Les Sénateurs ont encore une fois suivi la voix de la sagesse, refusant de verser dans des sentiments. Ils ont, sans état d’âme, dit non à la disposition de la loi portant statut des chefs coutumiers appelée à accorder à ceux-ci l’immunité dans l’exercice de leurs fonctions.
Ladite loi a été votée globalement, sans la disposition susvisée, que d’aucuns avaient jugée suicidaire pour l’émergence démocratique au pays. C’était au cours de la séance plénière d’hier mardi 14 juillet, consacrée exclusivement au vote, article par article, puis global, du projet de loi portant statut des chefs coutumiers en République Démocratique du Congo. Sur les 79 Sénateurs présents dans la salle, 76 ont voté « Oui », 1 « Non », et 2 se sont abstenus.
On rappelle que la version originelle de l’article 24 prévoyait d’accorder l’immunité aux chefs coutumiers, ce qui avait suscité un débat houleux au cours de la plénière du lundi 6 juillet 2015. Certains intervenants étaient allés jusqu’à s’interroger sur le lien qu’il y avait entre l’organisation des élections et l’immunité à accorder aux chefs traditionnels.
Initiée avec le concours des chefs coutumiers, la loi prend en compte les valeurs traditionnelles immuables et saines dans une société fondée sur le droit écrit, la démocratie, la bonne gouvernance et le respect des droits de l’homme.
A ce titre, elle vise à :
- Affirmer le rôle protecteur du chef coutumier en ce qui concerne l’identité culturelle ainsi que les valeurs traditionnelles morales ;
- Réaffirmer la neutralité du chef coutumier vis-à-vis des partis et regroupements politiques ;
- Réaffirmer l’implication du chef coutumier dans la sauvegarde de l’unité et de la cohésion nationales ;
- Réserver aux seules structures reconnues par la coutume le droit et le pouvoir de désigner le chef coutumier ;
- Confirmer le droit des pouvoirs publics de reconnaître ou de prendre acte de la désignation du chef coutumier ;
- Revaloriser le statut social du chef coutumier par l’octroi d’une rémunération décente, du privilège de juridiction et des distinctions honorifiques ainsi que l’affiliation à un régime de sécurité sociale ;
- Ouvrir la possibilité de mise en place des commissions consultatives locales, provinciales et nationales pour le règlement des conflits coutumiers ;
- Définir les voies de recours pour le chef coutumier lésé par les décisions et actes des autorités administratives hiérarchiques.
Concernant le statut judiciaire, la loi reconnaît au chef coutumier le privilège de juridiction en matière pénale. Il est par conséquent justiciable du Tribunal de Grande Instance.
« Il ne peut être poursuivi, arrêté ou détenu, sauf en cas d’infraction flagrante ou réputée telle, qu’avec l’autorisation du Procureur général près la Cour d’appel du ressort.
En cas d’engagement de poursuites, d’arrestation ou de détention, le gouverneur de province ou son délégué est informé ».
Par contre, il lui est fait obligation d’avoir un comportement digne. Tout comme il est réaffirmé le caractère apolitique du chef coutumier ; il lui est interdit de prendre part à une quelconque manifestation publique organisée par un parti politique ou dirigée contre les autorités publiques. « Il doit être d’une neutralité absolue vis-à-vis des partis politiques et autres associations à caractère politique ».
En outre, la loi indique que la fonction de chef coutumier est incompatible avec celle de : membre des forces armées ou de la police nationale, d’agent de carrière des services publics de l’Etat, de magistrat, de membre d’un parti politique, de membre du bureau d’un organe délibérant ou du collège exécutif d’une entité territoriale décentralisée, à l’exception de celle de chef de chefferie, d’employé permanent.
Votée au Sénat, la loi sera transmise à l’Assemblée nationale pour examen et adoption. C’est le lieu de rappeler qu’en janvier dernier, le projet de loi portant révision de la loi électorale, voté en première instance à la chambre basse du Parlement, avait provoqué un tollé de contestations populaires à travers le pays. Le Sénat avait pris le contre-pied de la position de la représentation nationale en élaguant la disposition relative à l’identification et à l’enrôlement des électeurs, synonyme de glissement du calendrier électoral. Cette fois, c’est la démarche inverse. On attend connaître la position des députés pour savoir s’il faudra ou non l’arbitrage de la commission paritaire.
Dom