La conférence sur les investissements du secteur privé dans la région des Grands Lacs s’est clôturée la semaine dernière à Kinshasa sans grandes annonces. Présent à l’ouverture de ces assises, marquées par le déplacement à Kinshasa du secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-moon, le chef de l’Etat, Joseph Kabila, a pratiquement esquivé la crise politique qui couve à petit feu en République démocratique du Congo. Selon lui la RDC va mieux. Ce qui est loin de la réalité sur le terrain. Car, en cette année électorale, rien ne rassure ni sur le dialogue ni sur les élections. Le silence pesant de Kabila sur des questions brûlantes de l’heure ravive les tensions.
Partagé entre le dialogue et les élections, le peuple congolais ne sait plus sur quel pied danser. Son chef, Joseph Kabila, qui devait - en sa qualité de garant de la Constitution et de la bonne marche de l‘Etat - l’éclairer, a pratiquement d’autres urgences qui ne prennent pas en compte ces préoccupations.
Que désire finalement Joseph Kabila ? Où veut-il amener la RDC ? Dans la ville haute, on en parle. Mais, pour, le président de la République, la priorité est ailleurs. Loin des aspirations du peuple.
Il y a de bonnes raisons de s’inquiéter. Plus les jours passent, plus Joseph Kabila envoie des signaux de son endurcissement. Plusieurs émissaires sont passés le voir pour l’amener à se plier à la Constitution. Mais, ‘l’homme est resté de marbre, sinon silencieux. S’est-il fixé une trajectoire ? Difficile à dire. Les ténors, qui se sont prononcés pour “ le dialogue ou rien’ ne disent rien quant à sa tenue effective. C’est comme si ce forum ne devenait plus une urgence quant à sa matérialisation.
Le dialogue bat de l’aile. Et pourtant, l’ordonnance présidentielle le convoquant date du 28 novembre 2015. Trois mois plus tard, aucun signe sur le comité préparatoire qui, aux termes de cette ordonnance, devait intervenir dans les dix jours suivant la date de la signature. L’on se hâte lentement. Au point d’aucuns sont tentés de dire que la mise en place du comité préparatoire au dialogue serait renvoyée aux calendes grecques.
KABILA : LE REPLI SUR SOI?
Dans la Majorité où le cercle de soutien s’élargit au jour le jour, l’impatience se lit déjà sur les visages. Est-ce que le chef de l’Etat a cessé de croire en son initiative ? Son silence tend à peser de plus en plus lourdement sur la suite des événements.
Joseph Kabila affiche depuis quelque temps un silence qui finira par nuire aux intérêts de sa Majorité. Selon certaines indiscrétions, le chef de l’Etat presque pris des distances avec sa famille politique. Avec le secrétaire général de la Majorité présidentielle, également président de l’Assemblée nationale, les relations sont devenues plus protocolaires que politiques. Les mêmes sources rapportent que le secrétaire général de la MP n’est plus associé aux grandes décisions de la Majorité.
Bien plus, entre le chef de l’Etat et le Premier ministre, les rapports sont plutôt ternes. Pas très loin de la froideur. En lieu et place de Matata Ponyo, le chef de l’Etat préférerait, disent des sources très introduites, plutôt se confier à son directeur de cabinet, Les mêmes sources soutiennent que ce dernier ferait, depuis peuh office de chef du gouvernement bis. Ce qui rappelle le fameux «gouvernement parallèle » tant décrié dans un passé récent.
Pour des dossiers politiques sensibles, c’est le porte-parole du gouvernement, Lambert Mende, qui est le bienvenu dans la cour de Kabila. Ainsi, Néhémie Mwilanya, directeur de cabinet de Kabila, et Lambert Mende, porte-parole du gouvernement, sont les deux pions majeurs sur lesquels le chef de l’Etat a assis toute sa stratégie. Une ligne qui ne fait pas l’unanimité au sein de la Majorité présidentielle.
