Le président du groupe parlementaire UDPS et Alliés à l’Assemblée nationale est déterminé à faire éclater la vérité sur l’utilisation de près de la moitié du budget affecté au fonctionnement de l’opposition. La population pourrait être surprise des décisions que la plénière de ce mercredi 5 novembre prendrait. Très attendu du haut de la tribune de la chambre basse pour justifier l’emploi de 207 millions de francs défalqués du budget de l’opposition, Patrice Kitebi doit éclairer l’opinion sur cette épineuse affaire. Le ministre délégué aux Finances a été couvert pendant plusieurs semaines par Minaku et a failli être épargné quand le speaker de l’Assemblée nationale avait déclaré que la motion des opposants n’était pas à l’état. Après la convocation d’une plénière à huis clos avec les opposants le mercredi 29 octobre, Minaku a accepté de convier Kitebi devant les députés nationaux pour répondre de ses actes.
Après plusieurs péripéties, la motion initiée par Samy Badibanga Ntita contre patrice Kitebi Kibol Nvul sera, enfin, à l’ordre du jour ce mercredi à l’Assemblée nationale. Le ministre délégué auprès du Premier ministre en charge des Finances doit justifier l’emploi de 207 millions de francs sur les 500 millions prévus pour le fonctionnement de l’opposition, alors que le porte-parole de cette dernière, unique ordonnanceur de cette rubrique, n’a jamais été élu. Dans le landerneau politique où les appétits s’aiguisent chaque jour davantage pour la formation du très attendu gouvernement de cohésion nationale, la motion du président du groupe parlementaire UDPS et Alliés peut réserver des surprises.
Initiée depuis le 13 octobre 2014 par Samy Badibanga, président du groupe parlementaire UDPS et Alliés à l’Assemblée nationale, la motion de défiance à l’encontre du ministre délégué aux Finances Patrice Kitebi vise à faire la lumière sur l’emploi des 207 millions de francs de la rubrique «fonctionnement de l’opposition». La question était d’autant plus attendue que, lors du débat sur la reddition des comptes du budget 2014, le ministre délégué n’avait pipé mot sur le sujet alors que plusieurs députés lui avaient posé la question. Jusqu’à présent, il avait réussi à échapper au face-à-face avec la représentation grâce à des missions à l’étranger qui semblaient durer une éternité. Sur place au pays, la ritournelle habituelle avait déjà été lancée par la MP : obtenir le retrait de signatures afin d’invalider la motion. Ainsi, sur les 58 signatures, 9 étaient censées s’être rétractées.
Arguments massues
L’affaire rappelait la motion Mayo contre Matata, où l’on avait vu Aubin Minaku faire acter autoritairement le retrait de signatures d’une motion déjà déposée. Cela fit ridiculiser le Parlement de RDC sur le plan africain, mais l’opposition prit acte. Et aujourd’hui, elle a grandi en expérience.
Et sait avancer des arguments massues. Au cours de la séance à huis clos du vendredi 31 octobre dernier, l’opposition était particulièrement remontée. Elle a, ainsi, sortir l’arme lourde. D’abord, le Règlement d’ordre intérieur, dont l’article 211 stipule qu’une motion déjà déposée «ne peut plus subir aucun amendement». Or, retirer une signature constitue un amendement sur la forme de la motion. Ensuite, Samy Badibanga et les siens sont désormais mieux armés encore, et avancent sur le terrain du Droit comparé qui constitue la jurisprudence internationale, plus explicite. Ils citent ainsi la Constitution française, article 49 alinéa 2, qui stipule : «dès le dépôt de la motion, aucune signature ne peut être ajoutée ni retirée». Mais aussi le Règlement d’ordre intérieur du Parlement haïtien qui, en son article 224 concernant les motions d’interpellation du gouvernement, stipule : «aucune signature ne peut être retirée ni ajoutée. Le Président de la Chambre des Députés notifie les motions d’interpellation au Premier Ministre».
Ainsi que la Loi Organique n° 5 /AN/93/3e concernant le Règlement intérieur de l’Assemblée Nationale de Djibouti qui stipule en son article 106 alinéa 3 : «A partir du dépôt, aucune signature ne peut être retirée ni ajoutée. Le président de l’Assemblée notifie la motion d’interpellation au gouvernement».
Motion de tous les dangers
Des débats, les analystes sont amenés à tirer plusieurs leçons. D’abord, en Droit comparé, il apparaît clairement que le droit de retirer de signatures implique celui d’en ajouter d’autres. Sur ce fait, 16 députés se sont bousculés au portillon pour ajouter leurs signataires. Ensuite, sur les 9 députés censés s’être rétractés, trois affirment avoir simplement sursis leur décision et confirment leurs signatures. Le bureau est acculé dans les cordes. Aubin Minaku suspend la séance, et réunit la conférence des présidents. Après avis et considérations, voilà le bureau qui acte la motion de Samy Badibanga et décide, finalement, à convoquer le ministre délégué aux Finances pour demain mercredi. Tout bien considéré, cette motion de tous les dangers fait peur à plus d’un titre. Premièrement, elle mettra – forcement ! – mal à l’aise un ministre sommé de choisir entre reconnaître soit un détournement des fonds, soit, comme l’avait dit le ministre du Budget Daniel Mukoko Samba à la commission Eco-Fin de l’Assemblée nationale, admettre des «erreurs d’imputation budgétaires», ce qui reviendrait à ravaler le gouvernement au niveau d’amateur sans expertise. Deuxièmement, il n’est pas exclu que la motion de Samy Badibanga reçoivent le renfort de certains ténors de la majorité présidentielle qui, seuls dans l’isoloir, vont trouver là l’occasion inespérée de faire tomber le gouvernement pour précipiter la formation du gouvernement de cohésion nationale. Ce qui constituerait alors une grande victoire pour l’opposition qui aura, ainsi, su surfer sur les divisions de la majorité pour faire tomber un ministre.
samuel mbuta