
Sous le sceau de l’article 64, alinéa 1, de la loi organique nᵒ 13/011-B du 11 avril 2013 relative à l’organisation, au fonctionnement et aux compétences des juridictions de l’ordre judiciaire, la Cour de cassation a tenu, ce mercredi 15 octobre 2025, son audience solennelle de rentrée judiciaire pour l’exercice 2025-2026.
À cette occasion, le procureur général près la Cour de cassation, Firmin Mvonde Mambu, a axé sa mercuriale sur « la problématique de la répression de l’enrichissement illicite en droit positif congolais ». Il a lancé un appel "pressant" aux législateurs pour que la République démocratique du Congo se dote enfin d’une loi spéciale érigeant l’enrichissement illicite en infraction autonome.
« L'enrichissement illicite doit cesser d’être un simple élément constitutif de la corruption, de la concussion ou du détournement des deniers publics. Il mérite d’être érigé en infraction à part entière », a-t-il affirmé.
Un phénomène endémique à combattre par la loi
Pour le procureur général, l’enrichissement illicite est devenu un fléau visible dans la société congolaise : constructions somptueuses, acquisitions massives de véhicules de luxe et train de vie disproportionné.
« Ce phénomène, régulièrement dénoncé par l’opinion publique, est aujourd’hui l’une des manifestations les plus pernicieuses de la corruption. Il mérite une riposte juridique forte et adaptée », a-t-il insisté.
Vers une loi autonome et des magistrats spécialisés
M. Mvonde a plaidé pour l’adoption d’une loi spécifique dotée de mécanismes efficaces de recouvrement des avoirs mal acquis, de suivi du patrimoine et de protection des lanceurs d’alerte.
« Les réflexions devraient porter sur la spécialisation des magistrats, la mise en place de mécanismes de traçabilité du patrimoine, et la protection la plus large possible des dénonciateurs », a-t-il précisé.
Selon lui, l’éradication de ce fléau suppose une réforme du droit pénal congolais afin de permettre la sanction de toute disproportion injustifiée entre le patrimoine et les revenus d’un agent public ou d’un particulier, sans devoir prouver un acte préalable de corruption ou de détournement.
Une charge de la preuve inversée
Autre innovation envisagée : l’allègement de la charge de la preuve. Dans ce régime, il appartiendrait à la personne poursuivie de justifier la licéité de ses biens, et non plus au ministère public de prouver l’origine illégale de la richesse.
« Ce dispositif allégera la tâche du parquet et renforcera la dissuasion. Il restaurera aussi la confiance du public dans la justice et dans les institutions », a soutenu le magistrat.
Des peines alignées sur celles de la corruption
Le procureur général a également proposé que les sanctions prévues pour l’enrichissement illicite soient identiques à celles applicables aux infractions de corruption, de concussion ou de détournement de deniers publics : exclusion de la fonction publique, interdiction d’exercer un mandat public, et privation du droit à la libération conditionnelle.
Avant de conclure, Firmin Mvonde a plaidé pour la création d’un corps de magistrats spécialisés dans la répression de l’enrichissement illicite.
« De nombreuses transactions se font au nom de l’État — marchés publics irréguliers, ventes d’actifs, liquidations d’entreprises publiques — et peuvent donner lieu à des pratiques illicites. Il faut des magistrats formés pour y faire face », a-t-il souligné.
Enfin, il a rappelé que, selon le Code pénal congolais, l’enrichissement illicite se définit comme l’augmentation substantielle du patrimoine d’un agent public ou d’un particulier qu’il ne peut raisonnablement justifier au regard de ses revenus légitimes.
ODN