«Bolalapongilokolaba bébés » ou le sommeil des justes

Mercredi 5 novembre 2014 - 08:50

C’était l’invitation faite par Etienne TSHISEKEDI à ses partisans brûlant de réagir vivement, à l’issue des présidentielles congolaises  du 28 novembre 2011 remportées, pour un nouveau quinquennat par le  président sortant, Joseph Kabila.

            Ce dernier  était proclamé, le 16 décembre 2011, réélu à 48,9 % contre le candidat n° 11 à qui avait été reconnu un score de  32,3 %, à la grande colère pas seulement des  « combattants » de son parti UDPS.

            Prévue le 6 décembre 2011, la publication des résultats provisoires, pour des raisons officielles  de logistique, a été différée  plus d’une  fois, avant d’être faite, tranche par tranche au fur et à mesure de la « compilation » jusqu’à l’annonce de la victoire de KABILA.

            Mais  Étienne TshisekediwaMulumba  donné pour second,  est allé pour sa part jusqu’à s’autoproclamer  président élu, refusant d’emboiter le pas aux autres candidats mécontents qui se sont précipités  d’introduire  des recours auprès de la Cour suprême de Justice, arguant que cette dernière était inféodée au pouvoir.

            Néanmoins, la suite lui donna raison car ce fut, de l’avis de tous,  une parodie de justice qui fut rendue dans un palais de Justice entouré par des chars blindés, apparemment par crainte des débordements populaires.

            Rien de cela n’eut ,cependant lieu, TSHISEKEDI  ayant pris l’option de calmer la population, préférant  en appeler  à la communauté internationale qui, bien que reconnaissant qu’il y avait eu « certaines irrégularités » au cours du  scrutin présidentiel, n’en finissait pas, cependant,  de  gloser , avec sa légendaire  perfidie qu’on lui connait ,  sur leur ampleur  et leur impact   sur  « l’ordre des résultats » !

Pourquoi la Communauté Internationale et non la Cour suprême ?

C’est un secret de polichinelle : le poids souvent arbitraire mais toujours décisif de cette communauté  pèse sur nos destins politiques en Afrique subsaharienne plus que celui du peuple « souverain » et pour notre pays cela date de Léopold II jusqu’à ce jour.

            Toujours est-il que l’Union pour la Démocratie et le Progrès Social, l’UDPS,   n’a pas de cesse   jusqu’à ce jour de  réclamer pacifiquement disons verbalement et par des écrits, la vérité des urnes  qui consacrera en même temps l’accession à l’imperium de son leader.

            Parmi les Congolais frustrés, beaucoup se disaient pourtant prêts pour « la Révolution », à l’instar  du « printemps arabe » : manifestations de rue, grèves et autres boycott.

            Pour les combattants de l’UDPS et pas seulement eux, ils attendaient pour cela, le mot d’ordre  qui devait naturellement émaner du président légitime et autoproclamé, qui a refusé de s’incliner devant le  holdup  électoral perpétré, selon lui, par un  président illégitime , revêtu par effraction, des oripeaux  de la légalité.

            Or, c’est à peu près certain que si pareil ordre des marches de protestation avait été lancé, et que pour peu qu’il soit suivi, le détenteur du pouvoir du moment pouvait ou peut, à en croire certains pessimistes ou optimistes réservés, en  tirer prétexte, pour les noyer dans le sang et en attribuer la responsabilité au candidat n°11.

Etienne TSHISEKEDI serait tombé dans le piège à con  dans lequel  Laurent Gbagbo  s’était laissé avoir.

            On l’aurait vu, en effet,  être accusé d’avoir   assouvi  sa soif du « sang innocent des Congolais »  et son cas, en tant que commanditaire passif ou actif des massacres, devrait intéresser la Cour Pénale Internationale très  prompte à régler ses comptes  avec les rebelles réels ou supposés de l’ordre public tel que voulu par la communauté internationale.

            C’est confronté  à ce  dilemme que le leader de l’UDPS  a été conduit à jouer une carte aux frontières de l’action et de l’omission qui révèle de sa part un sens politique  ou un instinct de survie hors pair .

            Sans se taire, le candidat n°11  n’a pas voulu  cependant  donner un mot d’ordre  express tel que l’attendaient  ses millions de combattants qui lui demandaient et continuent à lui demander de leur dire ce qu’ils devaient, doivent ou devront faire pour que la vérité des urnes soit rétablie.

