Le piège étant de déclarer le manque des fonds nécessaires devant servir à financer ce processus de recensement des congolais dans le délai constitutionnel. Tous les grands partis politiques de l’Opposition, notamment l’UDPS et Alliés, l’UNC et Alliés, le MLC, les FAC se levèrent comme un seul homme pour rejeter ce projet car destiné à obtenir la prolongation du mandat de l’actuel président de la République. Bien entendu, l’Eglise Catholique, la plupart des organisations de la société civile et la Communauté internationale joignirent leurs voix pour dénoncer ce plan de nature à violer la Constitution en vigueur. La même attitude fut réservée à l’endroit de la proposition de loi déposée par le député Delly Sessanga, qui prit peur avant de la retirer car elle contenait des indices sérieux de nature à servir de tête de pont aux partisans de la révision constitutionnelle. Voilà le climat sociopolitique dans lequel se termine cette année.
F.M.