Je n’aime pas notre drapeau. Je n’aime pas son étoile dont les lames étincelantes ont coupé des mains sur ordre d’un potentat à la mentalité de marchand près de ses sous. Je n’aime pas ses couleurs trop convenues qui ne racontent que si peu notre verte nature. Je n’aime pas cette cocarde qui le barre diagonalement et qui me rappelle trop les ténues solennelles des colons en culottes.
Je ne suis peut-être pas un bon patriote. Je n’apprécie pas beaucoup notre hymne national, ce chant monocorde et qui se trémousse si peu à notre cadence. Je n’aime pas le C de Congo qui raconte si fort le vol de notre mémoire. Je n’aime pas cette date d’anniversaire, choisi pour célébrer une indépendance qui était un dû et pas un cadeau.
Il y a tant de choses que je n’aime pas de ce Congo, de ce qu’il a été, de ce qu’il est et de ce qu’il sera.
Mais j’aime les gens que je croise depuis qu’enfant, j’ai joué dans les rues de Yolo, de Limete, de Lemba, de Matadi, de Gemena. Je les aime, parce qu’un fil millénaire me relie à la plupart d’entre eux. Je les aime parce qu’ils portent la même histoire que moi. Je les aime parce que notre trame commune raconte des migrations qui déroulent un destin de qui parcoure toute l’Afrique. Je les aime parce que ce sont des gens de chez moi, de cette cuvette un peu magique qui nous garde en son creuset depuis nos ancêtres et n’ a pas attendu le barbu allemand de Bruxelles pour nous laisser exister unis par son espace unique et si crucial pour toute l’humanité.
J’aime ce pays, certes, je n’aime pas toujours l’Etat qui le porte et qui est le digne rejeton de l’Etat Leopoldo-belge qui l’a inventé. J’aime ce pays, et certes, je n’aime pas cette Nation qui oublie d’exister, empoisonnée par des maladies congénitales qui viennent des faiblesses des nations qui l’ont formée et de leur rencontre inopportune avec les vices coloniaux et pernicieux.
Je n’aime pas beaucoup nos dirigeants, leur étroitesse d’esprit, de vision, leurs rêves faméliques…
J’aime ce pays, que la nature, le hasard, le destin, l’histoire, mais surtout nos ancêtres ont inventé. Parce qu’un Etat peut être inventé de l’extérieur, une Nation peut être provoquée de l’extérieur, mais un pays s’invente toujours de son propre ventre.
J’aime donc ce pays, même si je n’aime pas la laideur de ces postures actuelles. J’aime ce pays, parce qu’après qu’il m’a choisi, je l’ai choisi aussi.
(Je soutiens que nous devons choisir une autre date pour célébrer notre indépendance : le 4 janvier par exemple, mais en attendant je célèbre le 30 juin, le jour où l’évidence a été couchée sur papier et Lumumba a pu sauver notre dignité)
@Biatitudes
Le Slammeur