En proclamant l'état de siège, le président de la République, chef de l'État, a souhaité donner une nouvelle impulsion aux efforts de la République pour rétablir la paix, la sécurité et la tranquillité publique dans les provinces du Nord-Kivu et de l'Ituri.
Il a également par cette initiative louable, décidé de travailler sur le renforcement de l'autorité de l'État dans ces provinces secouées par des conflits armés armés depuis plusieurs années.
Pour y parvenir, tous les services de l'État sont appelés, chacun dans son domaine, à agir dans cette vision républicaine.
Parmi tous les services, celui de la justice a un rôle important à jouer : il doit mettre en œuvre la politique de l'État de droit pour éviter que la justice ne puisse être l'outil générateur des conflits sociaux, surtout dans une province meurtrie et dans laquelle les élans de justice populaire sont très inquiétants.
La justice face à « l'achat » des jugements
La grande question à se poser est celle de savoir si les animateurs de la justice sont aussi conscients du grand rôle qu'ils jouent sous l'état de siège. Outre leur niveau de conscience, sont-ils capables d'affirmer leur indépendance vis-à-vis des injonctions de la hiérarchie et des sollicitations multiples des personnes qui, se sachant en dehors du droit, utilisent leur argent pour pratiquement « acheter » des jugements ?
Ce questionnement est opportun surtout lorsqu'on constate que lors d'une audience publique du Tribunal de Grande Instance de Goma tenue le 05 octobre 2021, dans une affaire opposant l'honorable Habinshuti Seninga Robert à monsieur Dunia Bakarani Faustin sous le RC21.168/20.946 joints, un « scandale » a été remarqué par toute l'assistance.
En effet, dans cette cause tournant sur un conflit foncier, l'honorable Habinshuti Seninga Robert a initié une procédure de récusation de cinq juges de ce tribunal pour un motif d'inimitié.
Un dossier judiciaire ayant été ouvert sous le RREC 001, les magistrats récusés ont systématiquement refusé de réceptionner les actes de notifications de leur récusation. Pire encore, lorsque les avocats de l'honorable Habinshuti Seninga Robert ont produit sur les bancs du tribunal la requête de leur client dûment réceptionnée par le Tribunal et le numéro du dossier de récusation ouvert, la composition du tribunal dirigée par un juge concerné par la récusation a, contre toute attente, et à la surprise générale de toute l'assistance, décidé de rejeter cette récusation, malgré l'avis bien avisé du ministère public qui a rappelé que dès lors qu'ils y a une rupture de confiance entre le juge et le justiciable, le juge devrait se déporter sportivement.
Non seulement le juge accusé s'est jugé lui-même, mais il a décidé aussi de poursuivre l'instance en privant ipso facto l'honorable Habinshuti Seninga Robert, de son droit fondamental d'exercer un recours contre cette décision rendue sur les bancs et rejetant sa requête. Ce scandale amène à réfléchir sur la neutralité qui est attendue d'un juge.
Quid des titres immobiliers ?
Pour une petite histoire, et selon la défense de Mr Dunia Bakarani Faustin, l'honorable Habinshuti Seninga Robert a acheté la concession SR222 de la circonscription foncière de Masisi ayant appartenu à Mr Kanyarwanda Cléophas, un ancien Directeur Général de la BEDGL. Alors que son contrat d'emphytéose aurait expiré en 2017, Mr Eugide Rubera Ngiza, Conservateur des Titres Immobiliers (CTI) de Masisi a donné, sans contrat d'emphytéose, un certificat d'emphytéose en 2018 à Mr Dunia Bakarani Faustin.
Tous les juristes interrogés sur la question dénoncent cette pratique illicite du CTI de Masisi, qui a non seulement créé une concession dans une autre (SR768 qu'il a créé dans la SR222), mais a aussi signé, sans aucun soubassement, un certificat d'emphytéose à Mr Dunia Bakarani Faustin.
Il s'agit selon les experts des affaires foncières contactés dans l'anonymat, d'une superposition des concessions et des titres au préjudice de l'honorable Habinshuti Seninga Robert.
D'autres éléments apportés devant le Tribunal, prouvent que Mr Dunia Bakarani Faustin a des titres obtenus illégalement, et a contre-attaqué en déposant une plainte contre l'honorable Habinshuti Seninga Robert, alors que ce dernier avait déjà déposé une plainte.
L'État de droit, dans l'état de siège
La suite de cette affaire permettra à l'opinion de savoir si les juges sont capables de résister face aux sollicitations des prédateurs.
« Est-ce que la loi autorise à un juge récuser de statuer sur sa récusation et de priver au requérant du droit au recours ? Est-ce que l'état de siège peut réussir dans ces circonstances ? ».
Le gouvernement de la République et toutes les autorités judiciaires doivent avoir un regard attentif sur ce qui se passe au Tribunal de Grande Instance de Goma.
« Est-ce qu'un tel juge peut agir sans la bénédiction du premier président de la Cour d'Appel ? ».
C'est ici l'occasion pour cette autorité judiciaire provinciale d'agir urgemment pour mettre de l'ordre en évitant un silence coupable. Cette affaire a connu des précipitations orchestrées par le premier président, quand l'affaire a été prise en délibérée par des juges déjà récusés par l'accusation.
Lors de l'instauration de l'état de siège en mai 2021, les juridictions civiles ont cessé de fonctionner, mais ont été rouvertes quelques mois après après de nombreuses démarches administratives, politiques et juridiques des acteurs concernés. Pendant ce régime spécial, le Tribunal de Grande Instance de Goma est ainsi appelée à jouer son rôle et dire le droit, selon la vision du chef de l'État qui veut faire de la RDC, un État de droit.
CP