Même si des langues tardent encore à se délier, des tensions, encore latentes, sont bien perceptibles dans la MR La famille présidentielle aura certainement du mal à négocier son avenir - son autorité morale ayant choisi d’évoluer dans’ une tour d’ivoire. L’attitude réservée de Kabila ne fera pas que des ravages dans la MR Tout le pays en pâtira. Les effets de cette sorte de repli sur soi se font déjà sentir.
Si la Majorité soutient le dialogue politique, personne ne sait prédire avec exactitude ses conclusions. D’où, l’imbroglio qui s’est installé autour de ce forum. Plus que jamais, l’intervention du chef de l’Etat devient inéluctable. Ce dernier a intérêt à parler pour amener, notamment tous ceux qui adhèrent à son projet de battre la même mesure. Il s’agit aussi d’atténuer les ardeurs de la Majorité qui, en lieu et place de rassembler l’opinion autour du dialogue, la démobilise par le fait de la démesure.
S’agissant des élections, Joseph Kabila entretient un flou artistique. Dans l’esprit et la lettre de la Constitution de 2006, le chef de l’Etat ne saura pas se .représenter à la prochaine présidentielle. A moins d’un coup de force qui ne serait pas loin d’un coup d’Etat constitutionnel. Là aussi, les commentaires vont dans tous les sens. La MP croit toujours en la capacité de son autorité morale à contourner le verrou constitutionnel. L’Opposition, qui veille au grain, n’entend pas non plus se laisser faire.
Alors que les uns et les autres s’empoignent, du côté du président de la République c’est motus et bouche cousue. Devant la conférence sur les investissements du secteur privé dans la région des Grands Lacs, il a superbement ignoré tous les défis qui l’attendent, aussi bien en termes de dialogue que d’élections. Bien au contraire, il a affiché un optimisme dont lui seul détient le secret. « Le Congo va mieux », a indiqué le chef de l’Etat, faisant fi des regards de Congolais qui veulent entendre leur chef prononcer un message d’espoir à même de désamorcer la bombe qui pourrait exploser à tout moment.
Le silence de Kabila est si pesant qu’il ne manquera pas d’impacter négativement sur la marche du pays, au moment où la RDC cherche à s’engager résolument dans la voie de l’émergence.
LES SAGES CONSEILS DE PERRIELO
Devant la presse, l’envoyé spécial des Etats-Unis dans les Grands Lacs, Thomas Perriello, l’a redit « Lorsque des individus essaient de conserver le pouvoir et de modifier les règles, cela déstabilise l’économie », a dit l’émissaire de Barack Obama
Et de poursuivre : « D’autre part, quand les gens respectent les Constitutions, les investisseurs peuvent commencer à comprendre qu’il n’y aura pas de nouvelle crise tous les cinq ou dix ans, mais peuvent commencer à voir une vision à plus long terme dans le pays ».
Avant lui, Ban Ki-moon, secrétaire général des Nations unies, a prodigué les mêmes conseils. Mais, Kabila a préféré aller demander conseil au président du Congo/Brazzaville, Denis Sassou Nguesso - celui-là même qui venait quelques mois plutôt de réussir son coup, en faisant passer sa réforme de la Constitution.
En effet, toutes les voix de l’extérieur - en grand déphasage avec sa vision - n’influencent pas sa politique. Comme Nkurunziza au Burundi, Kagame au Rwanda, Museveni en Ouganda ou Sassou au Congo/Brazzaville, Joseph Kabila cherche plutôt à s’entourer des alliés qui ont réussi dans leurs pays respectifs ce qu’il espère réaliser en RDC, c’est-à-dire contourner la Constitution pour rempiler. Et dire qu’en ce moment précis le navire « RDC» navigue dans des eaux troubles, sans assurance d’un lendemain meilleur et apaisé. Or il suffit de se plier librement aux règles du jeu ; celles consignées dans la Constitution du 18 février 2006 que la voie soit dégagée aussi bien la tenue du dialogue que celle d’éjections essentielles en 2016.
Par LE POTENTIEL