Procès 100 jours : "Vital Kamerhe sort gagnant de la guerre des pièces contre pièces (Nazaire Nkongolo)

Jeudi 18 juin 2020 - 11:20
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Photo droit tiers

En République Démocratique du Congo, l'heure est à l'attente du jugement final du procès 100 jours dont le directeur de cabinet du chef de l'État Vital Kamerhe est accusé notamment de détournement des deniers publics.

En effet, c'est ce samedi (20 juin 2020 ndlr) que le verdict final est attendu après une série d'audiences tenues à la prison de Makala à Kinshasa, capitale de la RDC. 

Cependant, le déroulement de ce procès continue à susciter des réactions au sein de la classe sociopolitique congolaise. Interrogé par 7SUR7.CD ce jeudi 18 juin, sur le cours de ce procès, l'acteur politique Congolais Nazaire Nkongolo dit attendre que la vérité soit dite par les juges le 20 juin prochain.

Cependant, cet entrepreneur Congolais souligne que tout au long du procès, le ministère public et la partie civile n'ont pas brandi des preuves (pièces ndlr) qui attestent la culpabilité de Vital Kamerhe.

(Ci-dessous, l'intégralité de l'interview)

7SUR7.CD : Quelle lecture faites-vous de ce procès de manière générale ?

Nazaire Nkongolo : Voir le directeur de cabinet d'un président de la République accusé pour des faits aussi graves, est une grande première qui laisse croire que les politiques Congolais devraient s'expliquer pour les mégestions et malversations dont ils feraient dorénavant l'objet.

Je pense également que l'absence d'un gouvernement de plein exercice arrangeait certains, d'autant plus que le président sortant n'ayant pas laissé les caisses vides, expliquerait la précipitation avec laquelle le projet de 100 jours a été mis sur pied.

Si culpabilité il y a, si les détournements sont avérés, les zones d'ombre qui sont apparues dans les décaissements des 66.000.000 USD selon un des témoins, pour un paiement global des 57.000.000 USD à la Rawbank et non chez Ecobank...doivent aussi faire l'objet d'une enquête avec sanctions à la clé, pour tous ceux qui ont fait décaisser des grosses sommes sur les réserves de l'Etat.

Le procès en soi, fut captivant, avec des témoins valeureux et intéressants. Vital Kamerhe a fait preuve de beaucoup de maîtrise, de rigueur et d'une bonne préparation.

7SUR7.CD : Pensez-vous qu'il s'agit d'un procès politique comme l'a affirmé Vital Kamerhe ?

Nazaire Nkongolo : La facilité et les raccourcis pousseraient à penser que c'est un procès politique. Pour moi, sans prétendre de la culpabilité et/ou de la non-culpabilité des uns et des autres, ce n'est pas un procès politique.

Il y a eu des décaissements sur les réserves de l'État...pour l'exécution des travaux surfacturés .

Les sommes décaissées non seulement ne vont pas sur le compte que le ministère des finances a indiqué (Ecobank ndlr) mais sur un compte dans une autre banque. Le montant initialement décaissé, n'est pas celui qui arrive au final dans le compte dudit fournisseur des maisons préfabriquées.

La passassion du marché et choix des prestataires n'a pas été faite à la régulière. Il n'y a rien de politique dans ce qui précède. Mais par contre, je dirai que l'on peut être tenté d'utiliser ce procès à des fins politiques.

7SUR7.CD : Compte tenu des pièces brandies par la partie civile et le ministère public, considérez-vous que la culpabilité de Vital Kamerhe a été prouvée ?

Nazaire Nkongolo : Le public qui attendait à ce que le procureur et la partie civile apportent la preuve selon laquelle Vital Kamerhe aurait reçu sur un compte propre les millions décaissés ne peut qu'être déçu. Et dans la guerre des pièces contre pièces que Vital Kamerhe a savamment orchestrée avec maestria, il en sort gagnant. Parce qu'il est vrai que ni le ministère public ni la partie civile n'ont apporté une preuve ni document de cette nature là.

Mais dans le sens où le détournement des fonds est défini par le législateur tel que le procureur l'a dit, les éléments que je n'ai certes pas lu, mais présumés existants et supposés vrais, porteraient à croire que les anomalies relevées dans ce dossier et la précipitation dans les décaissements, les donneurs d'ordre quels qu'ils soient, ont des responsabilités indéniables.

7SUR7.CD : Quelles sont vos attentes pour le jugement final qui interviendra le 20 juin prochain ?

Nazaire Nkongolo : Ce que j'attends du jugement du 20 juin, c'est que la vérité soit dite. Que les juges disent le droit en toute impartialité. Que le prononcé du jugement énonce une nouvelle ère. L'ère où le plus faible se sentira protégé et rétabli dans ses droits face au plus fort que lui.

7SUR7.CD : Quelle leçon la classe politique congolaise peut-elle tirer de ce procès ?

Nazaire Nkongolo : Que le temps de l'impunité est révolu.

7SUR7.CD : Est-ce que selon vous la tenue de ce procès est un signal fort dans le processus de l'instauration de l'État de droit prôné par lede président Tshisekedi ?

Nazaire Nkongolo : Loin  d'être un professionnel de la politique, ni un frotte-manche, j'avoue que si tous les prédécesseurs avaient permis à la justice ce que nous vivons depuis peu, nous aurions une classe politique avec beaucoup plus de scrupules et consciencieuse.

Il fait sa part [Félix Tshisekedi ndlr], il apporte sa part aux bases ou fondations de son prédécesseur directe. C'est probablement l'État de droit tant voulu par feu Étienne Tshisekedi, qui est à ses balbutiements pour le plaisir des descendants de Lumumba, Kasavubu, Mobutu et Kabila père et fils.

Interview réalisée par Jephté Kitsita