Le grand paradoxe : La stratégie économique du professeur Nzanza Bombiti pour Libérer le potentiel agricole africain (Tribune)

Vendredi 27 décembre 2024 - 11:40
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À l’aube de 2025, il est indéniable que  l’agriculture s’impose comme un levier stratégique incontournable, moteur des économies et de la sécurité alimentaire mondiale. Globalement, l’agriculture a généré 3,8 trillions USD de valeur ajoutée, soit une augmentation impressionnante de 89 % depuis 2000.

L’Afrique, à elle seule, a enregistré une croissance spectaculaire de 164 %, passant de 170 à 449 milliards USD. Et pourtant, le continent demeure un importateur net de denrées alimentaires, avec plus de 278 millions d’Africains sous-alimentés​. Cela soulève une question urgente : comment transformer ce potentiel en une force durable pour nourrir le monde ?

Avec 19 % des terres arables mondiales, l’Afrique se positionne juste après l’Asie. Cependant, depuis 2000, le continent a perdu 24 % de ses terres cultivables par habitant, principalement en raison de l’augmentation rapide de la population, de la dégradation des sols et d’une urbanisation incontrôlée. Ces défis s’ajoutent à des rendements agricoles par hectare parmi les plus faibles au monde, aggravés par un accès limité aux intrants modernes tels que l’irrigation et les engrais. En 2022, l’utilisation des engrais en Afrique s’élevait à seulement 22 kg par hectare, contre 177 kg en Asie​.

Ces écarts reflètent le sous-investissement chronique dans l’agriculture africaine, où seulement 4 % des budgets publics y sont consacrés, bien loin des 10 % fixés par la Déclaration de Malabo​.

Les conséquences de cette situation sont alarmantes. Bien que 47,8 % de la population active africaine soit employée dans l’agriculture—le pourcentage le plus élevé au monde—les rendements restent disproportionnés par rapport à l’effort fourni. La dépendance aux systèmes agricoles pluviaux rend nos systèmes alimentaires vulnérables aux aléas climatiques, entraînant des crises alimentaires récurrentes.

À l’inverse, l’Asie, grâce à ses investissements dans l’irrigation et la gestion intégrée de la santé du sol, est devenue un exportateur net de denrées alimentaires, nourrissant des milliards d’individus tout en stabilisant ses économies​.

En République démocratique du Congo (RDC), des avancées notables ont marqué cette année, illustrant une volonté renforcée de soutenir l’agriculture et d’assurer la sécurité alimentaire. La distribution de semences améliorées, d’engrais, et la planification de la construction de routes agricoles stratégiques témoignent d’une vision claire pour désenclaver les zones rurales et réduire les pertes post-récoltes. Ces efforts prometteurs doivent être consolidés et amplifiés pour relever les défis structurels, maximiser notre potentiel agricole et transformer durablement le secteur en moteur de croissance économique et de résilience nationale.

Il est essentiel pour l’Afrique d’adopter des politiques transformatrices qui englobent tous les aspects d’une agriculture durable, afin de libérer son potentiel et de répondre aux défis spécifiques du continent. Cela inclut l’accès facilité au crédit pour les petits exploitants, la gestion intégrée de la santé des sols, le renforcement des capacités des agriculteurs, et l’approvisionnement en intrants et semences de qualité adaptés aux réalités locales. Par ailleurs, l’intégration des technologies modernes, telles que l’intelligence artificielle et l’agriculture de précision, ainsi que la mise en place de systèmes de distribution efficaces, sont indispensables pour accroître la productivité, renforcer la résilience des systèmes agricoles africains et transformer le secteur en un pilier de sécurité alimentaire et de croissance économique durable pour le continent et le monde.

L’Afrique doit passer du statut d’épicentre de l’insécurité alimentaire à celui de grenier du monde. Cela exige des investissements audacieux, des politiques régionales cohérentes et la volonté de mobiliser les énormes ressources humaines et naturelles du continent. En regardant vers 2025, que cette année soit un cri d’alarme, un rappel que le pouvoir de nourrir le monde commence chez nous.

L’agriculture n’est pas seulement une opportunité pour l’Afrique, c’est une obligation.

À propos du Professeur Nzanza Bombiti

Docteur en sciences agronomiques et titulaire d’un MBA (Master of Business Administration), le Professeur Nzanza Bombiti a approfondi son expertise en santé des sols à l’Université Cornell aux États-Unis et explore les innovations technologiques à travers une spécialisation en intelligence artificielle à l’Université du Texas à Austin.

Ancien Gouverneur du Bas-Uélé, il a occupé des postes stratégiques au sein de multinationales influentes dans les secteurs agricole et minier en Afrique. Aujourd’hui, en tant que président du Centre d’Excellence en Leadership et Bonne Gouvernance (CELBG) et directeur exécutif d’Envirodec Sustainability Group, il mobilise son savoir-faire pour transformer durablement l’agriculture africaine et relever les défis de la sécurité alimentaire mondiale.

Tribune du Professeur Nzanza Bombiti