Dialogue et calendrier consensuel : Un schéma suicidaire en gestation

Mardi 14 juillet 2015 - 12:17

La Majorité présidentielle (MP) ne manque pas d’initiatives pour pérenniser son emprise dans les institutions de la République démocratique du Congo. Après avoir tenté en vain de modifier, à son goût, la Constitution et la loi électorale, elle réfléchit sur la mise en œuvre d’un schéma qui, à terme, devait conduire à une table rase des institutions issues des élections de 2011. Ce qui ouvrira grandement la voie à une 4ème République. Le projet de dialogue politique et, éventuellement l’adoption d’un calendrier électoral consensuel qui en découlera, rentrent dans un schéma totalement suicidaire pour la RDC.

La Majorité présidentielle (MP) n’est pas prête à lâcher prise. Elle se montre déterminée et prête à tout pour permettre à son autorité morale de contourner le verrou constitutionnel de 2016. Ne dit- on pas que «tout chemin mène à Rome»? A la MP, on pense s’inspirer de cette maxime de la Rome antique pour atteindre l’objectif final, c’est-à-dire le maintien du chef de l’Etat au-delà de l’échéance constitutionnelle de 2016.

Tous les moyens sont bons pourvu qu’on l’atteigne son objectif, rappelle une autre sagesse populaire. Si bien qu’à la MP, l’on s’active sans cesse à trouver le détour qui ferait sauter tout obstacle éventuel vers un passage en force à l’échéance de 2016. Et ce ne sont pas des idées qui manquent.

Toutefois, ces idées, aussi ingénieuses soient-elles, ne prennent pas en compte le soutien primaire. Celui-ci est pris pour un marchepied ou un tremplin pour se hisser toujours haut. Raison pour laquelle toutes les stratégies sorties des bureaux d’études de la MP finissent dans un cul de sac. Bien plus, elles butent contre un mur de résistance de la grande masse qui, de temps en temps sort de son silence légendaire pour s’exprimer en haute voix. Les cas sont légion.

La révision de la Constitution, projet savamment réfléchi au sein de la MP dont l’un des ténors prédisait d’ailleurs une «inanition » en cas de refus, s’est soldé par un cuisant échec. Sans baisser les bras, la MP a récidivé avec le projet de révision de la loi électorale, laquelle conditionnait les prochaines élections au recensement et à l’identification. Sans surprise, la pression populaire a stoppé net la tentative. La réaction populaire a été telle que la MP a été obligée de se rétracter. La loi électorale a été débarrassée des clauses compromet- tantes pour le processus électoral.

Avait-elle capitulé, pour autant? Que nenni ! La majorité au pouvoir est loin de s’avouer vaincue.

Depuis un temps, un autre projet est en gestation au sein de la, MP. Des bribes avaient déjà fuité en 2014 lorsqu’elle a\’ait lancé dans l’opinion le décor de la 4eme République. L’idée paraissait saugrenue, au départ, mais aujourd’hui, elle serait en train de prendre corps. En août 2014 (voir encadré), Le Potentiel en avait fait écho, s’efforçant de dissuader les tenants de cette thèse sur l’inopportunité d’une telle démarchez Mais, les caciques de la MP n’en démordent pas ; ils sont sur la voie de rebondir. Et, ils ne lésinent pas sur les moyens.

DECRYPTAGE
Le mode opératoire passe par le dialogue politique. Depuis les concertations nationales de 2013, la MP nourrissait l’espoir d’amener les acteurs politiques et sociaux à convenir de la mise en place d’une nouvelle architecture institutionnelle, particulièrement un nouveau Parlement et un nouveau gouvernement, sans remettre en cause la légitimité du chef de l’Etat. Le boycott des concertations par une frange importante de l’Opposition a fait capoter ce schéma. Soit !
Seul un gouvernement, dit de cohésion nationale, a pu être nommé en décembre 2014 au bout d’une année d’attente. Ce ‘qui n’était pas l’objectif primordial de la MP et de son autorité morale.

D’où, la relance du projet de dialogue politique pour, apparemment, baliser la voie à des élections libres et transparentes de 2015 et 2016. Dans le fond, cela se révèle n’être qu’un prétexte. En réalité, la MP cherche avant tout à réunir le plus de monde possible autour d’une transition consensuelle. De ce point de vue, le dialogue st un bon tremplin. A terme, il s’agit de faire table rase, sans toutefois toucher au président de la République, des institutions issues des élections de 2011.

