Elections provinciales : Ça sent le boycott …

Mercredi 22 avril 2015 - 09:44

Très fastidieuses et couteuses, les élections locales de juin prochain continuent de préoccuper la classe politique en Républuque démocratique du Congo. A deux mois de leur tenue, aucun signe concret ne présage leur organisation dans le délai fixé par le calendrier électoral. D’où les inquiétudes de l’opposition et d’une partie de la majorité au pouvoir.

« Les lois, les moyens financiers qui devaient être mobilisés ne sont pas au rendez-vous. Parce que si les élections locales sont faites dans la précipitation avec des contours mal définis, je peux vous assurer que le pays va imploser par le bas. » Cette vive inquiétude a été exprimée, le 17 avril, par le député de l’opposition Delly Sessanga. C’était pour critiquer la volonté du gouvernement et de la Ceni (Commission électorale nationale indépendante) de vouloir à tout prix organiser les scrutins locaux en juin prochain, sans toutefois élucider les modalités de leur tenue. Ce débat a pourtant été soulevé par un député de la Majorité présidentielle. Christophe Lutundula, initiateur d’une question orale adressée au Vice-premier ministre et ministre de l’Intérieur et Sécurité. Evariste Boshab. Malgré la publication du calendrier global des élections, le débat reste toujours agité au sein de la classe politique à ce sujet. La question divise même au-delà du clivage majorité-opposition.
C’est d’ailleurs de la majorité qu’est venue la demande qu’un débat se tienne à l’Assemblée nationale pour élucider ce scrutin dont les contours ne sont pas encore totalement cernés.
Le calendrier prévoit d’organiser sept scrutins en un an et demi. Mais une bonne partie de la classe politique - toutes tendances confondues - reste sceptique quant à leur réalisation dans le délai constitutionnel. « Comment financer à la fois sept scrutins de plus d’un milliard de dollars et le redécoupage du pays en 26 provinces. Et le tout d’ici quelques mois ?», s’interroge-t-on du côté de l’Hémicycle du Palais du peuple. Pour passer à l’acte, les partis et regroupements politiques d’opposition, la diaspora ainsi que certaines organisations de la société civile ont rejeté, le 20 avril 2015, l’activité en rapport avec le dépôt des candidatures pour les prochaines élections provinciales.
Le président de l’Union pour la nation congolaise (UNC), Vital Kamerhe, qui, depuis janvier dernier, avait qualifié les élections locales de «stratagèmes » pour retarder la présidentielle. «Nous ne voulons pas de distraction. Les élections locales doivent être renvoyées après 2016», avait- il déclaré il y a trois mois. L’hypothèse d’un “artifice” est partagée par d’autres politiciens : « le calendrier de la Ceni viole les dispositions de l’article 73 de la Constitution qui impose la tenue de l’élection majeure, c’est-à-dire présidentielle, dans un délai de 90 jours avant l’expiration du mandat du président en exercice », constate Bamba di-Lelo, analyste des questions politiques de la RDC. Mais la Ceni a prévu la convocation du scrutin présidentiel le 27 novembre 2016, soit à seulement un mois de la fin du mandat. Alors qu’officiellement le mandat du chef de l’Etat prendra fin le 19 décembre 2016, selon la Constitution. En parlant du flou qui entoure les élections, Bamba di-Lelo ajoute : « Le diable se cache dans les détails. C’est ainsi qu’on a placé la barre très haut, en fixant le coût des élections à plus d’un milliard de dollars, Sans préciser ni l’identité des donateurs ni le montant concret... il existe donc (...) une zone d’ombre, un contrat délibérément créé et entretenu par le pouvoir dans lequel il essaie d’en- tramer le reste du pays ».
Pendant que d’aucuns .expriment des craintes devant ce scrutin’ local fastidieux et moins préparé, Evariste Boshab, lui, tente de calmer le jeu : « Nous maintiendrons ainsi nos ambitions aussi grandes qu’elles paraissent. D’ailleurs, ne dit- on pas qu’il faut avoir des rêves suffisamment grands pour ne pas les perdre de vue pendant qu’on les poursuit.»
Sans rêver, politiciens, analystes et députés continuent de manifester des inquiétudes, notamment sur l’enrôlement des personnes devenues majeures entre 2011 et 2016 qui n’est pas prévu pour les locales, provinciales et sénatoriales.
Pour Samy Badibanga, député de l’UDPS (Union pour la démocratie et le progrès social), ces personnes majeures doivent être enrôlées pour respecter la Constitution. Mais pour le faire, «ça prend un certain temps et forcément ça va produire des changements dans le calendrier», pense-t-il. D’où l’hypothèse du glissement continue toujours de hanter le processus électoral.

Par Dido Nsapu