Rentrée judiciaire à la Cour de cassation : le 1ᵉʳ président demande à Félix Tshisekedi de réhabiliter la fonction de greffier

Mardi 15 octobre 2024 - 19:09
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Conformément à l'article 64 alinéa 1 de la Loi organique numéro 13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation, fonctionnement et compétences des juridictions de l'ordre judiciaire, la Cour de cassation a ténu, ce mardi 15 octobre 2024, son audience solennelle de la rentrée judiciaire 2024-2025 en présence du président de la République, Felix-Antoine Tshisekedi Tshilombo.

Le discours du Premier président de cette plus haute juridiction de l'ordre judiciaire, Ndomba Kabeya Elie Leon, a porté sur "l'importance du rôle spécifique du greffier" et sur "l'atteinte au principe constitutionnel de la présomption d'innocence". Il a aussi parlé de ses actions menées à la tête de cette juridiction.

Le professeur Ndomba Kabeya Elie Leon a notamment plaidé auprès du président Tshisekedi pour la réhabilitation de la fonction de greffier qui joue un grand rôle dans l'administration de la justice. Il a rappelé que c'est le greffier qui reçoit le justiciable ou son avocat à l'entame d'une procédure judiciaire, et c'est lui qui gère le dossier tout au long de la procédure jusqu'au prononcé du verdict, voire à l'exécution de la décision judiciaire.

Vivement le recrutement des greffiers licenciés en Droit

"Si l'on devrait établir une métaphore, le juge serait le capitaine du navire et le greffier en serait le moteur. Sans lui, sans son organisation, sans son savoir-faire, la justice serait paralysée et incapable d'avancer efficacement. Il est donc, en toute discrétion, l'acteur principal du processus judiciaire. Sa rigueur, son professionnalisme et son engagement sont les garants du bon fonctionnement de l'institution judiciaire", a-t-il déclaré.

À l'instar des magistrats, le premier président de la Cour de cassation a concrètement demandé au président Tshisekedi d'initier un recrutement par concours des licenciés en Droit qui vont exercer la fonction de greffier en remplacement des agents administratifs affectés par le ministère de la Fonction publique dans les Cours et Tribunaux.

"C'est ici le lieu pour moi de lancer un vibrant appel à votre Excellence afin d'offrir à notre jeunesse la possibilité d'accéder, sur concours, à la profession de greffier dans le cadre de votre politique générale de l'emploi des jeunes. En effet, dans l'état actuel des choses, y accède qui veut, alors qu'une solide connaissance du Droit est une exigence fondamentale pour tous les greffiers. Il y a donc lieu d'encadrer juridiquement la profession de greffier. Il va sans dire que les agents administratifs actuellement en activité, qui ne répondent pas au profil requis pourront utilement être réorientés vers la fonction publique pour une meilleure réaffectation dans d'autres services publics de l'État et laisseront place aux jeunes diplômés en Droit qui sortent de nos multiples facultés de droit après un simple concours de dictée", a-t-il plaidé.

Déficit de formation et de rémunération, causes majeures des abus

Le premier président Elie Ndomba Kabeya a par ailleurs saisi cette occasion pour dénoncer beaucoup d'actes de corruption et d'indiscipline à charge des greffiers. Il dit être arrivé à la conclusion que cela est dû au déficit de formation et de rémunération.

"Au-delà de la corruption et de l'indiscipline, le déficit de formation et celui de la rémunération suffisante me semblent en être deux causes non négligeables. À ce jour, il est indéniable que les Cours et Tribunaux souffrent d'une carence criante du personnel formé parce qu'à un certain moment, le ministère de la Fonction publique avait affecté au sein de différentes juridictions des agents administratifs non qualifiés dont plus de la moitié ne sont pas mécanisés pour exercer la fonction de greffier et sans salaire. Ils vivent avec le fruit de la corruption et/ou de la concussion. On observe aussi la présence de plusieurs autres agents appelés nouvelles unités alors qu'ils ont accompli entre 10 et  15 ans de service ininterrompu, mais souffrant de la même carence de formation", a-t-il fait savoir.

Parlant de la présomption d'innocence, le numéro un de la Cour de cassation a fustigé ce qu'il a qualifié de "jugement des réseaux sociaux  sans respect des droits de la défense" observé actuellement dans la société congolaise.

 

Beaucoup d'actions disciplinaires et judiciaires contre des avocats et magistrats véreux 

Au nombre de ses réalisations à la tête de cette juridiction, il a cité d'innombrables actions judiciaires et disciplinaires à charge des avocats et des magistrats véreux. Il a notamment rappelé à titre illustratif le cas de trois hauts magistrats de la Cour d'appel de Haut Lomami qui viennent d'être condamnés à des peines lourdes allant de 2 à 7 ans pour corruption et blanchiment des capitaux.

Le juge président Elie Ndomba Kabeya a aussi cité à son actif le lancement du site Internet de la Cour de cassation et la formation des hauts magistrats à la technique Cassation et à l'intelligence artificielle, ainsi que la formation sur les contentieux électoraux, l'outil informatique et les nouvelles technologies de l'information et de la Communication.

À l'en croire, ces actions ont fait qu'on parle aujourd'hui de  moins en moins des cas des magistrats mêlés dans des affaires de corruption. Même si, a-t-il reconnu, il se développe une sorte de protection mutuelle entre avocats et magistrats, notamment par la dissimulation des informations.

Dans les recommandations, le juge président Ndomba a plaidé pour l'allocation d'un budget conséquent au secteur de la justice, la construction des Palais de justice, ainsi que d'un édifice moderne devant abriter la Cour de cassation et son parquet, la mise en service effective des chambres disciplinaires du Conseil supérieur de la  magistrature et la révision des dispositions statutaires relatives au régime disciplinaire des greffiers afin d'instituer la possibilité pour les chefs de juridiction de constater toute faute disciplinaire à leur charge et d'enclencher la procédure disciplinaire y relative.

ODN