Le Tribunal militaire de garnison de Kinshasa/Gombe a tenu, le vendredi 12 juillet 2024, sa huitième audience dans le procès sur la tentative du coup d'État en République démocratique du Congo du 19 mai dernier.
Deux prévenus ont été auditionnés à cette audience. Il s'agit de Kamanda Kadima Franc et de Mavungu Lubongo Bienvenu, respectivement conducteur et convoyeur du véhicule qui a conduit les assaillants de Matadi à l'hôtel Momo à Kinshasa où ils se sont rassemblés avant de lancer l'assaut.
Dans sa narration des faits, le chauffeur a affirmé que son véhicule de marque Tata avait été loué à l'Agence Trans Paradis où il travaille sans que sa société, ni lui, ne sache l'objectif de ces assaillants. Kamanda Kadima Franck rapporte qu'il a été contacté par une agence voisine, dénommée Trans Fina, au sujet de cette course.
« On m'a dit qu'on a loué l'ensemble du bus pour 66 places. Au moment de l'embarquement, j'ai stationné le bus à l'arrêt de Trans Fina où on devrait prendre les passagers. Un moment donné, j'ai vu des gens monter dans le bus avec les paquets d'eaux. On a mis ça juste derrière mon siege. Après, j'ai vu deux valises et trois personnes. Et mon chef m'a dit voici ceux qui ont loué le bus. Il s'agissait notamment de Mr Youssouf et Mr Ruffin qui font partie des prévenus. Vu le retard, ces deux personnes se sont engagées par décharge auprès de l'agence de payer une pénalité équivalent à une autre course une fois à Kinshasa. C'est notamment Youssouf qui a signé cette décharge. On a quitté Matadi vers 8h avec 12 personnes à bord dont moi, le gérant et mon convoyeur. On m'a dit que ce sont les adeptes de l'église des noirs et que je devrais prendre les autres en route à Lukala, Kisantu et Mbuba », a-t-il rapporté
Selon ce chauffeur, de Matadi à l'hôtel Momo, à Kintambo, à Kinshasa, où Christian Malanga attendait les assaillants, le bus s'est stationné plusieurs fois en route et pour des longues durées. Il était question, a-t-il expliqué, de prendre d'autres personnes. A l'en croire, c'est le prévenu Youssouf qui donnait des ordres lorsqu'il fallait stationner et prendre la route.
« A Lukala, on m'a donné l'ordre de prendre une avenue jusqu'à une parcelle. Ils sont tous descendus et entrés dans une maison. Vers 17 h 30, on est venu me réveiller sous le véhicule où je dormais pour m'annoncer le départ. Une fois à Kisantu, on m'a demandé de s'arrêter pour attendre un autre bus de Trans Fina qui était parti prendre les gens à Kinzau. On est resté là de 20h à 23h le temps de prendre d'autres personnes. Après là, nous sommes allés à Mbuba où on devrait prendre d'autres personnes. On a quitté vers 1 h. Arrivés à Kasangulu vers 5 h, on m'a encore demandé de stationner pour attendre les gens de Mbuba qui n'étaient pas sortis. On a quitté Kasangulu à 21h. Nous sommes arrivés à l'UPN à 1h. C'est là que la sentinelle de l'hopital Momo où Malanga était logé est venu nous prendre », a-t-il indiqué.
Pour le chauffeur, lui, comme son convoyeur et le gérant du bus, ont été arrêtés alors qu'ils étaient allés à la Demiap denoncer ces faits après avoir réussi à s'échapper des mains des assaillants. Il affirme qu’il est concerné ni de près ni de loin dans la tentative du coup d'État du 19 mai.
« Arrivé chez Momo, j'ai stationné devant la parcelle et tous ces gens ont commencé à descendre. On a aussi fait descendre les deux valises. Quelques minutes après, quelqu'un est sorti pour dire qu'on a besoin du chauffeur et du gérant à l'intérieur. Nous sommes entrés et nous nous sommes installés sur deux chaises trouvées là. Juste après, on voit quelqu'un sortir de la maison cagoulé et habillé en tenue militaire. Il nous a ravi les téléphones. Nous avons commencé à entendre des gens crier Ingeta (ndlr, que ce soit ainsi en français) dans la maison. J'ai entendu quelqu'un donner l'ordre d'aller prendre le convoyeur qui était resté devant la parcelle. C'est alors que j'ai pris courage de suivre cette personne à l'exterieur et j'ai dis au convoyeur de ne pas donner son téléphone. C'était trop tard. Il avait déjà donné son téléphone et la clé de contact. C'est alors que je l'ai bousculé et pris fuite. Le matin, je suis rentré à cet endroit j'ai trouvé le bus avec la clé de contact comme quoi ils avaient tenté le démarrer mais n'ont pas pu. J'ai pris le bus et je suis allé jusqu'à notre Agence à Limete pour faire rapport à mon chef. J'ai trouvé sur place le gérant et le convoyeur qui avaient aussi réussi à prendre fuite. Ensemble, nous sommes allés à la Demiap pour denoncer. C'est comme ça qu'on nous a arrêté », a conclu le prévenu Kamanda Kadima Franck.
Convoqué à la barre, le convoyeur, Mavungu Lubongo Bienvenu a donné la même version des faits. Youssouf par contre a continué à nier être envoyé à Matadi par Christian Malanga prendre les assaillants et les ramener à l'hôtel Momo pour lancer le putsch manqué.
Dans son intervention au sujet de la comparution du chauffeur et du convoyeur, le ministère public a crié à ce qu'il a qualifié de "repenti actif mais tardif". Il a soutenu que ce chauffeurx avec son équipe, étaient au courant de cette attaque et savaient que ces deux valises contenaient les tenues du mouvement New Zaïre et d'autres dispositifs des opérations.
Il sied de noter qu'avant la comparution de ces deux prévenus, le Tribunal a entendu à titre de renseignant un ami à Kévin Panda, un jeune que les assaillants ont tué la nuit du 19 mai sur le chemin des opérations après lui avoir ravi le véhicule. Ce dernier a confirmé avoir vu ces assaillants tirer sur son ami.
Soulignons que 6 prévenus sur les 51 sont déjà passés devant la barre pour donner leur version des faits pour lesquels ils sont arrêtés. Le Tribunal a commencé par le Britannique d'origine congolaise Youssouf, consideré comme le coordonnateur du mouvement New Zaïre après Malanga. Les juges ont ensuite interrogés les américains Marcel Malanga, Benjamin Zalman et Taylor Christian Thomson, ainsi que le Belge d'origine congolaise Jean-Jacques Wondo.
A la fin de l'audience, le président du Tribunal militaire de garnison de Kinshasa/Gombe a indiqué que les autres prévenus seront auditionnés le lundi 15 juillet prochain à la prison militaire de Ndolo.
Rappelons que le Tribunal militaire de garnison de Kinshasa /Gombe poursuit au total 51 personnes impliquées dans l'affaire coup d'État manqué du 19 mai au Palais de la nation de la République démocratique du Congo.
Elles sont poursuivies pour 7 infractions, à savoir, le terrorisme, la détention illégale d'armes et munitions de guerre, tentative d'assassinat, association des malfaiteurs, meurtre et financement du terrorisme.
ODN