La bataille contre la révision de la constitution, dont le but inavoué est de dégager l’horizon à un éventuel 3ème mandat de Kabila, est presque gagnée. Car on voit mal comme un tel projet aboutirait après les coups de boutoir lui assénés par des acteurs héroïques de tous bords : église catholique (Cenco), politiciens (Vital Kamerhe, Bruno Mavungu, Moïse Katumbi, Pierre Lumbi, Martin Fayulu, etc.), communauté internationale (Russ Feingold notamment), société civile, diaspora, presse, etc.
Le régime est sorti très affaibli de ce duel féroce et y a laissé des plumes. Les divisions en son sein sont d’ailleurs une preuve des traces que laissera ce combat d’arrière-garde que la Majorité présidentielle voulait imposer à toute la nation congolaise pour assouvir des desseins mesquins. Bien que groggy, la Majorité présidentielle n’a cependant pas encore dit son dernier mot. A défaut de la modification de la Constitution, elle opte pour un dérapage du calendrier électoral en conditionnant la présidentielle et les législatives de 2016 au recensement général de la population et non à l’enrôlement des électeurs comme le prévoit la loi actuelle n°11/003 du 25 juin 2011 portant organisation des élections présidentielle, législatives, provinciales, urbaines, municipales et locales. Selon les experts, le recensement administratif duquel seront extraites les listes électorales retarderait d’au moins 3 ans ces échéances électorales. En clair la présidentielle serait organisée en 2019 pour les plus optimistes. Mais pour les pessimistes ou les plus réalistes, c’est selon, en 2020. C’est carrément un mandat présidentiel aux USA dont la durée est de 4 ans que s’octroierait le chef de l’Etat actuel dont le mandat expire en décembre 2016.
« Après tout n’a-t-il pas droit lui aussi à un mandat en prime comme les sénateurs, les gouverneurs de province et les députés provinciaux dont les mandats sont arrivés à terme depuis 2011 mais qui continuent à exercer ironise. Pourquoi pas lui aussi », ironise un député de Kinshasa. En effet sans moyens, sans ressources humaines, sans ressources matérielles, le tout dans un pays immense comme un continent et qui plus est, est encore déchiré ça et là par des guerres, comment peut-on y conduire un processus complexe qu’est le recensement dans un délai de moins de deux ans. C’est-à-dire avant à octobre 2016. Pure chimère ! Et la Majorité le sait mais son objectif c’est de prolonger le bail de son autorité morale coûte que coûte. Pour parvenir à cette fin, la Majorité veut s’en donner les moyens. Le gouvernement dit de cohésion nationale a adopté le 5 janvier dernier en conseil des ministres un projet de loi portant modification de la loi électorale. L’astuce c’est de faire passer ce projet de loi comme l volonté populaire car une résolution des Concertations nationales prévoit justement le recensement de la population avant les élections générales. Le hic c’est que ce forum n’avait pas la légitimité nécessaire pour que ses résolutions lient l’ensemble de la nation. Les principales forces socio-politiques n’y ayant pas pris part. Ni l’UDPS de Tshisekedi, ni l’UNC de Vital Kamerhe notamment n’y avaient pas participé. Certaines forces politiques, UDPS notamment, exige toujours le vrai dialogue sous l’égide de la communauté internationale. Qu’à cela ne tienne, la Majorité présidentielle continue dans sa stratégie du chaos. Sa nouvelle loi électorale a été déposée immédiatement au Parlement pour examen en urgence. Cette loi dite « loi Boshab » car c’est le ministre de l’intérieur qui l’a déposée et qu’il la défendra au Parlement, apparemment inoffensive, cache son venin dans l’alinéa 3 de son article 8. Cet alinéa dispose ceci : « elle doit être (la liste électorale) actualisée en tenant compte de l’évolution des données démographiques et de l’identification de la population ».
Selon le professeur Sam Bokolombe, juriste éminent, c’est à la Ceni (Commission électorale nationale indépendante) que revenait en exclusivité la tâche d’identifier les électeurs. Or cette tâche est désormais confiée à l’Onip (office nationale d’identification de la population). C’est après le travail de recensement administratif de la population qu’effectuera l’Onip que la Ceni disposera de sa liste électorale. La loi Boshab si elle est venait à être adoptée en l’état conditionnera la confection des listes électorales au recensement. Chose qui repoussera inévitablement les échéances électorales majeures de 2016 notamment la présidentielle au-delà du mandat constitutionnel actuel. C’est l’une des raisons qui explique que la Ceni n’arrive pas à pondre un calendrier global et consensuel. L’opposition a prévu de ne pas participer aux débats sur ladite loi. L’Onip a besoin d’un demi-milliard de dollars pour faire son travail.
Faut les trouver mais où ? Car le bailleur des fonds ne sont pas prêt à mettre la main à la poche tant qu’il n’y aura pas un calendrier global et consensuel. Cet office est dirigé par le politologue Adolphe Lumanu, ancien directeur de cabinet de Joseph Kabila et ancien ministre de l’Intérieur. Son côté ultra partisan n’est pas non plus pour rassurer. Un travail de recensement avait déjà commencé au sein du ministère du Plan pourquoi créer une autre structure aujourd’hui s’interroge l’opinion. Ca fait doublon. En tous les cas, après 2016, si les élections générales ne venaient pas être organisées, Kabila sera encore davantage affaibli car il n’aura aucune once de légitimité. Ce qui ouvrira une période de fortes turbulences dont le pays n’en a cure. Gabriel Kyungu, président de l’Assemblée nationale, lui veut en découdre électoralement au plus vite avait-il prévenu. L’Onip ferait bien de ne pas le contrarier et avec lui tous les rd-congolais impatients d’exercer leur droit constitutionnel de se choisir les dirigeants de leur choix.
Mathieu Kepa