Tout devait commencer par la dissolution de l’Assemblée nationale. Une nouvelle chambre législative devait, par conséquent, être mise en place avec, dans sa composition, les participants au dialogue. Ça serait l’amorce d’une nouvelle transition, censée mener directement à ‘la République, avec une Constitution totalement remodelée.

A la MP, on se lécherait déjà les babines car, au cas où l’opposition mordrait à l’hameçon de même que la société civile ce serait vraiment une aubaine. Le verrou constitutionnel limitant le mandat présidentiel sauterait de manière automatique dans cette nouvelle configuration.

Dans ce décor, quelque peu surréaliste, les élections sont reléguées au second plan, la priorité tant de réunir le plus d’acteurs politiques et sociaux possible autour de ce projet tout aussi machiavélique que démocraticide. Cela dans la mesure où elle remet en cause les institutions actuelles.

Ceci expliquant cela, l’on comprend dès lors la quintessence de la dernière déclaration de Ne Muanda Nsemi qui appelait à une transition de trois ans avec un schéma impliquant à la fois la Majorité, l’Opposition et la Société civile. En grattant un peu plus, l’on se rend compte que cet ancien député de l’Opposition a été chargé d’assurer la vulgarisation dans l’opinion de ce schéma, en gestation au niveau de la MP. Aussi son intervention ressemble-t-elle à tout point de vue à un ballon d’essai.

Ce, que tous ces frondeurs ignorent c’est qu’ils se mettent en porte-à-faux par rapport à la marche du pays. La jeune démocratie congolaise court un grand danger pour. Car, faire table rase de ce qui existe, c’est autrement sortir du champ démocratique pour glisser vers un champ sui generis qui mènera la RDC droit vers une implosion, autrement dit sa balkanisation.

Disons-le tout de suite : la MP fait fausse route. Est-elle prête à assumer le grand délit qu’elle s’apprête à commettre ? Son schéma est suicidaire et portera de sérieux dommages à la RDC.

La voie du salut

Il est encore temps pour la MP de ressaisir et de suivre la voie de la sagesse. La planche du
du salut est de garantir à tout prix la poursuite du processus électoral ‘lancé depuis 2006. Certes, les ratés de 2011 ont porté un coup dur à cette dynamique mais, ce n’est pas une raison de stopper brutalement un processus qui offre des perspectives heureuses au pays aussi bien en termes d’attraction des investisseurs que d’influence dans la région. La RDC na aucun intérêt à faire marche en arrière, là où elle a déjà réalisé des progrès notables. La marche vers la démocratie est irréversible. Qu’on se le dise.

Les penseurs du projet macabre qui se concocte dans les laboratoires politiques de la MP sont sur une mauvaise pente.
Leur projet remet totalement en cause l’impératif de la cohésion, inscrit comme priorité en 2013 et réitéré comme tel dans le cadre du prochain dialogue.

Atout prendre, le schéma de la MP qui prévoit la remise en cause des institutions actuelles et la mise en place d’une transition, prélude à la 4ème République, n’est rien d‘autre qu’un coup d’Etat, avec toutes les conséquences que cela implique autant à l’intérieur qu’à l’étranger. L’implosion sociale qui s’en suivra conduira à l’isolement diplomatique du pays, les investisseurs présents mettront la clé sous le paillasson, ceux qui s’apprêtaient à venir se cabreront.

La MP a-t-elle l’idée de la gravité de ce qu’elle mijote ? A cause d’elle, la Ceni est bloquée car, ses prérogatives sont récupérées par le gouvernement (répartition des sièges) ; asphyxiée, ses caisses sonnent creux. Au finish, les élections essentielles (législatives et présidentielle) seront reportées au-delà de 2016 municipales.

L’idéal est de privilégier les scrutins que la CENI sera en mesure d’organiser dans les délais prévus dans la Constitution. La priorité devrait être accordée à l’organisation des provinciales pour lesquelles la CENI aurait déjà dépensé près de 70 millions USD. Ça serait un gâchis, de l’argent jeté par la fenêtre simplement parce que la MP tient à conserver le pouvoir, à tout prix.

La RDC ne profitera jamais du schéma qui se prépare au sein de la MP. C’est un schéma suicidaire qui porte les germes de l’implosion du pays. Ce qui conforte davantage la thèse du complot pour lequel travaille certaines officines politiques.

Par LE POTENTIEL

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