
Dans la cité de Kakanda, territoire de Lubudi (province du Lualaba), les représentants des 27 communautés locales impactées par les activités minières de l’entreprise Boss Mining ont tenu une marche pacifique de protestation ce vendredi 30 mai 2025 pour une dénonciation du « pillage systématique » des ressources naturelles, de la militarisation des sites miniers et des violations des droits humains dans leur région par certaines autorités politico-militaires qui se disent proches du chef de l'Etat.
Lors de cette marche organisée par l'organisation de la société civile pour la paix au Congo, des habitants de la cité de Kakanda ont exprimé leur profonde inquiétude face à « l’exploitation illicite » de la concession minière appartenant à Boss Mining. Selon Maître Gabriel Kalenga Kasongo, secrétaire exécutif de l’Organisation de la société civile pour la paix du Congo, cette exploitation illégale est orchestrée par des ressortissants chinois et libanais, appuyés par des militaires en uniforme, dans une atmosphère marquée par le trafic d’influence et l’impunité généralisée.
« Ces mafieux, envahisseurs et voleurs défient les lois du pays, sécurisés par des hommes en uniforme. Ils bloquent les activités de Boss Mining, empêchant ainsi la mise en œuvre de projets de développement au profit de nos villages », a dénoncé Gabriel Kalenga.

Les manifestants ont cité les sites de Disélé, Nkella, Kiwana, Kimbalassani, Kakanda Nord, Sud et Ouest, Kimédia, Mpampala et Mukondo comme les plus touchés par ces activités illicites. Ils affirment que des centaines de camions lourdement chargés de minerais quittent chaque jour ces sites, sans aucune traçabilité, ni respect des normes environnementales et sociales.
« Aucun de ceux qui exploitent actuellement ces sites ne répond de ses responsabilités vis-à-vis des impacts environnementaux et sociaux causés par leurs activités de pillage », ont-ils déploré.
Les communautés dénoncent également la complicité présumée de certaines personnalités proches du pouvoir ainsi que d'autres figures dont les noms sont cités pour leur implication supposée dans ce réseau mafieux.
« Sur l'appui de leur bras séculier constitué de certains individus se réclament nuit et jour appartenir à la famille présidentielle et de certaines autorités politico-militaires nationales, provinciales et locales (…) Considérant que le pillage des minerais qui s'opère actuellement avec des engins dans les sites cités autour de nos communautés par des libanais et chinois ne contribuent pas à notre développement car ne respectant point la réglementation minière », ont-ils cité.
Boss Mining, acteur de développement bloqué
Les représentants communautaires ont rappelé que Boss Mining détient légalement les permis d’exploitation numérotés 463, 467, 468, 469 et 2589, et qu’elle a révisé ses études d’impact environnemental et social, ainsi que son plan de gestion. En août 2023, un cahier de charges a été même signé entre Boss Mining et 27 communautés locales, réparties entre les territoires de Lubudi dans le Lualaba et Kambove dans le Haut-Katanga. Cependant, sa mise en œuvre est paralysée par l’occupation illégale des sites.
« Avant même de signer ce cahier de charges, Boss Mining a déjà contribué à l’amélioration du social dans nos localités, notamment à travers l’alimentation en eau potable et en électricité gratuite à Kakanda, Kikaka, Mwepo et Tambo, ainsi que la prise en charge de la santé et de l’éducation », ont-ils souligné.
Ces manifestants ont noté aussi que l’entreprise Boss Mining a permis l’emploi massif des jeunes locaux et a soutenu les activités génératrices de revenus, facteurs clés dans la réduction de l’insécurité et du chômage dans la région. Les communautés évoquent une exploitation semi-industrielle déguisée en artisanale, facilitée par des coopératives minières écrans, gérées par des élites politiques, militaires et économiques, qui créent une superposition illégale des zones d’exploitation. Par ailleurs, ils dénoncent une militarisation accrue des sites miniers. Des violations graves des droits humains sont rapportées dont des menaces, arrestations arbitraires, coups et blessures, fusillades, présence d’enfants et de femmes enceintes sur les sites, pollution de l’air et des rivières, notamment la menace de disparition de la rivière Kakanda. La route Kakanda-Dilamwe serait devenue impraticable en raison du passage incessant de camions de minerais.

« Nous sommes témoins d’un pillage systématique de nos ressources sous couvert d’une prétendue exploitation artisanale contrôlée par des étrangers. Cette exploitation contribue à notre clochardisation et non à notre développement », déclarent les manifestants.
Face à cette situation, les 27 communautés locales mobilisées par la société civile ont lancé un appel direct au Président de la République, Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo, pour qu’il intervienne personnellement.
« Nous demandons le retrait immédiat des militaires, des services étatiques non éligibles et des envahisseurs de la concession de Boss Mining. Il faut permettre à cette entreprise de reprendre ses activités légalement et de mettre en œuvre les projets de développement contenus dans son cahier de charges », conclut Gabriel Kalenga de la société civile pour la Paix au Congo.
Les manifestants affirment que cette situation profite à des réseaux mafieux qui utilisent abusivement le nom du chef de l’État, au détriment des intérêts des communautés locales et de l’État congolais lui-même.
Il est à noter que ce mémorandum ainsi que la pétition signée par ces communautés ont été remis à Kamimbi Tushimike, chef de groupement Nguba représentant sa majesté le roi Mwenda Bantu Mulongo, chef de la chefferie de Bayeke. Celui-ci a, aux côtés de certaines notabilités, promis de remettre ces documents au près des autorités du Haut-Katanga et du Lualaba pour les faire parvenir au président de la République.
Patient Lukusa, à Lubumbashi