Le commerce illicite de l‘or artisanal bat son plein en République démocratique du Congo. Malgré les efforts déployés pour introduire la traçabilité et le devoir de diligence dans la chaîne d’approvisionnement en or artisanal, seule une infime fraction de l’or circule par des voies licites.
C'est la conclusion à laquelle est arrivée l'ONG IMPACT à travers son étude dont une copie est parvenue à la rédaction de 7SUR7.CD.
À en croire cette étude, cette contrebande entretenue par les négociateurs et les exportateurs font perdre au gouvernement congolais chaque année plus de 10 millions de dollars américains des recettes fiscales.
Pour lutter efficacement contre ce commerce illicite de l'or, l'ONG IMPACT formule les 13 recommandations suivantes au gouvernement congolais :
1. Mener des enquêtes sur les personnes et entités ayant été citées dans plusieurs rapports et demander des comptes à celles qui ont, jusqu’àprésent, semblé agir en toute impunité;
2. Révoquer ou refuser de renouveler tout permis de commerce ou d’exportation aux personnes et entreprises liées au commerce illicite de l’or;
3. Publier en ligne et partager les informations concernant les personnes et entreprises radiées se livrant au commerce illicite de l’or avec des homologues dans d’autres pays, des organismes et des acteurs de l’industrie;
4. Veiller à ce que toute nouvelle demande de permis de commerce ou d’exportation des minéraux présentée par des personnes et des entreprises contiennent des renseignements sur leurs antécédents et sur leur propriété effective, montrant des liens avec des acteurs connus pour se livrer au commerce illicite ;
5. Revoir, en collaboration avec les autorités provinciales compétentes, l’ensemble des taxes et des droits associés au commerce et à l’exportation de l’or artisanal de façon à les harmoniser à l’échelle des provinces et du pays ;
6. Simplifier les étapes à suivre pour exporter de l’or de façon à ce qu’elles soient claires et pas trop lourdes ;
7. Veiller à ce que toutes les exportations de l’or soient assujetties aux procédures d’exportation appropriées et accompagnées des permis d’exportation, documents de dédouanement, reçus officiels et certificats de la CIRGL requis ;
8. Favoriser la collaboration des services de l’État aux frontières et aux postes de douane afin de renforcer l’échange d’informations et de réduire la contrebande ;
9. Accélérer le processus de validation des sites d’exploitation aurifère artisanale dans l’ensemble du pays, en assurant sa viabilité du point de vue des coûts et de la fréquence des visites sur chaque site ;
10. Simplifier le processus actuel de validation des sites en faisant appel à des inspecteurs miniers qualifiés dans les lieux à faible risque et à des missions de validation conjointes dans les zones à haut risque ;
11. Soutenir l’organisme Service d’assistance et d’encadrement des mines artisanales et à petite échelle (SAEMAPE) dans la réalisation de son mandat notamment en offrant une formation améliorée aux agents de sites miniers ;
12. Appliquer strictement les lois sur le blanchiment d’argent et les devises étrangères, conformément aux normes établies par le Groupe d’action financière et ;
13. Veiller à ce que toute demande de construction d’une affinerie d’or en RDC respecte la législation nationale notamment l’application intégrale du Guide OCDE sur le devoir de diligence raisonnable.
Aux gouvernements du Rwanda et à celui de l'Ouganda, le rapport IMPACT recommande ce qui suit :
1. Demander aux organismes chargés de l’application de la loi d’ouvrir immédiatement des enquêtes sur les personnes et entreprises pratiquant le commerce illicite de l’or produit en RDC et de prendre des mesures contre elles ;
2. Favoriser la coopération régionale entre les différents organismes chargés de l’application de la loi afin de détecter les écarts commerciaux et les pratiques douanières qui favorisent la contrebande ;
3. Renforcer les contrôles réglementaires de l’or déclaré comme provenant de la RDC qui transite dans le pays afin de vérifier l’identité des acheteurs et de l’exportateur, d’authentifier les certificats de la CIRGL, les permis d’exportation, les documents de dédouanement et les reçus officiels de la RDC ;
4. Remplir ses obligations à titre de membre de la CIRGL et veiller à ce que tous les acteurs de la chaîne d’approvisionnement, y compris les raffineurs, appliquent le Guide OCDE sur le devoir de diligence notamment pour s’assurer que tous les acteurs du secteur privé importent et exportent de l’or selon les procédures réglementaires définies par chaque pays, paient toutes les taxes requises et détiennent un certificat authentique de la CIRGL et ;
5. S’assurer que tous les acteurs de la chaîne d’approvisionnement, y compris les raffineurs, fassent publiquement rapport des risques afférents à leur chaîne d’approvisionnement, concernant notamment les violations des droits de la personne, la corruption et le blanchiment d’argent, et prennent les mesures qui s’imposent pour atténuer cesrisques.
Le rapport de l'étude IMPACT formule, par ailleurs, les recommandations suivantes à l'industrie aurifère (entreprises, affineurs, bijoutier, acteurs du secteur privé...) :
1. Mettre en œuvre les cinq étapes du guide OCDE sur le devoir de diligence, y compris la publication d’un rapport annuel sur l’exercice du devoir de diligence concernant sa chaîne d’approvisionnement ;
2. Connaître l’origine de l’or qui est en sa possession, en remontant jusqu’au site minier et repérer tous les signaux d’alerte dans les zones de conflit et à haut risque et en faire rapport ;
3. Accepter d’acheter de l’or provenant de mécanismes de traçabilité et de diligence de la RDC pour que ces mécanismes puissent supplanter le commerce illicite ;
4. Insister pour obtenir la preuve que l’or artisanal de la RDC a été acheté de façon légale et responsable et peut-être retracé tout au long de la chaîne d’approvisionnement ;
5. Appuyer les mécanismes de traçabilité et de diligence en RDC pour mettre à l’essai des modèles incitant les négociants et les exportateurs à vouloir vendre légalement de façon à renforcer les efforts d’approvisionnement responsable et ;
6. Veiller à assurer un financement suffisant et continu des stocks, soit à titre individuel ou dans le cadre d’un groupe élargi, afin d’encourager la légalité, la responsabilité et la traçabilité des ventes d’or artisanal de la RDC.
Il convient de préciser que ce rapport repose sur des données obtenues à partir d’entretiens et de l’observation sur place dans les provinces de l’Ituri, du Nord-Kivu et du Sud-Kivu.
Les chercheuses et chercheurs ont interrogé des exploitantes et exploitants miniers artisanaux, des négociants, des exportateurs, des contrebandiers, des responsables de l’application de la loi, des membres de la société civile, des fonctionnaires, ainsi que des représentants du secteur privé, tels que les responsables des affineries.
Orly-Darel Ngiambukulu