Le leitmotiv  est toujours le même : leur champion  devra exercer effectivement l’impérium, pour réaliser le rêve du changement « radical » dont il est le héraut et le héros depuis plus de trois décennies.

D’où « Bolalalokolaba bébés » , une petite phrase  sibylline de Monsieur Etienne TSHISEKEDI WA MULUMBA, parmi les nombreuses qui ont jalonné son itinéraire politique mouvementé  et en constitue en même temps  le fil d’Ariane pour qui entend s’y orienter.

            Si l’on essaye de la creuser comme malheureusement beaucoup des congolais ne l’ont pas encore fait, on constatera que son contenu semble une prophétie au regard de l’amnésie presque collective qui caractérise la majorité silencieuse des congolais. Cette amnésie est responsable du  plongeon  de la République Démocratique du Congo dans une inertie paralysante, qui a fait écrier Modeste MUTINGA que nous sommes dans une  République des inconscients.

            Si l’invitation à un sommeil des justes que suggèrent les propos du Président TSHISEKEDI   peut être considérée comme une prophétie, son auteur n’est pas prophète de malheur, beaucoup s’en faudrait d’ailleurs.

A la suite de ses  échecs électoraux présidentiels répétitifs. François MITTERRAND, qui avait un projet pour la France se désespérait  de le voir se réaliser un jour sous son égide. On lui prête d’avoir soupiré un soir de la pénultième défaite électorale : «  on dirait que l’Histoire ne m’aime pas ».

            Les mots  du lidermaximo congolais sont de la même veine, lui qui nourrit beaucoup d’ambition pour le pays , et s’efforce en vain de la partager    de tout son cœur avec  son peuple dont le processus de maturité est tellement lent, à ses yeux, qu’il en vint à l’inviter à continuer à dormir comme un bébé c.-à-d. yeux, oreilles et poings bien fermés.

            C’est le contraire qu’il avait à l’esprit et entendait vouloir voir, par maïeutique, le peuple le découvrir lui-même.

            Qu’on se rappelle le meeting organisé par l’UDPS  en date du 24 Avrill 2010 au stade Tata Raphaël sous le prétexte apparent de commémorer le 20e anniversaire de l’avènement de la démocratie en ex-Zaïre coïncidant avec le discours historique de la N’sele au cours duquel, larmes aux yeux, le Maréchal surnommé le Grand Léopard  par ses thuriféraires, déclara, avec émotion apparente, prendre  congé du Mouvement populaire de la Révolution, MPR, feu parti Etat.

            Comment ne pas accréditer  la thèse d’un prétexte parce qu’après une longue  absence passive sur la scène politique ayant conduit à snober les élections présidentielles 2006 version Monsieur l’Abbé MALUMALU, aucune personne avertie ne pouvait comprendre qu’un opposant historique de la trempe et de l’envergure d’Etienne TSHISEKEDI WA MULUMBA puisse briser son silence dans un stade Tata Raphaël archicomble pour simplement commémorer un anniversaire d’un autre temps, alors que pointaient  à l’horizon les échéances électorales de tous les enjeux.

Inaugurant sa compagne électorale informelle, l’UDPS avait réussi son pari : en présence de la presse internationale, elle avait fait la démonstration  que la popularité de son leader était manifestement au zénith, à en juger par la foule composée non seulement des combattants-maison mais aussi de nombreux militants des partis d’opposition  autres que  l’UDPS, brandissant les oriflammes de leur obédience.

L’occasion était trop belle pour que  le vieux TSHIKAS, comme tout bon homme politique dans la même circonstance, ne puisse pas en profiter  pour faire passer un  message fort.

            Debout pendant plus d’une heure  d’un discours  autour du sujet apparent de l’heure, le SPHINX  de Limete , chuta , à la fin de son meeting  en disant  expressément ceci : «  NALINGAKI NA BOSANA. BATU BAZOMITUNA OYO ELEKAKI NA  TUNISIE, NA EGYPTE…. ? » (J’ai failli oublier de répondre aux questions qui me sont posées  sur les événements de Tunisie , d’Egypte…)

            En réalité, c’est le message du jour qui était ainsi dévoilé. Il  constituait le plat de résistance  de  son adresse du 24 Avril 2010 mais, en vieux routier politicien il le  présenta   comme un simple détail par  stratégie politique, sous les  caméras et micros du monde entier  à une foule de plus en plus  en liesse au stade Tata Raphaël  qui scandait  en chœur : « TOKOKI KOSALA YANGO ATA SIKOYO » ( Nous sommes prêts à faire la même révolution même tout de suite)

Le message étant passé et surtout accepté le vieux sage pouvait ainsi contenir la foule en lançant ceci : « BOSALA YANGO NA KATI YA BA URNES… »( Faites la révolution dans les urnes)

On peut dire que  ce jour là,  Monsieur Etienne TSHISEKEDI WA MULUMBA  avait  lancé sa campagne électorale en prenant rendez-vous avec le peuple congolais pour l’alternance démocratique pacifique.

