La coordination estudiantine de l'Université de Kinshasa (UNIKIN), en collaboration avec le département des sciences de l'environnement de la faculté des sciences de la même université, a organisé le samedi 29 janvier 2022 une conférence sur la pollution des eaux en RDC.
Particulièrement, l'accent a été porté sur la pollution des rivières Tshikapa et Kasaï au mois d'août dernier par des substances toxiques en provenance de Catoca Diamond, une usine spécialisée dans l'exploitation industrielle du diamant dans la province de Lunda Norte, en Angola.
Intervenant dans cette conférence, le conseiller spécial du chef de l'Etat en charge de l'environnement et de développement, Dieudonné Musibono, ne s'est pas montré tendre avec la manière dont le gouvernement avait géré cette crise. Pour lui, si les victimes seront indemnisées un jour, la compensation sera dérisoire parce que le gouvernement n'avait pas diligenté une étude scientifique sérieuse pour déterminer le degré de cette pollution.
"Quand il y a un différend comme celui-là, la première chose à faire est de prélever les échantillons pour analyser la nature et la quantité du polluant. La deuxième étape est de comparer les valeurs trouvées aux normes légales nationales. Si les valeurs trouvées sont au-delà des valeurs légales, là ça devient un problème. Comme nous n'avons pas une valeur de référence au niveau national, nous ne pouvons pas utiliser les directives internationales pour incriminer un autre État. Raison pour laquelle il est difficile aujourd'hui d'obtenir de l'Angola une compensation appropriée (...). Et s'il faut aller devant les instances judiciaires internationales, il faut avoir un dossier solide. Mais un dossier sans soubassement scientifique ne peut être considéré car il n'est pas fondé. Il faudra donc un règlement à l'amiable et qui ne peut malheureusement aboutir qu'à une compensation dérisoire", a dit Dieudonné Musibono.
Ainsi, pour ce collaborateur du président de la République Félix Tshisekedi, il existe aucune enquête sérieuse qui contraint Catoca Diamond à indemniser les congolais victimes de substances toxiques qu'elle avait déversées dans la rivière Tshikapa en début du mois d'août 2021.
"Si je travaillais pour cette entreprise angolaise, je leur conseillerais de ne rien payer. A ce jour, il n'existe aucune étude scientifique qui a été menée pour déterminer le degré de cette pollution. Ce sont les résultats de cette étude qu'on peut opposer à la partie angolaise pour déterminer le montant d'indemnisation (...). En 2006 par exemple, le navire Probo Koala affrété par la société Trafigura avait déchargé des déchets toxiques au port d'Abidjan. J'avais été recruté par l'ONU pour faire l'expertise. Les conclusions auxquelles nous étions arrivés étaient tellement claires au point que l'entreprise n'avait pas hésité à payer 168 millions d'euro à l'Etat ivoirien. Nous sommes dans un même cas de figure", a déclaré le professeur Dieudonné Musibono.
Pour un autre intervenant, le député national Guy Mafuta, élu de la circonscription électorale de Tshikapa, le bilan exact des victimes de cette pollution n'a jamais été connu.
"On avait dénombré 12 décès et plusieurs cas de lésion vaginale chez les femmes dans les centres de santé connus. Ce bilan ne tient pas compte des zones trop reculées dans la forêt où il n'y a ni radio ni télévision pour que les habitants sachent que la coloration des eaux était due à une pollution et continuaient à manger les poissons normalement. A ce jour, le gouvernement n'a pas encore identifié toutes les victimes. Et j'ai l'impression que ça va passer comme ça", s'est-il montré inquiet.
Notons que tous les intervenants à cette conférence ont déploré deux faits : le manque en RDC d'un laboratoire de surveillance et de contrôle environnemental et aussi le manque des normes nationales de référence en matière de pollution. Raison pour laquelle on ne peut pas déterminer à quel degré les eaux de ces deux cours d'eau, les algues et même leurs nappes phréatiques respectives ont été polluées.
Rappelons que le gouvernement congolais avait écrit au gouvernement angolais pour qu'une commission paritaire soit mise sur pied pour identifier les causes de cette pollution et les dégâts causés. La partie angolaise n'a jamais répondu à cette demande. Par contre, Catoca Diamond avait mené sa propre enquête, de manière unilatérale. Les résultats de cette enquête reconnaissent qu'il y a eu déversement des substances toxiques dans la rivière Tshikapa mais qui ne peuvent pas nuire à l'écosystème aquatique.
Bienfait Luganywa