Des millions de Congolais sont restés sur leur soif à l’issue de la plénière du lundi 10 novembre 2014 à l’Assemblée Nationale, laquelle devait débattre de deux motions de défiance dirigées contre deux membres du gouvernement, en l’occurrence le ministre délégué auprès du Premier ministre chargé des Finances et le ministre de l’Industrie. Même si les textes ont bloqué les auteurs des motions, ils n’ont pas pour autant évacué les doutes qui habitent encore de nombreux esprits.
Sur un plan général, l’absence de débat autour des fonds publics présumés avoir été mal utilisés ou détournés fait penser à certains que les gestionnaires des affaires publiques en République Démocratique du Congo auraient des choses à cacher. Aussi, nombre d’analystes souhaitent que l’Assemblée nationale, le gouvernement et la Cour des comptes puissent réfléchir à un mécanisme extraparlementaire d’information du souverain primaire sur l’état des comptes de la République pour les exercices budgétaires mis en cause dans les dossiers Kitebi et Musungayi.
Le peuple veut savoir ce que seraient devenus les 207 millions de francs votés par le Parlement en vue du fonctionnement du cabinet du porte-parole de l’Opposition. Car, à ce stade, les Congolais d’en-bas ne savent pas si le compte de l’Opposition a été mouvementé, comme le soutiennent à corps et à cri des affiliés de cette famille politique, si les fonds ont été affectés à une « urgence » particulière de la Nation ou encore si cette ligne de crédits est tombée purement et simplement en annulation.
A l’inverse des députés de l’Opposition, le souverain primaire refuse d’être bloqué par une quelconque motion dans une « affaire » où la carte de la transparence serait la meilleure réponse à ses inquiétudes au sujet de l’exécution souvent controversée du Budget national. Lorsque les gens se souviennent que dans les débats antérieurs autour de la reddition des comptes des budgets 2011, 2012 et 2013, il avait été constaté que le gouvernement ne respectait pas les « consignes » de l’autorité budgétaire dans l’ordonnancement des dépenses, ils ne peuvent que s’inquiéter de voir des motions de défiance ou d’ordre étouffées dans l’œuf, alors que leur objectif est d’éclairer la Nation sur les dossiers de la République.
Ce ne serait pas bon, pour la crédibilité des institutions et de leurs animateurs, que le flou persiste dans les esprits du grand nombre, d’autant qu’en plus des motions incidentielles qui cassent des motions de censure ou de défiance, les parlementaires recourent aux biceps pour faire obstruction au droit à la parole reconnu à leurs pairs. L’on peut se demander pourquoi le Palais du peuple a-t-il été transformé en ring de boxe, s’il est établi que le dossier de la cimenterie de Kisangani ne cache pas des cadavres dans ses placards.
Ici aussi, l’on veut simplement savoir si des fonds publics avaient été débloqués pour des travaux préliminaires et des équipements et ce qu’on n’avait fait. Dans l’hypothèse où le trésor public n’aurait sorti aucun sou, il serait utile de le faire, afin de tordre le cou aux rumeurs qui mettent en cause des personnalités qui n’auraient peut-être pas trempé dans la magouille.
Culture de la redevabilité
L’on parle de plus en plus, dans les sociétés modernes, de la culture de la redevabilité, laquelle oblige les mandataires publics (Chef de l’Etat, ministre, député, gouverneur de province, bourgmestre) à rendre régulièrement compte de leur gestion aux membres de la « Cité ». En principe, tous ceux et toutes celles qui décident et agissent au nom de la multitude ne devraient pas attendre que les soupçons de mégestion s’accumulent pour faire l’état des lieux. Surtout, ils devraient éviter le mauvais réflexe consistant à se taire et à laisser dire. Car, dès que la radiotrottoir s’installe sur le terrain de la rétention de l’information, toutes les « vérités » s’envolent dans toutes les directions.
Comment veut-on que les masses laborieuses, qui ont toutes les peines du monde à assurer leur unique repas quotidien, à trouver des espaces dans des taudis, à faire face au coût d’un comprimé d’aspirine, à supporter la facture de la maternelle, à accéder aux merveilles de l’eau potable et de l’électricité, à payer leur billet du transport en commun, ne se racontent pas mille et une choses sur les comptes de la République, dès lors que la bourgeoisie politique n’arrive pas à justifier son confort ? Ainsi donc, au lieu d’attendre des motions de défiance ou de censure, ceux qui ont la charge de l’ordonnancement, de l’utilisation et de contrôle des fonds publics feraient œuvre utile en donnant, en temps réel, la bonne information aux contribuables. Sinon, la « majorité silencieuse » continuellement maintenue dans la sous-information va continuer à se méfier des gestionnaires de la « Cité », même si ceux-ci n’ont pas la vocation de criminels économiques.
Kimp