Cette précampagne  qui ne voulait pas dire son nom, toute en  démonstration de  force,  a continué avec la conquête du Katanga  où, à partir de Lubumbashi, TSHISEKEDI  a reçu, à titre d’accueil, un  bain de foule historique qui a  pulvérisé sans conteste tous les records nationaux  de popularité et de mobilisation sans bourse publique  délier.

            C’était en tout cas suffisant  pour susciter  à l’égard  du futur  candidat  n° 11 une levée des boucliers de la part  de  ceux qui organisent les élections pour ne pas les perdre. D’où la propagande  de très mauvais aloi  et tous azimuts du  camp du pouvoir laissant  croire  à la population qu’après le locataire actuel du pouvoir, présenté comme l’homme de la paix, c’est le déluge avec tout ce qu’il comporte de catastrophique.

            Ainsi lorsqu’au début du mois de novembre 2011 la Commission Electorale Nationale Indépendante ouvre formellement la campagne Electorale, il y a tendance à  réduire au silence tout celui qui ose critiquer le candidat n°3 dont les affiches prédisaient plutôt qu’elles invitaient à sa réélection  avec 100%  des votes exprimés.

            Six jours durant, le candidat n°11 était toujours absent  dans les affiches, les  banderoles et dans les médias audiovisuels publics. Son séjour sud africain n’était pas la seule explication de cet ostracisme.

Le septième jour, dans un duplex depuis l’Afrique du Sud et en direct d’une émission politique de Monsieur Eliezer TAMBWE de la RLTV de Monsieur LUMBALA, le candidat n°11 entre en campagne  sur un ton  d’une agressivité qui en étonna plus d’un.

            Il appela, en effet, la population, habituellement  victime des tracasseries des policiers et des militaires à faire, cette fois ci,  la chasse à leurs bourreaux  jusqu’au camp où ils sont domiciliés pour  les rosser devant leurs femmes et enfants.

            Il promit au passage  au Pasteur NGOIE MULUNDA d’avoir à  pleurer dans son dialecte  devant  l’incapacité qu’il aura à réussir les  tricheries électorales programmées.

            C’est peu de dire que les  déclarations du candidat TSHISEKEDI  avaient imprimé à la campagne électorale une  tournure inédite et électrique. Ses  adversaires politiques  découvraient que la violence qu’ils pratiquaient pouvait avoir un effet boomerang de la part de celui qui la subissait sans répliquer. Mais Jésus fils de Dieu, était Bon sans être bonasse, car c’est avec la chicotte qu’il a chassé les marchands squatters du Temple.

            Toujours est-il que c’est à partir de là que  les affiches du candidat n°11 commenceront à apparaitre avec un slogan  très évocateur « LE PEUPLE D’ABORD… »

            Son retour au pays intervient  une semaine après par la ville de Kisangani où à sa descente d’avion vers 20 heures, il répond sans ambages à la première question qui lui était posée en confirmant ses propos tenus en Afrique du Sud soutenant avoir parlé du droit de résistance de la population contre le terrorisme d’Etat.

            Après le  tour du pays,  il devait terminer sa campagne par un grand Meeting au Stade des Martyrs  le samedi 26 novembre 2011, jour de la Pentecôte.

            C’aurait été très beau si aucun incident ne se serait produit : ce jour là son avion fut interdit d’atterrir à l’aéroport de N’djili. Sous risque de crash pour panne sèche  il fut  contraint malgré  lui  de se rabattre sur  l’aérodrome militaire de Ndolo.

De là, l’opposant historique  retourna à l’Aéroport de N’djili où des foules immenses l’attendaient.

Empêché de quitter  N’djili  par les policiers, le vieil opposant   est resté debout  des heures durant  avant d’être reconduit  aux petites heures du matin  sous escorte musclée chez lui à  Limete.

