
Le médecin légiste TShomba Hondo, Général d'armées et professeur des universités, a été convoqué par la Cour militaire de Kinshasa/Gombe, à l'audience de ce lundi 12 mai 2025, pour interpréter, en des termes simples, son rapport d'autopsie sur la cause de la mort du roulage Fiston Kabeya.
Répondant à la question du ministère public, il a affirmé que le roulage Fiston Kabeya est mort des suites d'une hémorragie cérébrale provoquée par un coup sur la tête. Il dit avoir trouvé du sang dans le cerveau du trépassé.
« La cause du décès, c'est l'hémorragie cérébrale. Cette hémorragie cérébrale n'est pas survenue par hasard. Elle peut survenir lorsque la tension dans les vaisseaux du cerveau dépasse leur résistance. En ce moment-là, les vaisseaux éclatent. Il peut aussi survenir à la suite d'une onde de choc, c'est-à-dire d'un coup donné dans la boîte crânienne et qui continue jusqu'à ce qui se trouve à l'intérieur, c'est-à-dire le cerveau. Dans le cas que nous avons eu à examiner, nous avons trouvé effectivement qu'il y avait au niveau du cuir chevelure et au niveau du cerveau du sang qui ne pouvait pas s'y trouver. C'était un endroit anormal pour le sang », a-t-il déclaré.
À la justice d'établir les responsabilités
Quant à établir la relation de cause à effet entre l'auteur de ce coup et la mort, le professeur TShomba a émis des réserves. Il a souligné que ce choc ne peut pas forcément venir d'un coup donné par un individu. Il peut aussi résulter d'une chute causée par une crise et que c'est à la justice de faire cette déduction.
Réagissant à une question de l'avocat de la Défense, le médecin légiste a réaffirmé ses recommandations contenues dans le rapport. Il appelle la Cour à s'en servir pour exploiter d'autres aspects de l'enquête afin de mieux comprendre la cause de cette hémorragie cérébrale.
« Si on veut vraiment connaître la vérité, il faut qu'on aille puiser un tout petit peu dans d'autres domaines. C'est pourquoi, j'ai dit que c'est une version à prendre avec les réserves d'usage. Cela signifie qu'on ne prend pas position. La personne a été arrêtée et emmenée à la Primature. De là, elle a été emmenée au cachot de l'auditorat. S'il y avait d'autres personnes dans la cellule, il serait intéressant de savoir dans quel état Fiston Kabeya est arrivé. De deux, son état de santé se présentait comment ? Cet aspect serait intéressant à exploiter », a-t-il indiqué.
D'autres éléments à exploiter
Pour le médecin légiste, les conditions de détention peuvent aussi renseigner sur quelque chose et éclairer davantage la Cour au sujet de la cause exacte de cette hémorragie cérébrale.
« Les conditions de détention. Une reconstitution, c'est-à-dire une descente sur le lieu du crime, peut nous apporter beaucoup d'informations. Rien qu'à voir l'endroit où il était détenu, les conditions dans lesquelles il était détenu. Tous ces éléments sont importants. Les co-détenus demeurent des témoins privilégiés. On les emmené à trois à l'hôpital militaire. Pourquoi ? Parceque leur état n'était pas bien. Entre le 25 et le 29 mai, le jour où Fiston nous a quitté, il s'est écoulé quelques jours. Quel était l'état de santé de Fiston ? S'il se deteriorait, pourquoi ne l'a-t-on pas emmené à l'hôpital plus tôt », s'est interrogé l'expert.
Revenant sur la question des lésions trouvées sur la dépouille de Fiston Kabeya, le médecin légiste a relevé qu'au-delà des tortures, cela peut avoir diverses causes. Il a souligné qu'en cas de crise d'épilepsie ou de la baisse du sucre, la personne tombe et elle ne va pas choisir dans quelle position tomber.
Fiston Kabeya est arrivé mort à l'hopital militaire
« Les lésions que l'on a décrites peuvent relèver d'autres causes. En cas de crise d'épilepsie, en cas de la baisse du taux de sucre dans le sang, le cerveau ne fonctionne pas. La personne peut tomber. Elle ne va pas choisir de quelle façon elle peut tomber. Quelq'un qui pique une crise d'épilepsie va se retrouver dans la même situation. C'est là aussi où il faut creuser », a fait remarquer le professeur TShomba.
Ce médecin légiste a par ailleurs tenu à souligner que Fiston Kabeya a été conduit déjà mort à l'hopital militaire de Camp Kokolo. Il a ainsi encouragé la Cour militaire à interroger les deux autres prévenus avec lesquels Fiston Kabeya a été transféré à l'hôpital.
« Fiston Kabeya a été conduit à l'hopital militaire avec deux de ses co-détenus. Et en arrivant, le médecin a constaté que Fiston était déjà mort. Il est important de savoir s'il était mort au cachot, à l'extérieur ou pendant le transfert. Il a été conduit avec 2 autres co-detenus. Où sont-ils ? Ils peuvent nous donner quelques informations utiles sur ce qui s'est passé en dernier lieu. Il y a eu mort d'homme et on a pas le droit d'être superficiel. Ce que l'on a mis dans le rapport, ce sont nos constatations. Ça s'arrête là. Mais tracer un lien d'imputabilité quant à dire que c'est ceci ou cela qui a provoqué, ce n'est pas le travail du médecin legiste. Nous ne pouvons pas designer le responsable. Ça c'est le travail de la justice », a conclu le professeur TShomba Hondo.
La plaidoirie prévue le mercredi 15 mai
En réaction aux insinuations des avocats de la Défense après l'intervention du médecin légiste, les avocats des parties civiles ont tenu à faire acter que Fiston Kabeya n'avait aucun antécédent de santé.
Selon eux, il n'était pas épileptique, moins encore diabétique. Ils soutiennent que cette hémorragie a été causée par la torture subie de la part des gardes de la première ministre , Judith Suminwa.
Après avoir suivi les explications du médecin légiste et du Commissaire Divisionnaire, commandant sortant l’Unité de Protection des Institutions et de Hautes Personnalités (UPI-HP), Dodo Tshinyama, la Cour a suspendu l'audience en renvoyant la cause au jeudi 15 mai pour la plaidoirie et éventuellement le verdict.
Rappelons que Fiston Kabeya a été arrêté par les gardes de la première ministre, le 25 mars 2025, avec pour motif qu'il n'a pas facilité le passage du cortège de cette dernière et qu'il a tenu dans les mêmes circonstances de temps et de lieu des propos discourtois à l'égard de la cheffe du gouvernement. Il a été retrouvé mort le 29 mars.
ODN