            Quant à tous ces Congolais qui s’étaient amassés à l’aéroport de N’djili ,tout le long du trajet jusqu’au Stade, les militaires et policiers en ont tué plusieurs dizaines. Les images ont fixé pour la postérité ce que l’UDPS commémore chaque 26 novembre comme le Massacre de la TSHANGU.

            C’est dans cette ambiance de tension que les élections  se sont tenues le Lundi 28 novembre 2011, suivies  de la  proclamation par Monsieur  le Pasteur NGOIE MULUNDA  de la  victoire du candidat n°3.

            La réaction du candidat n°11 surprit  une fois de plus : il refusa de reconnaître sa défaite, se proclama président après avoir prêté serment  à sa manière.

            Entre la date des proclamations des résultats et celle à laquelle il avait prêté serment, les Congolais réclamaient toujours  un mot d’ordre.

            Or, manifestement le leader maximo semble avoir épuisé sa gibecière à ce sujet. On ne peut pas lui faire reproche de n’en avoir pas donné, il en a lancé   des mots d’ordre  des  plus elliptiques aux plus clairs, des plus sages aux plus téméraires  et même d’apparemment impossibles. Les plus fondamentaux, les plus vitaux  n’ont pas  encore  connu un début d’exécution, faute de la maturité des Congolais.

            Comme dit  un adage, les peuples  ont des dirigeants qu’ils méritent.

            C’est pour cela que les Congolais  dormaient déjà  quand l’invitation leur a été faite  de se plonger dans le sommeil des bébés. A moins que  l’auteur d’un tel  propos ait  eu en vue  autre chose notamment l’idée  de profiter de l’assoupissement des bébés pour travailler dans  leur intérêt, pour leur avenir.

Dans tous les cas, l’unique position qui vaille pour un homme, pour un peuple est de  rester en éveil, même s’il s’accorde des pauses de sommeil. Dans la vie individuelle comme collective, il n y a jamais d’acquis qui ne puisse jamais être remis en question un jour ou un autre par un imposteur. Imaginez vous que, dépité d’avoir été mis sur écoute, à juste titre du reste,  SARKOZY ex président de la République réalisait subitement que la Police française n’avait pas à envier aux sinistres  STASI et Gestapo. Le comble pour un ancien ministre de l’intérieur!

C’est Abraham LINCOLN qui disait qu’on peut tout le temps mentir à une partie du peuple, on peut une partie de temps tromper tout le peuple mais on ne peut pas tout le temps mentir à tout le peuple.

Que sont les mensonges sinon les tricheries électorales, les armes dès qu’on s’en sert pour monter au pouvoir. Particulièrement pour notre pays, où il y a nécessité absolu de cultiver les vertus qui unissent que des vices relevant des mensonges qui divisent.

            Pour nous le rappeler, une fois de plus de manière cruelle,le drame de Beni où plus d’une centaine de nos compatriotes ont été tués sauvagement  qui n’a suscité même pas la compassion de toute la nation par la mise en berne des drapeaux à titre de deuil. C’est littéralement inimaginable. Un Français décapité en Algérie a eu droit à un hommage national avant que son corps ne soit récupéré.

            Sans un pouvoir d’origine électorale, transparente  et pacifique, rien ne peut marcher dans le monde où la démocratie et l’alternance pacifique au pouvoir politique sont à la mode même si elles peinent encore à se concrétiser par la volonté de la Communauté internationale.

            C’est sachant cela que NGUZ, un temps opposant à MOBUTU mais opportuniste,  trouvait que  TSHISEKEDI, partisan de vote, de lanon violence et de la volonté populaire, était un utopiste.

A l’époque, en effet, Etienne TSHISEKEDI était surnommé MOISE par le peuple dont il était le chouchou. Il  n’a pas cessé de l’être malgré les entremèdesafdl et 144.

            Et NGUZ d’ironiser : comme Moïse à qui on l’assimile, Etienne  n’entrera jamais en  Terre Promise où « coulent le lait et le miel ».

Cela, c’était avant les élections de 2011.Mais après celles-ci, la communauté internationale, qui en est consciente et qui en Afrique subsaharienne fait la pluie et le beau temps est aujourd’hui au pied du mur.

MBUYI KAPUYA MELEKA

Secrétaire Général de la LIQUE pour LA QUALITE de la VIE, «  L V » parti politique.  

 

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